Les décors

Les parois de la tombe rupestre primitive n'ont reçu aucun décor. Dans la salle du sarcophage et la descenderie, on trouve trois graffiti portant le nom de Neferherenptah et son titre de "Supérieur des coiffeurs du palais".
Bien que tous les blocs calcaires rapportés qui constituent les murs de la chapelle supérieure aient été préparés par lissage, le décor se trouve exclusivement sur les parois nord et ouest.

Un des caractères particuliers de la chapelle est son incomplétude : aucune scène n'est entièrement finie, ce qui permet d'observer les différentes phases du travail. Les couleurs ont été appliquées aussi bien sur les zones gravées (même si la gravure n'est pas achevée) que sur les zones lisses. La raison n'en est pas évidente : peut-être par superstition (le propriétaire craignant que la fin de la décoration n'entraîne sa propre fin…) soit plus vraisemblablement en raison de l'urgence : Neferherenptah aurait ainsi laissé un décor minimaliste, mais signifiant pour lui.

Une autre caractéristique de la tombe est la multiplication des représentations d'oiseaux, volant librement, attrapés dans un filet ou fourrés de force dans une cage. Les autres scènes sont également en rapport avec la vie rurale : élevage des animaux, vendanges, cueillette, entretien des jardins… Il n'y a pas de scène de culte en dehors de deux représentations de prêtres funéraires et aucun membre de la famille du défunt n'est représenté. Les scènes d'artisanat, de boucherie ou rituelles manquent totalement. Peut-être devaient-elles prendre place sur les murs restés vierges.

Dans la sphère restreinte dans laquelle évolue le défunt, c'est-à-dire sa tombe et celles des autres courtisans qui gravitent autour de la pyramide de leur roi, ces scènes agricoles ont une double fonction : lui apporter la certitude qu'il ne manquera pas de provisions de bouche et amener dans sa tombe le monde extérieur afin qu'il puisse en jouir dans sa nouvelle vie de l'au-delà (Allen).

Les esquisses préliminaires et les dessins sont comparables à ceux d’autres tombes de l’Ancien Empire, mais elles sont d’une telle richesse de détails qu’elles méritent un hommage particulier. Tous les personnages et objets ont des contours tracés d'abord à l’encre rouge, puis surchargés ensuite d’encre noire. Chaque ligne est nette et précise, réalisée à main levée. Pour les figures humaines, une seule ligne de contour a suffi au peintre. Il n’y a que les perruques bouclées que l'artiste a entièrement coloriées. Pour les animaux, surtout les pigeons, dont les ailes et les queues sont rendues par des coups de pinceau très fins, on remarquera le rendu du plumage par des taches de couleurs, produisant des demi-tons, ce qui donne aux peintures un aspect particulièrement original.

La décoration est donc limitée aux murs nord et ouest ; chacun est haut de 3,50m ; la zone décorée commence à 1,35m du sol et occupe une zone de 2,10m de haut, divisée en cinq registres de 43 à 44cm chacun. Au sommet se trouve une frise formée de triangles et de barres verticales () ; signalons enfin que le plafond est peint en rouge avec des points noirs, pour imiter le précieux granit d'Assouan.

Mur nord

() Le décor, dominé par l'élevage des bovins, commence 50cm après l'entrée. Il n'y a pas trace de peinture et trois saynètes sont restées inachevées. La lecture se fait de haut en bas et de gauche à droite.

1) - Registre N°1 (supérieur)

()

Une ligne de texte, qui fait référence à Neferherenptah et à son fils, occupe la partie supérieure du registre : "Propriété du supérieur des coiffeurs du palais, le familier du roi, Neferherenptah, qu'a gérée pour lui son fils, le juge et responsable des scribes, Ptahshepses".

À gauche, un berger assis nourrit à la main un bœuf, avec ce commentaire "engraisser, par le bouvier" ().

