La façade

L'entrée dans le mastaba se fait au niveau de l'extrémité Sud de la façade Est. De chaque côté on retrouve les noms, les titres et des représentations du défunt (). Deux figures de Kagemni sont présentes sur les jambages de la porte d'entrée et accueillent le visiteur. Il est représenté debout, sceptre Sekhem de pouvoir dans la main droite, et longue canne de fonction dans la main gauche ( et ).
Les textes d'accompagnement retracent les étapes de la carrière de Kagemni et les bienfaits qu'il a accomplis.

La salle I

Seuls subsistent les registres les plus bas, qui ont complètement perdu leurs couleurs.

1) - Sur le mur ouest face à l'entrée

On y trouve une scène de pêche. Kagemni, dont il ne reste que les pieds, était figuré debout sur une barque de papyrus se glissant dans les denses fourrés d'un marécage dont les plantes sont représentées par des tiges droites, présidait à la pêche dans les marais.
Devant lui évolue une petite barque, également en papyrus, qui transporte trois hommes revêtus d'un simple cache-sexe, qu'ils ont d'ailleurs fait glisser dans le dos pour ne pas être embarrassés. Celui de l'arrière, accroupi sur ses talons, dirige le frêle esquif.

Celui du milieu a lancé une ligne à plusieurs hameçons et l'on voit plusieurs poissons d'espèces différentes s'en rapprocher. A l'avant, un personnage debout fait manifestement un effort considérable pour relever une nasse lourde des poissons qu'elle contient. Parmi les espèces représentées : Barbeau, Mulet, Mormyre, Clarias, Synodontes, Tilapia… Des perches du Nil (qu'on retrouve de nos jours chez nos poissonniers) sont également parfaitement identifiables, ainsi que des anguilles.
On remarquera jusqu'où l'artisan a poussé le détail : sur les branchages immédiatement devant la barque, on reconnaît une grenouille, une sauterelle et une libellule ( et ).
D'autres représentations de même type sont présentes ( et ).

Des animaux dangereux sont également présents dans ce milieu hostile, où l'ordre voulu par ne règne pas; ainsi on assiste à une bataille entre crocodile et hippopotames ( et ) et on voit des crocodiles chassant des poissons, l'un d'entre eux ayant fait une grosse prise (). La composition rend très bien la panique chez les victimes potentielles qui fuient en tout sens.
Car au-delàde cette lecture immédiate, il faut en imaginer une seconde, symbolique. Le marécage est la zone frontière entre le milieu inorganisé (où Isfet) et le milieu organisé par l'homme Égyptien, conformément à la volonté des dieux (c'est le milieu de la Maat). En chassant les animaux sauvages, ce sont aussi les démons que l'on chasse et que l'on empêche de pénétrer dans les parties les plus intimes de la tombe.

Ce motif de la pêche dans les marais sera repris dans la traversée du gué de la salle III et dans la scène de pêche de la salle IV. Ainsi, il reste cantonné dans les zones plutôt externes, loin du lieu où se trouve la fausse porte et où se distribuent les offrandes.

2) - Le mur Est

C'est celui où s'ouvre la porte d'entrée. A gauche, autour de la porte, on retrouve les titres de Kagemni (). Sur la partie droite du mur se trouvent des serviteurs portant ou accompagnant des animaux divers, allant du hérisson en cage aux veaux, en passant par divers oiseaux. Des offrandes végétales sont transportées par d'autres hommes.

La salle II

Cette salle toute en longueur conduit vers l'escalier de l'extrémité Nord. Elle n'est pas décorée.
Un bloc était placé sur le sol lors de ma visite ().

La salle III

( et ) La salle comporte trois piliers symétriquement placés, mal conservés, sur lesquels on voit encore des fragments de représentation de Kagemni et de son (ses) épouse (s).

