La chapelle

( : vue de dessus) On entre dans une longue pièce dont le sol, recouvert de sable à l'origine () a été pavé de dalles de ciment par le Service des Antiquités (). Le plafond est plat et se trouve à une hauteur moyenne de 2,35m ; il porte encore les traces des burins avec lesquels il a été taillé, car il n'a pas reçu d'enduit ().
L'axe de la chapelle fait un angle de 5° avec celui de la cour ; le mur Est est long de 13,55m, le mur ouest fait 20cm de moins. Le mur du fond (sud) mesure 2,15m, celui du nord (entrée) fait 10cm de moins.
Malgré la qualité d'ensemble convenable de la roche, il existait dès le départ des fissures, dont certaines ont été bouchées à l'aide d'un plâtre rosé assez grossier ; quelques unes se sont élargies avec le temps ().
Le mur sud, ainsi que les parties distales des murs est et ouest ont été enduits puis recouverts d'une fine couche de plâtre avant de recevoir leur décor.
Ce dernier est réalisé en relief levé sur le mur nord et sur une longueur de 10m sur le mur est, jusqu'à l'ouverture d'une petite annexe (serdab, nous y reviendrons) ; ailleurs, le décor est simplement peint, sans travail de sculpture. Le texte est réduit au strict minimum, avec les noms et titres du défunt, et une formule d'offrandes de type invocatoire ("hetep dj nesou"). Contrairement à d'autres tombes, on ne trouve pas ici de légendes ou de commentaires dans les représentations  ; il n'y a pas non plus de "pancarte" comportant une liste d'offrandes.

La grande originalité de la chapelle réside dans ses 14 statues directement taillées dans la paroi, certaines incomplètes, qui occupent autant de niches : 2 sur le mur nord, 8 sur le mur est, et 6 sur le mur ouest. Si toutes celles qui ont été débutées avaient été achevées, ce seraient 19 statues qui auraient décoré cette tombe, un nombre considérable pour un particulier du rang d'Iroukaptah. Autre caractère notable : leur exceptionnel degré de conservation des couleurs, qui n'existe nulle part ailleurs, car les statues taillées directement dans le calcaire toujours plus ou moins stratifié et grossier des falaises résistent mal au temps. Les mieux conservées en dehors de celles-ci se trouvent dans le mastaba d'Idou, à Guiza ().

Mur nord

En raison du caractère excentré de l'entrée, seule sa partie est (qui est à droite lorsqu'on se retourne) est décorée. Elle mesure 1,13m de large et peut être divisée en deux parties, une zone supérieure comportant deux registres avec des meubles et la préparation de deux lits et une zone inférieure occupée par deux statues ; entre les deux se trouve une bande de hauteur irrégulière comportant, du côté droit, le titre "Celui qui fait libation, le boucher du repas du palais".

1) - La zone supérieure

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Elle comporte deux registres superposés, de 32cm pour celui du haut et 22 à 24cm pour celui du bas. Tous deux montrent des hommes en train de faire un lit et des meubles. Les couleurs sont moyennement préservées, et il est possible que la partie gauche des registres n'ait même pas été décorée.

a) - Les deux lits

Ils présentent le même aspect : chacun est recouvert d'un matelas blanc ; la tête, plus haute que les pieds, se trouve du côté droit ; chaque lit se trouve sous un baldaquin dont le toit plat est soutenu par cinq colonnettes ; les pieds ont une forme de patte de taureau ; le bois est peint en noir, zébré de jaune.

Sur le registre du haut, deux hommes se trouvent près du lit. Comme tous les autres personnages, ils portent un pagne uni et une courte perruque. Le premier brandit d'une main un repose-tête et de l'autre un chasse-mouches. Le second tient aussi d'une main un chasse-mouches, tandis que l'autre agrippe un bâton ; derrière lui, mal préservée, se trouve une table basse.

