CHAPELLE

En sortant du magasin, on tourne sur la droite pour reprendre le second corridor et, après quelques pas, on pénètre dans la chapelle par son coin nord-est.
La pièce mesure 7,27 × 4,93m, et comporte deux piliers carrés en son centre. Le mur ouest est occupé par deux grandes stèles fausse-portes, tandis que le reste des parois est couvert de registres gravés et peints, dont certains sont des chefs-d'œuvres. C'est dans cette pièce que s'ouvre aussi le second serdab du mastaba.
Malheureusement, ici encore le problème de la hauteur des registres s'est posé avec acuité, et de nombreuses zones n'ont pas pu être photographiées convenablement.

Chapelle, paroi est

() La paroi comporte trois parties horizontales : le bandeau anépigraphe du bas, puis deux registres occupant toute la longueur de la paroi, et enfin une zone supérieure qui est divisée en trois parties verticales par une architrave. En raison de la continuité des scènes entre la partie haute et les deux registres horizontaux, il vaut mieux procéder à une analyse par colonnes complètes :
- à gauche (nord), se trouve un résumé des travaux agricoles de la saison de la moisson ()
- à droite (sud) s'ouvre une fenêtre en hauteur, tandis que la paroi sous-jacente est largement détruite, mais on y reconnaît encore les restes d'un défilé de bétail sur le registre quatre, et le travail dans un chantier naval sur les registres inférieurs ()
- au centre se trouve Ty, des fonctionnaires et des inscriptions ().

Avertissement : les photos prises sur cette paroi sont en général de fort médiocre qualité en raison des problèmes d'éclairage. Si vous avez mieux, merci de nous en faire profiter.

partie centrale

L'architrave domine Ty, sa famille et ses titres, et sur les deux registres bas, des fonctionnaires ( et ).

Ty, tourné vers l'entrée nord, est assis sous un dai sur un siège à pattes de taureau ; il porte une longue perruque, un large collier autour du cou, doublé d'un pendentif plus long. Sa main droite empoigne sa canne de fonction, tandis que la gauche serre une pièce de tissu. A ses pieds est agenouillée son épouse, qui a passé son bras gauche autour de sa jambe droite. Le couple observe les travaux des champs réalisés dans les propriétés de son domaine funéraire, comme l'indique la longue inscription verticale qui leur fait face et sert de frontière avec les scènes agricoles proprement dites. Au-dessus sont exposés, une nouvelle fois, les titres du défunt.

Les deux rangs de fonctionnaires du bas regroupent treize personnes, désignées comme 6" (Membres du) Conseil de la fondation funéraire". Il faut comprendre qu'il s'agit de contrôleurs et de gestionnaires qui accompagnent Ty dans son inspection des domaines. Personne n'est nommé, et seuls deux personnages sont accompagnés d'un petit texte précisant leur fonction : 7"porteur de dépêches" 8"contremaître à la voix puissante". On reconnaît aussi des scribes et des porteurs d'objets variés, dont la nature n'est pas toujours évidente : boites, coffres, sandales, sacs, et un parasol.

partie gauche (nord)

C'est un total de dix registres superposés qui sont consacrés aux divers travaux agricoles de la saison de la récolte (voir ). Les registres mesurent environ 27,5 cm de hauteur et sont très bien conservés, saufs les deux plus haut. La qualité de la gravure est excellente et les couleurs souvent présentes. Hélas, c'est aussi une zone sombre surmontée par un néon.
L'ordre des registres est celui de la séquence des opérations. Ainsi, sur les registres du haut se trouvent les scènes de moisson, puis vient le transport de la récolte et sa mise en meule, ensuite le foulage, puis enfin le dépiquage (séparation du grain et de la balle) ().

1) - Registres 9 et 10 : la récolte du lin

( et ).

C'est par elle que débutait la période des récoltes, et elle précède toujours les moissons céréalières. Les paysans qui y participent sont tous vêtus d'un pagne qui laisse le sexe à découvert, un des signes traduisant leur appartenance aux plus basses classes sociales.
Les deux registres n'ont conservé aucune inscription.
Sur le registre neuf, des hommes arrachent le lin et le mettent en petites bottes, le troisième et le huitième retirent une tige boutonnée qui dépasse, ce qui signifie que le lin était en fleur. Les tiges récoltées à cette époque donnaient les meilleures étoffes, tandis que si l'on désirait récolter les graines, on attendait la maturité complète de la plante, mais les tiges étaient alors de moins bonne qualité. On remarque que certains paysans tiennent les gerbes à deux mains et les tapent sur le sol, permettant de mettre toutes les tiges au même niveau.
Au centre, un homme les bras étendus, a été interprété comme un chanteur qui encourageait ses compagnons en leur donnant un rythme ().
Le registre dix est détruit en son centre. Des botteleurs assis égalisent et ligaturent les tiges afin d'obtenir des gerbes homogènes, qu'on retrouve ensuite empilées (huit de chaque côté). Ces bottes égalisées sont reprises dans l'image du hiéroglyphe Gardiner M 38 .