1) - Le mur Ouest

Nous retrouvons Kagemni, représenté en hauteur héroïque, dans une scène champêtre d'élevage et de surveillance des troupeaux.
On distingue deux registres ( et ).

Au premier registre, à gauche, un troupeau traverse un gué. Un paysan monté sur une barque fait traverser tout le troupeau en attirant la mère d'un veau qu'il tient par une patte et par une corde. Celui-ci nage tout en tournant la tête vers sa mère et en meuglant, ce qui attire cette dernière et tout le troupeau ( et ). A l'arrière du troupeau, un bouvier lève son bâton pour faire avancer les derniers boeufs récalcitrants. Derrière lui un homme va faire traverser le gué à un veau sans doute très jeune qu'il porte sur son dos…et qui n'a pas l'air rassuré ().
Le passage à gué est dangereux pour les bêtes mais aussi pour les hommes. En effet si on retrouve la faune piscicole habituelle, on retrouve aussi crocodiles toujours à l'affût et hippopotames.

Au second registre des serviteurs s'occupent de la traite des vaches ; celles-ci sont entravées pour empêcher l'animal de bouger () et pour tenir plus aisément à l'écart les veaux non encore sevrés, qui cherchent évidemment à téter leur mère ().
A droite, deux hommes sont assis face à face sur des sortes de tapis végétaux. Ils fabriquent des fagots de tiges de papyrus, même si on ne comprend pas bien la nature des instruments qu'ils tiennent en mains ; néanmoins, l'action est indiscutable puisque le libellé hiéroglyphique de la scène est "keni" qui veut dire fagot ().

Un autre serviteur assis dans une sorte de corbeille sèvre un jeune animal à qui il offre dans sa bouche de la nourriture prémachéee que l'animal n'a plus qu'à lécher. Traditionnellement, on considère que c'est un chiot qui est ainsi nourri. Une étude publiée par Beverley Miles en 2009 confirme que des Égyptiens de classe inférieure pouvait avoir à nourrir personnellement des chiots. Une illustre parfaitement l'action. Quand on connait la rareté de la représentation des contacts inter-humains, celle de l'homme avec l'animal est vraiment exceptionnelle. L'auteur précise aussi que le rôle du chien, si souvent présent, notamment dans les mastabas de l'Ancien Empire notamment, reste mal compris.
L'hypothèse du cochon est plus récente mais guère etayée. Rappelons que le cochon, dont on sait par les fouilles qu'il était abondamment consommé, n'est presque jamais représenté dans les tombes, sans doute considéré comme un animal impur. Il deviendra d'ailleurs plus tard un animal relié au dieu Seth.

2) - Le mur Nord

Il est percé à son extrémité droite par la porte menant à la salle IV. La partie gauche (Ouest) du mur était décorée de deux scènes symétriques montrant Kagemni debout sur sa barque, qui chassait et pêchait au milieu des fourrés de papyrus : il n'en subsiste que les jambes et les pieds (). Entre les deux représentations, un espace ménagé entre les tiges laisse apparaître l'eau et de nombreux poissons.
Près de la vaste embarcation du maître évoluent les petits bateaux des chasseurs d'hippopotames et des pêcheurs.
Dans l'un d'eux sont embarqués trois chasseurs. Deux sont armés de harpons, le troisième d'un gourdin. Les hommes brandissent leur harpon tout en tirant les cordes fichées dans le corps des hippopotames. Les gros mammifères se débattent et hurlent sous l'effet de la douleur ).

La chasse à l'hippopotame

est un classique des scènes figurées dans les tombes de l'Ancien Empire. Les Égyptiens n'ont jamais aimé cet animal imprévisible qui pouvait être très dangereux dans l'eau et qui de plus détruisait de nombreuses cultures. Avec le temps, il deviendra un animal réellement maléfique et assimilé au dieu Seth. Cela est abondamment représenté sur les parois des temples d'époque gréco-romaine, comme à Edfou par exemple. On ignore si sa chair était consommée ; en tout cas, les vraies chasses à l'hippopotame semblent avoir été exceptionnelles.