Sur le registre du bas, ce sont cinq hommes qui sont représentés, tassés sur eux-mêmes en raison de la moindre hauteur du registre. Le premier, penché en avant, égalise le matelas ; celui qui se tient derrière lui tend un chasse-mouches et un repose-tête (alors qu'il y en a déjà un représenté sur le lit) (). Plus à gauche, deux hommes qui se font face semblent apporter un fauteuil (). Derrière eux s'avance un autre personnage portant d'un côté une cruche au bout d'une corde, et de l'autre un sac posé sur l'épaule.
Si la fabrication d'un lit est régulièrement représentée dans les scènes de menuiserie, ce n'est pas le cas de l'arrangement d'un lit et d'un matelas. À la fin de la Ve dynastie, on verra des pieds en pattes de lion remplacer ceux en pattes de taureau et les personnages s'agenouiller sur le matelas pour mieux l'aplanir.

b) - La bande de texte

Entre ces deux registres et les statues du dessous, on trouve une bande de texte, qui prolonge celle située à la même hauteur sur le mur est : "Celui qui fait libation, le boucher du palais, Iroukaptah". Les hiéroglyphes sont incisés mais seuls ceux constituant le titre sont encore peints.

2) - Les statues

Deux seulement sont présentes sur ce mur. Elles forment un tout avec leur huit homologues du mur est, dont elles partagent les caractéristiques.

a) - Les niches

Sur le mur nord (comme sur le mur est) les niches se trouvent à 25cm du sol et occupent les 2/3 inférieurs de la paroi ; elles mesurent 44cm de large pour 1,35m de haut et sont séparées par des piliers de 14cm de large. Elles sont assez grossièrement taillées, et ont été revêtues de plâtre, puis peintes en gris bleu clair, mais cette couleur est largement perdue. Les piliers, qui étaient peints en gris clair, ne comportent que le nom d'Iroukaptah et ses titres, sous forme de texte vertical dont les hiéroglyphes sont incisés et peints. Entre les deux statues du mur nord on devine les restes d'un texte qui n'avait été que peint.

b) - Les statues

Neuf statues sur dix de ce groupe représentent Iroukaptah. Les statues sont taillées en haut-relief directement dans la roche de la paroi, puis ont été polies, badigeonnées de plâtre couleur crème et enfin peintes. Toutes montrent le défunt vêtu d'un pagne dans une attitude rigide, debout, les deux pieds joints, les deux bras le long du corps, serrant dans chaque poing un rouleau de tissu. Il est coiffé d'une perruque courte, qui n'atteint pas les épaules, et arbore un grand collier autour du cou. Le visage est carré, les yeux ronds, le nez droit et épais, avec parfois une moustache, les épaules sont larges, les mamelons parfois signalés, les bras et les jambes sont tubulaires avec une musculature et une ossature discrètement indiquées.

Les pagnes sont de deux types. Le premier est entièrement blanc, avec un pli frontal et un nœud soulignés d'une ligne rouge. Le second est moitié blanc, moitié jaune, avec une ceinture formée de rectangles d'un vert très clair séparés par un motif blanc et bleu en zigzag et une boucle bleue ; une languette jaune remonte sur l'abdomen tandis que deux boucles rouges dont l'extrémité est frangée retombent de chaque côté de quatre rangs de perles décoratives ().
Dans l'ensemble, les statues sont assez bien préservées, notamment au niveau des couleurs, mais aucune n'est totalement intacte.

Mur est

On peut le diviser en trois sections : la partie nord, de l'entrée jusqu'à la fin de la rangée de statues, une zone médiane constituée par des scènes dans les marais et la partie sud allant de celles-ci jusqu'au mur du fond (sud).

A- Partie nord

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1) - À gauche de la première niche à statues

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Une colonne de 30 à 33cm de large, dont le fond était gris, est divisée en quatre registres dont la hauteur varie de 26 à 30cm.

Registre 1 (supérieur) : deux bouchers sont occupés à débiter un bœuf.

Registre 2 : deux hommes s'avancent vers les statues. Le premier tient d'une main une cruche par une anse en corde, et de l'autre une aiguière dans un bassin, l'ensemble étant bien sûr destiné aux libations rituelles. Son compagnon qui le suit tient aussi une cruche et des pains posés sur un plateau.

Registre 3 : le premier personnage présente un encensoir dont il soulève le couvercle entre le pouce et l'index, laissant voir les boulettes de résine ; celui qui se trouve derrière lui apporte des tissus.

Registre 4 : deux hommes, dont l'un regarde vers l'arrière, amènent une table à un pied sur laquelle se trouvent un pain, un canard troussé et du raisin.