Au milieu, deux bovins, tournés en sens inverse, se tiennent l’un au-dessus de l’autre dans deux demi-registres. Une natte est posée sur le dos de celui du haut ; celui du bas boit du lait dans une jatte, ce que confirme la légende : "Boire le lait".

À droite la scène est mal conservée et difficile à photographier. Deux bouviers nus sont en train de lutter, sous le regard de deux spectateurs. L’un a pris le dessus sur son adversaire, et lui maintient la tête coincée entre ses genoux. Le commentaire, difficile à traduire, dit quelque chose comme : "sa défaite est emprisonnée dans la tombe". Le spectateur de droite, un contremaître d'après les restes de son pagne, s'appuie sur une canne ; celui de gauche adopte une position bien codifiée exprimant le respect, la main gauche agrippant l'épaule droite.

2) - Registre N°2

() Il montre la vie quotidienne des bergers et oiseleurs qui se tiennent sous un abri dont le toit est soutenu par cinq poteaux, ce qui délimite quatre compartiments subdivisés en deux (sauf celui situé le plus à droite). Tous les hommes sont vêtus d'un pagne court et présentent une alopécie de type androgénique, un marqueur d'une condition sociale inférieure ; un seul porte une perruque.
De haut en bas et de gauche à droite nous trouvons :

a) - Un berger en train de nettoyer la natte sur laquelle il est agenouillé ().
b) - Un berger en train de confectionner une natte en papyrus ; légende : "Tresser le papyrus". Les deux objets de droite, en forme de 8 horizontal, sont difficiles à identifier.
c) - Un berger pétrit la pâte à pain qu'il sort d'une grande jarre ; légende : "Pétrir la pâte". Pendant ce temps, son voisin cuit deux rouleaux de pâte sur un feu de charbon de bois qu’il attise avec un éventail ; légende : "cuire (dans la cendre) ".
d) - Un oiseleur prépare (ou répare) un filet ; légende : "Tisser, par l'oiseleur" ; il semble que ce soit un siège qui se trouve devant lui ; un oiseau non plumé est attaché à un poteau.
e) - Le garde-manger des bergers : légumes, fruits, pains, jarres de bière et peut-être de saumures ().
f) - Un berger fait rôtir un oiseau à la broche, en attisant le feu avec un éventail. Commentaire : "cuisson d’un oiseau par le wdpw (?) "".
g) - La scène la plus à droite occupe deux demi-registres (). Elle montre un contremaître assis dans un siège bas, qui a vaguement la forme d'un baquet, tenant d'une main son bâton tandis que de l'autre il porte à la bouche une large jarre pour en boire le contenu (sans doute du lait), aidé par un homme penché ; ce dernier est le seul à avoir une perruque et à se tenir debout. Il n'y a pas de légende. Plusieurs pièces de viande sont suspendues au plafond : côtelettes, côtes, volaille plumée ou non.

3) - Registre N°3

À côté d'un bouvier nonchalamment appuyé sur un bâton qui, indifférent, assiste au spectacle, se trouve une scène de copulation entre un bœuf sans cornes et une vache qui arbore de belles cornes lyriformes ; la légende est sobre : "saillie par le taureau". À droite, on en voit la conséquence, dans une scène abîmée : la vache met au monde son petit, avec l'aide d'un bouvier qui le tire par les pattes de devant ; légende : "délivrance de la vache". Derrière la vache et l'accoucheur, un surveillant observe le processus, main gauche étendue ; il ne peut s'empêcher de donner un conseil - comme toujours dans ce genre de représentation - mais celui-ci est en grande partie perdu : "Délivre bien…".