L'hippopotame mâle a également une valeur symbolique négative. En effet, l'animal pouvait rester longtemps immergé et remonter brusquement, il était susceptible de renverser les embarcations et de tuer ses occupants.
Déjà à l'Ancien Empire il est l'image d'une force brutale et incontrôlée, menaçant la création d'un retour au chaos des origines. Lorsque les croyances funéraires changeront et que le défunt devra circuler en barque sur le Nil céleste pour accéder à son destin d'éternité, l'animal n'en deviendra que plus dangereux. C'est pourquoi il fallait soit le détruire en le harponnant, soit le maintenir magiquement au fond de l'eau, et c'était le rôle de certains objets réalisés en fritte où l'on voit un hippopotame avec sur son dos une fleur de lotus : surmonté de la fleur il était forcément sous l'eau… (par exemple dans un exemplaire du Louvre )
On voit ainsi le double aspect que pouvait revêtir un animal dans l'imaginaire de l'Égyptien : d'une part, c'était un être vivant, qu'il côtoyait - en bien ou en mal ; d'autre part, il lui attribue une valeur de réceptacle, d'icône, pour incarner une force naturelle inexplicable. L'animal devient ainsi l'hypostase du dieu auquel a été attribué le phénomène.

3) - Sur le mur Est

Kagemni, dont il ne reste que les pieds, était assis devant une troupe de quatorze danseurs, danseuses-acrobates et femmes tapant dans les mains et exécutant une figure difficile à imaginer : les corps sont renversé vers l'arrière à l'horizontale tandis que les deux bras et une jambe sont quasiment à la verticale : tel que les personnages sont représentés, c'est la chute assurée… ().

La salle IV

Dans l'épaisseur de l'ouverture reliant les salles III et IV figurent quatre serviteurs qui transportent des pièces de l'équipement funéraire de Kagemni, tandis que derrière l'embrasure de la porte on trouve une scène de halage où figure un traîneau sur lequel se trouve la "statue du Ka" de Kagemni. Cette dernière est celle qui a été placée dans le serdab, cette pièce qui a ensuite été complètement refermée.

1) -Mur Ouest

a) - premier registre

On trouve deux scènes similaires de chasse aux oiseaux à l'aide d'un filet hexagonal. Celle de gauche est particulièrement bien conservée ().
Les filets ont été tendus à proximité d'une mare et un palmier unique est représenté à côté de chaque mare.
Quand suffisamment d'oiseaux se trouvent sous le filet, l'homme de droite donne le signal et, avec ses trois compagnons devant lui, ils tirent violemment sur la corde, refermant la nasse et piégeant les volatiles. Seuls quelques uns arrivent, affolés, à s'échapper du piège ().
A droite, la seconde scène remontre un filet bien garni. L'homme situé à droite tient une pièce d'étoffe entre ses bras tendus, signal pour ses compagnons cachés de tirer la corde ( et ).

b) - deuxième registre

Il est consacré à une scène de basse cour.
Trois volières sont représentées côte à côte, entourées de filets et avec un toit soutenu par des bâtons à extrémité fourchue ().
Devant la première volaille se tient un personnage debout en train de laisser couler à terre du grain à partir d'un sac qu'il tient sur l'épaule droite. Il s'agit là d'une représentation conventionnelle typique de l'art Égyptien, car le personnage n'effectuait pas cette action dehors bien sûr; il était rentré dans l'enclos par la petite porte représentée au bas. Mais comme l'artisan aurait eu du mal à le représenter dedans, il est montré accomplissant sa fonction "dehors" ( et ).

c) - troisième registre

Il est en grande partie détruit et était consacré au gavage des oies (). Les fermiers assis au sol préparent des boulettes que d'autres vont introduire de force dans le gosier des malheureux volatiles. Le tout se déroule sous l'inévitable regard d'un surveillant. On remarquera l'attitude si diverse des canards et des oies.

d) - quatrième registre

Nous restons dans une opération de gavage, mais celle-ci est très différente et beaucoup plus dangereuse. En effet les animaux nourris de force sont des hyènes. Cet animal n'a d'ailleurs jamais pu être domestiqué, et c'est pourquoi les Égyptiens ont renoncé à leur exploitation dès la fin de l'Ancien Empire.
Quoi qu'il en soit, les scènes ici représentées sont fort intéressantes.