2) - Les statues

( et )

Elles sont au nombre de huit (numérotées de gauche à droite). Nous avons déjà vu leurs caractéristiques générales.
Les statues N°2 et 6 ont un visage bien conservé (s2, s6), tout comme la N°4 (s4) qui montre une nette dissymétrie de position des yeux (). La statue N°5 était sans doute la mieux préservée de toutes, mais hélas un pillard moderne lui a arraché le visage (s5). La 7e statue montre un visage assez bien conservé mais trop gros par rapport au corps ; ce qui fait son originalité est l'ébauche d'une corniche à gorge qui surmonte la niche () et que nous retrouverons sur les statues du mur ouest. La huitième et dernière statue est inachevée () et l'artisan a dessiné en noir les contours d'un simulacre de corps préparatoire à la sculpture. Il est probable que cette huitième statue a été rajoutée dans un second temps. En effet, on remarque l'absence d'inscription verticale incisée dans le pilier qui sépare sa niche de celle de la statue N°7 (alors que tous les autres en ont une) et le fait que les activités dans les marais, représentées à droite, n'occupent pas correctement l'espace car elles semblent amputées dans leur partie gauche.

3) - L'inscription

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La seule grande inscription de la tombe se trouve ici. Elle commence à l'extrémité droite (sud) du mur, au-dessus des statues dessinées en rouge et des scènes de bateaux, elle est interrompue par le panneau consacré aux activités dans les marais, puis reprend au-dessus des niches à statues, pour se terminer à l'extrémité nord. Elle est réalisée en beaux hiéroglyphes incisés, dont les couleurs ont bien résisté aux millénaires, comme le magnifique bleu cobalt qu'on peut admirer sur la photo ci-contre. Sur le mur d'entrée, nous avons vu que, au même niveau, se trouve une courte inscription beaucoup plus grossièrement exécutée ().
Texte : "Une offrande que donnent le roi et Anubis, qui est à la tête du pavillon divin, maître de la Terre Sacrée, (celui qui siège) sur sa colline, (celui) qui est dans la place de l'embaumement. Qu'il puisse cheminer en paix sur les belles routes qu'empruntent les favorisés. Une offrande que donnent le roi et Anubis, (celui qui siège) sur sa colline, (celui) qui est dans la place de l'embaumement, le maître de la Terre Sacrée. Une offrande que donne Osiris, maître de Busiris, qui est à la tête du pavillon divin. Qu'il soit enterré dans la nécropole du désert de l'ouest après avoir atteint un beau grand âge, le favorisé devant le grand dieu, celui qui fait libation et le boucher du palais, Iroukaptah".

4) - Le registre supérieur

À l'extrême gauche, près de l'angle avec le mur nord, nous trouvons Iroukaptah assis avec devant lui des offrandes alimentaires ; la scène se déploie sur une largeur de 1,51m et une hauteur de 0,53m en moyenne () ; à droite se trouvent des scènes de boucherie.

a) - Le propriétaire et les offrandes

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Iroukaptah
Il se trouve juste au-dessus des quatre petits registres dont nous avons déjà parlé. Il est assis sur un siège bas dont seul le pied postérieur, en patte de taureau, est représenté ; ses fesses sont calées sur un coussin blanc ; il porte la courte barbe trapézoïdale, une moustache et il est coiffé d'une perruque longue. La représentation a subi une retouche au niveau du pagne : l'ajout (en peinture seulement) d'un plastron triangulaire raide a obligé de raccourcir le bras droit (pour avoir une idée de l'apect réel on peut regarder le du MFA, Boston).

Dans la main gauche, Iroukaptah tient par la tige une fleur de lotus qu'il présente devant son nez afin d'en respirer le parfum. Il s'agit, comme nous avons déjà eu l'occasion de le voir dans de nombreux autres monuments, d'un symbole de renaissance, mais il est rare à cette époque chez l'homme. Il se retrouve cependant dans deux mastabas presque contemporains, celui de Niankhkhnoum et Khnoumhotep (que nous avons déjà présenté sur OsirisNet) qui se trouve lui aussi sous la chaussée d'Ounas, et celui de Iimery qui se trouve à Guiza (). La scène montrant Niankhkhnoum en train de respirer le lotus trône en bonne place, dans le vestibule impressionnant qui mène dans la partie de la sépulture taillée dans la falaise ( et ) : Iroukaptah n'a pas pu manquer de la voir et c'est très probablement elle qui lui a servi de modèle.
Devant le visage du propriétaire, on lit, tracé en noir : "Celui qui fait libation, le boucher du palais, Iroukaptah".

