Le mastaba de Niankhknoum et Khnoumhotep

Le mastaba de Niankhkhnoum et Khnoumhotep se trouve au nord de Saqqarah, la grande nécropole de Memphis, capitale de l'Ancien Empire (et capitale administrative durant toute l'histoire égyptienne).
Il est situé sous la chaussée qui joint le temple de la vallée d'Ounas (dernier roi de la Vème dynastie) au temple d'accueil de sa pyramide.
Située entre la pyramide à degré de Djéser et celle d'Ounas, c'est l'une des plus belles tombes de la nécropole. Elle est connue sous le nom de "tombe des deux frères" et aussi sous le nom de "tombe des coiffeurs".
Le monument est resté dissimulé jusqu'à sa redécouverte en 1964. La chaussée d'Ounas a dû être partiellement démantelée pour dégager complètement la tombe ().

Sa datation exacte reste imprécise, mais étant donné sa localisation sous la chaussée, elle précède forcément le règne d'Ounas. On peut estimer qu'elle date très vraisemblablement du règne du roi Niousserre, 6ème roi de la Vème dynastie (~2460-2430 avant J.C.), ou au plus tard de son successeur immédiat, Menkaouhor (~2430-2420 avant J.C.)
Les mastabas des hauts fonctionnaires atteignent à cette époque des dimensions très importantes, avec une abondante iconographie dont les variations subtiles permettent de dater approximativement la période du monument. C'est là le témoignage de l'affaiblissement progressif de la royauté et de la féodalisation débutante.

NIANKHKHNOUM ET KHNOUMHOTEP

La tombe est de grande taille, avec une configuration inhabituelle, puisqu'elle comprend deux ensembles -l'un bâti, l'autre creusé dans le roc- et qu'elle est dédiée à deux défunts : Niankhknoum "la vie appartient à Khnoum" et Khnoumhotep - "Khnoum est satisfait" ().
Ces deux patronymes font référence au dieu Khnoum, dieu potier démiurge à tête de bélier, surtout honoré à Éléphantine (près d'Assouan).

La réunion de ces deux hommes dans la même tombe a donné lieu à moult débats

.

La plupart des auteurs pensent qu'ils étaient frères. On a même suggéré qu'il s'agissait de jumeaux, sans apporter de preuve convaincante.
Certains ont spéculé sur une possible relation homosexuelle.
C'est peu vraisemblable, leurs épouses et leurs enfants étant représentés de nombreuses fois dans la tombe. De plus les interdits de l'époque n'auraient sans doute pas permis une représentation d'intimité aussi suggestive.
Un très bon article couvrant cette question est paru dans le .
À mon avis [JJH], c'était juste deux frères très proches, peut-être jumeaux, partageant le même style de vie en travaillant pour le roi ; ils ont payé conjointement la construction de leur tombeau commun de façon à être réunis dans l'Au-delà, comme ils l'avaient été sur terre.

On peut ajouter un élément : partout dans la décoration de la tombe la première place est donnée à Niankhkhnoum, ce qui peut signifier que c'était l'aîné. De plus sur le mur arrière du second vestibule (au sud de la cour), Niankhkhnoum a un fils plus âgé que Khnoumhotep.

Fonctions

Leurs titres sont nombreux, et se rencontrent plusieurs fois sous une forme ou une autre.
En résumé ils sont :
  Superviseur des manucures du palais (Leur titre le plus connu)
  Administrateur du roi
Prêtre de Ra au temple solaire de Nioussere
Prêtre pur (ouab) du temple mortuaire de Nioussere "les fondations de Nioussere sont pérennes (stables) "
(nom de la pyramide de ce roi) .
Prêtre pur (ouab) du Roi
Confident du roi
Conseiller privé
Celui qui est honoré par le grand dieu
Celui que son seigneur aime tous les jours

LA FAMILLE DE NIANKHKHNOUM ET KHNOUMHOTEP

Plusieurs murs dans le complexe montrent les deux défunts avec des membres de leur famille, le plus souvent un seul à la fois, comme sur les murs du second vestibule. Cependant des groupes familiaux élargis sont représentés sur trois des murs : le mur sud du premier vestibule (où une partie de la famille proche de chaque défunt est représentée chassant et pêchant) ; le mur est de la première chambre (leurs parents et leur fratrie) ; et la partie sud du mur ouest de l'antichambre (tous leurs enfants).
À partir de là, il est possible de construire une généalogie.