4) - Registre N°4

() Il est surmonté par une inscription qui occupe toute la longueur de la scène : "Le domaine du superviseur des coiffeurs du palais, gardien des perruques et coiffeur, Neferherenptah, riche de bovins, que son fils Ptahshepses a géré pour lui, (lui qui est) juge et contremaître des scribes".
À gauche, un homme est en train de traire une vache qui, tournant la tête vers lui, lui lèche les cheveux, tandis que son veau se trouve entre ses pattes ; légende : "la traite du lait". La seconde scène est identique, ainsi que sa légende, mais vache et veau semblent indifférents, comme absents.
Plus à droite, un homme debout verse le lait dans une jarre tenue par son compagnon agenouillé. Le mot "lait" est à peine esquissé. Il en est de même des deux hommes qui s'approchent du côté droit : l'un d'eux, qui a une perruque bouclée, élève devant lui deux récipients de lait. Il est accompagné par un berger hirsute et peu soigné. Le berger esquisse un geste, qui pourrait signifier que ce lait est issu de sa propre production (difficile à voir sur ). Ce serait donc une livraison au défunt.

5) - Registre N°5

Neuf personnages se dirigent vers l'intérieur de la tombe ; tous portent une perruque bouclée et un pagne uni, ainsi que des sandales aux pieds. Rappelons à ce propos que Rodna Siebels a montré que le port de sandales n'a rien à voir avec le statut social, le sexe ou la sacralité du lieu : n'importe qui peut en porter n'importe quand et n'importe où.
Tous les porteurs, dont les trois derniers ne sont qu'esquissés, portent dans des positions variées un ou deux vases à vin. Au-dessus de la procession on lit : "Offrande du vin par les prêtres mortuaires du pr-Dt, au supérieur des coiffeurs du palais, Neferherenptah, pour l’offrande au défunt (?) ".

Le per-djet

(Manuel de Codage : pr-Dt), littéralement "maison ou domaine d'éternité"

Voici ce qu'écrit Bernadette Menu concernant la détention foncière à l'Ancien Empire :
"Durant l'Ancien Empire, on observe essentiellement trois phénomènes en ce qui concerne la détention des terres par des particuliers :
1) Affectation d'une certaine quantité de champs à l'exercice d'une fonction ; les revenus tirés de l'exploitation de la terre permettaient de couvrir les "dépenses de fonctionnement" et d'assurer la rémunération du titulaire de l'office. Les terres, étant attachées à la fonction et non à la personne, changeaient de détenteur en même temps que la charge passait à un autre fonctionnaire.
2) Constitution de domaines attribués "intuitu personae" à des dignitaires de haut rang, pour leur permettre de mener leur train de vie et, peut-être (mais rien n'est moins sûr), de prélever les dotations foncières nécessaires à l'entretien de l'appareil funéraire : construction et équipement du tombeau, installation d'un service d'offrandes. Les compagnons du roi et les grands commis de l'État jouissaient de ces domaines (per-djet) pendant la durée de leur existence, quels que soient les événements de leur carrière (promotions, déplacements).
À la mort du bénéficiaire, le per-djet, ensemble foncier suffisamment vaste pour comporter des villages, retournait vraisemblablement à l'Administration qui pouvait en disposer de nouveau. Notons que djet, pendant l'Ancien Empire, implique une notion d'utilisation privative d'un bien ou de services (le "djet" d'une fondation funéraire en est le serviteur attiré, celui d'un supérieur hiérarchique est en quelque sorte son "homme lige").
3) Transmission héréditaire de champs dont les revenus étaient affectés à la vie dans l'au-delà. Les biens acquis de cette manière l'étaient définitivement et à titre privatif, si bien que l'on peut considérer la propriété funéraire comme la seule véritable forme de propriété privée dans l'Ancien Empire ; son exercice est toutefois tempéré par deux restrictions : la propriété doit être confirmée par charte royale et les biens sont transmis en indivision "à un seul fils". Le fondateur d'un culte funéraire interdit rigoureusement à ses héritiers l'aliénation, globale ou partielle, à titre gratuit ou onéreux, des terres et autres biens affectés au service du mort."

Per-djet désigne aussi un type d’architecture funéraire, un groupement de tombes protégées par un mur d’enceinte.