Les offrandes

Les provisions et boissons sont réparties en deux sous-registres devant Iroukaptah, celui du bas mesure 31cm de hauteur, celui du haut est légèrement moins haut (23cm) et moins long pour laisser place à la partie supérieure de la patte de bœuf présentée par un assistant.
On notera la diversité des représentations : aucune des petites tables ou des guéridons n'est identique à un autre ou ne porte les mêmes objets. On remarquera, sur la petite table noire et jaune du haut, les trois aiguières bleue, dorée et rouge, associées à leurs bassins de même couleur, tandis qu'en dessous se trouve un large vase pourvu d'un bec verseur, et une cruche de bière. Devant les genoux du propriétaire se trouve un vase en pierre soigneusement scellé par un couvercle probablement en vannerie ; à l'extrémité du même registre, trois vases identiques sont posés sur une table basse, séparés par des fleurs de lotus. Les pains coniques constituent l'offrande la plus abondante de l'ensemble. La table monopodale de gauche est faite également en vannerie et supporte deux grands pains coniques ; la table rouge à sa droite, plus grande, est en bois et porte un grand panier dans lequel s'accumulent des fruits (figues, raisin, grenades) et une miche de pain blanc () ; en fait, il semble que l'artiste ait voulu représenter deux panières l'une derrière l'autre.

b) - Scènes de boucherie

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Elles sont intéressantes parce qu'elles sont bien conservées, mais aussi parce qu'on y voit des étapes du découpage de l’animal très rares ailleurs.
Elles occupent une longueur de 3,75m et une hauteur de 0,51m. Elles sont dirigées vers le propriétaire et se lisent donc de droite à gauche et font intervenir douze participants, occupés à débiter quatre taureaux. Ils sont tous vêtus d'un pagne court porté à l'envers pour faciliter les mouvements, laissant voir les organes génitaux. Ils donnent l'impression de faire de grands efforts, un pied ou un genou sur l'animal, bras tendus pour faciliter la coupe. Certains sont debout sur leurs orteils (représentation unique d'après Vandier). Les bêtes ont un pelage blanc tacheté de noir ou de marron.

Les quatre bouchers travaillant sur les deux premiers animaux ont dans le dos une pierre à aiguiser (vue ci-contre) ; les couteaux ont un manche et une lame noire (très probablement en silex) et sont, bizarrement, tenus de la main gauche. Deux personnages sont agenouillés à côté des deux bêtes du milieu () et présentent, à hauteur de visage, un vase largement ouvert destiné à recueillir le sang de la victime (on ignore ce qu'ils en faisaient précisément). Entre les deux mêmes animaux, un boucher debout affûte sa lame (). À la différence des précédents, il est coiffé d'une perruque qui lui couvre l'oreille, ce qui traduit peut-être une position de chef.
Le taureau le plus à gauche a déjà subi l'ablation de ses deux pattes antérieures, une image exceptionnelle () ; l'un des bouchers travaille dans les viscères, tandis que l'autre écorche avec son couteau la patte postérieure que tient un aide.

Plus à gauche, quatre personnages ont la charge de porter la viande vers les offrandes destinées à Iroukaptah (). Trois d'entre eux se dirigent d'ailleurs vers elles, tandis que le quatrième est encore tourné vers les bouchers : c'est certainement lui qui fait passer les morceaux de viande aux porteurs ; pour l'instant, il tient un filet dans la main droite tandis que sa main gauche assure une patte de bovidé sur son épaule.
Le porteur le plus près des offrandes présente à deux mains une patte ; celui qui le suit en tient une autre sur une épaule tandis que son autre main tient une tige sur laquelle est embroché un canard, enfin le dernier apporte des morceaux de viande découpés : un plat de côtes dans la main droite, une cuisse au bout d'une sorte de crochet de l'autre (on voit l'os central entouré de muscles).