La vocalisation à partir de hiéroglyphes étant aléatoire, les noms qui suivent sont proposés également au format en italique.

Le père et la mère des deux défunts peuvent être identifiés avec un degré raisonnable de certitude (bien qu'ils ne soient pas mentionnés comme tels), sur le mur est de la première chambre. Ce sont : Khabaou-Khoufou xa-bAw-xwfw (leur père) et Reoued-saoues rwD-zAw.s (leur mère).

À eux deux, les défunts semblent avoir six frères et soeurs :

Trois frères
Titi tjtj, Nefernisewet nfr-njswt, et Kahersetef kA (.j) -Hr-st.f

et trois soeurs
Neferhotep-hewetherew nfr-Htp-Hwt-Hrw, Mehewet mHwt et Ptah-heseten Hztn-ptH.

La famille de Niankhkhnoum consiste en :
sa femme : Khentikaous xntj-kAw.s
trois fils : Hem-re Hm-ra, Qed-Ounas qd (w) n.s et Khnoumhezeouef Xnmw-hzw.f
trois filles : Hemet-re Hmt-ra, Khouiten-re xwjtn-ra et Nebet nbt
et un petit-fils : : Irin-akheti jrjn-Axtj (fils de Hem-re et sa femme, Tjeset Tzt).

Dans le cas de Khnoumhotep, sa famille est composée de :
sa femme : Khenout xnwt
cinq fils : Ptahshepses Spss-ptH, Ptahneferkhou nfr-xw (w) -ptH, Kaizebi kA (.j) -zbj,
Khnoumhesouf xnmw-Hzw.f and Niankhkhnoum-le jeune nj-anx-xnmw nDs
et une fille: : Roudzaous rwD.zAw.z.
Le dernier fils de Khnoumhotep doit probablement son nom à son oncle.

DESCRIPTION GÉNÉRALE

Le mastaba est l'un des plus grands de la nécropole de Saqqara ; il semble qu'il ait été agrandi et modifié durant sa construction, sans doute en trois étapes.

L'ensemble d'origine (phase 1) comprenait peut être seulement la moitié nord de l'antichambre, creusée dans le rocher calcaire.

Une première extension vers le sud (étape 2) doubla sa longueur avec ajout de la chambre d'offrandes.

Le reste (incluant le second vestibule conduisant à l'antichambre d'origine) fut ajouté en construisant vers l'avant (étape 3).
Cet ajout comprend, à partir de la nouvelle entrée à piliers et du premier vestibule, deux nouvelles chambres (non décorées), une cour ouverte (non décorée) et enfin le second vestibule conduisant à l'antichambre creusée dans le roc.

Les différentes pièces sont reliées par des corridors étroits décorés (sauf celui entre la première et la seconde chambre), dont la hauteur ne dépasse guère celle des portes : environ 2mètres.
Le sol de la partie d'origine, creusée dans le roc, est à peu près 80 cm au-dessus de celui de la construction maçonnée du mastaba.
Toutes ces zones étaient accessibles aux vivants, pour permettre le culte, ce qui n'était pas le cas des chambres mortuaires, dont l'entrée se trouve dans le plancher du second vestibule.
Par ailleurs, signalons que les murs bâtis ont du fruit pour augmenter leur stabilité.

Partout, la décoration est partagée entre les deux défunts, mais avec une préséance pour Niankhkhnoum vis-à-vis de son frère Khnoumhotep, par exemple une priorité de position sur les murs.
De nombreuses couleurs d'origine demeurent vivaces, malgré les dommages constatés çà et là.
La partie décorée des murs est limitée en bas par une bande colorée, au-dessous de laquelle se trouve une zone non décorée d'environ 1m, faite de pierres plus grossières.
À l'origine, les côtés et le sommet des murs décorés étaient bordés par une "frise" en forme d'échelle colorée, doublée au sommet par un motif géométrique, mais ceci ne subsiste que de place en place. En effet, des pierres appartenant au mastaba furent utilisées pour construire la chaussée d'Ounas, et ce sont naturellement les pierres les plus hautes qui sont parties les premières.