A gauche, un homme seul enfonce de force des morceaux de volaille dans la bouche d'une hyène renversée à terre, les pattes liées. Plus à droite, deux hommes conduisent un autre animal, l'un le tenant par la queue et le second par une corde autour du cou. Encore plus à droite, deux hommes oeuvrent autour d'un animal renversé, car si ses pattes arrière sont liées il n'en est pas de même pour les deux pattes avant. Le scribe assis et qui tourne le dos au dernier personnage note tout, bien sûr, et ce rapport sera présenté à Kagemni par son supérieur debout devant lui.

e) -cinquième registre

Il est très mutilé, montrant des étables avec des bovidés, et l'inévitable scribe et contremaître. On remarquera que les hommes se mettent à deux pour la traite, et également que le trayeur semble empoigner deux tétines différentes en même temps ().

f) - sixième registre

Un bouvier avec son boeuf et des scribes, il n'en reste pas plus.

2) - Mur Sud

Un cortège de cinq porteuses d'offrandes animales se dirigent vers le fond de la tombe, plus précisément vers la salle VII où se concentrent les offrandes.

3) - Mur Est

Cette paroi est assez abîmée. On y retrouve Kagemni en grande taille, avec son épouse Nebty-noub-khet, de son "beau nom" (Ren nefer) Sesheshet. La princesse se tient debout derrière Kagemni, tandis qu'on retrouve son fils Teti-ankh sous forme d'un petit personnage qui enserre la jambe de son père.
Les personnages reçoivent les apports de poissons résultant de l'activité des serviteurs dans les marais ().

4) Mur Nord

Une scène située au-dessus de la porte conduisant vers la salle V montre Kagemni assis dans une chaise à porteurs, nonchalamment accoudé sur le bras droit tandis qu'il tient une canne dans la main gauche à hauteur de l'épaule. Il porte un large collier au cou.
La chaise est transportée par 20 hommes disposés en deux équipes de dix, portant chacun un bâton ( et ainsi que et ) ; entre les rangs un surveillant, canne à la main, est prêt à faire respecter le rythme de marche aux maladroits. On remarquera l'énorme disproportion (volontaire) des tailles entre le seigneur et sa chaise d'une part, et les autres personnages d'autre part.
Devant et derrière le palanquin, deux hommes tiennent des sortes de mâts verticaux qui sont en fait les manches de parasol.

Nous possédons un exemple d'une chaise à porteurs de ce type, celle de conservée au musée du Caire.
Comme l'a bien souligné Jacques Vandier - et comme on le voit avec la chaise de la reine - il existe une grande différence entre la taille réelle des chaises et celles qui sont parfois représentées. Il ne faut certainement pas 20 hommes pour les porter. Victor Loret a émis une très ingénieuse hypothèse, basée sur la similitude du nom désignant ce modèle de chaise et celui désignant le mille-pattes : "Sepa". Or un mille-pattes n'a en réalité que 42 pattes…soit exactement le nombre de jambes que représentent 10 porteurs par côté, plus un surveillant!

A l'avant de la scène, s'avancent (superposés) trois nobles personnages parmi lesquels est cité "son fils", mais son nom n'est pas précisé. Immédiatement au-dessus de l'embrasure de la porte, on remarque un nain tenant en laisse deux chiens à queue recourbée, de type "sloughy" et un singe.