2) - Registres 7 et 8 : récolte de l'orge

( et )

A- Le registre huit

( et )

Huit hommes sont au travail. La plante est coupée à la hauteur du genou, laissant une importante quantité de paille en place dans le terrain, mais économisant le dos des paysans. L'outil utilisé est une faucille à main, mais sa forme est plus proche de celle de la faux. Le tranchant est le plus souvent réalisé avec des éclats de silex sertis, plus rarement avec des lames métalliques. Le paysan saisit l'outil par une poignée ; celle-ci n'est pas verticale comme le dessin pourrait le faire croire, mais se trouve dans le même plan que la lame. Dans le même temps, de sa main gauche, il empoigne plusieurs tiges qui vont être sectionnées. Un autre pose à terre les tiges coupées en les empilant.
L'homme situé à l'extrême droite est tourné vers ses camarades et saisit de sa main droite son poignet gauche. Il pourrait s'agir d'un surveillant, mais la légende d'accompagnement incite plutôt à y voir le meilleur des ouvriers, le premier à avoir fini sa ligne (puisque, évidemment, les moissonneurs ne sont pas l'un derrière l'autre mais côte à côte) : 1 & 2"Qui est-ce qui est un gars qui a agi (travaillé) au lieu de parler ? c'est moi ! Je te dis ainsi qu'aux camarades autant qu'il y en a, que vous êtes des cons!" (traduction de P. Montet qui, à l'époque, n'a pas voulu traduire le terme mais, par une périphrase, a suggéré son sens : "con". Ce terme est couramment employé dans l'iconographie égyptienne de l'Ancien Empire).
Quelques explications sont utiles à ce stade. Le mot "Tat" écrit avec le signe du poussin aux ailes déployées associé au phallus peut, selon Montet, se traduire par "gars". Celui qui a pris la parole demande quelle est la personne de la société qui peut être appelé un 'méritant'. Naturellement il s'agit de lui-même, ce qui peut être exprimé, comme ici ("c'est moi!") ou sous entendu. LUI, il n'a pas perdu son temps en palabres ; il ne se contente pas de cette autosatisfaction, mais injurie en plus les autres paysans.

B- Le registre sept

L'orge sur pied est mieux conservé. Au milieu du registre, nous trouvons un homme qui joue d'une longue flûte. Devant lui, un des moissonneurs a mis sa faucille sous le bras et entonne une chanson intitulée 3"je me suis mis en route". Nul doute qu'il accompagnait de la voix le flûtiste et, en battant la mesure de ses mains, il donnait un rythme aux faucheurs. Aujourd'hui encore, en Égypte comme dans tout l'Orient, on travaille accompagné de ces chants rythmiques ().
Comme sur le registre du dessus, un homme est tourné et apostrophe les autres : 4"qui est-ce qui agit en parlant, camarades ?", et de continuer : 2"qui est-ce qui est un gars ardent de cœur?" 1"c'est moi!"

3) - Registre 6 : la récolte du blé

( et )

La céréale récoltée est clairement identifiée par son hiéroglyphe, et correspond à du blé amidonnier
Il est nettement plus haut que l'orge et semble dépasser la taille des hommes, sans qu'on puisse savoir s'il s'agit d'une fiction ou d'une réalité à l'époque.
Le registre comprend neuf paysans, dont un flûtiste et un chanteur qui entonne cette fois 1"les bœufs". Les épis à terre sont disposés différemment, alternativement d'un côté et de l'autre.
Il n'y a pas de premier ouvrier cette fois, et la légende dit : 2"Qu'est-ce donc, compagnons ? Hâtez-vous bien, car c'est le blé de la journée". Cette phrase est difficile à interpréter : s'agit'il de la paie journalière, traduisant la fin du travail quotidien, où les paysans avaient-ils le droit de moissonner pour eux-mêmes une partie du champ?
Curieusement, dans aucun des mastabas connus à ce jour, les Égyptiens n'ont montré les hommes qui ramassaient les épis à terre. Seuls quelques porteurs de gerbes sont connus, encore sont-ils très rares (il n'y en a pas chez Ty).

4) - Registres 4 et 5 : l'enlèvement de la récolte vers les aires de battage

A- Registre cinq

( et )

Les gerbes ont été empilées, ce que l'on voit à l'extrémité gauche du registre. Elles vont être entassées dans un sac du nom de "iAdet", mot qui désigne également le filet de pêche ou de chasse, indiquant sa nature.
Devant le tas de gerbes, deux hommes referment un filet plein d'épis, en tirant de toutes leurs forces sur les extrémités d'une corde, un pied posé sur le sac ( et ).
Du côté droit du registre arrivent les bêtes de somme qui vont transporter tous ces sacs (). Ce sont, à l'époque comme aujourd'hui, les ânes qui assurent ce travail. Il semble que ces malheureux animaux, ici au nombre de six, étaient aussi mal traités à l'époque que maintenant. À l'avant courent deux hommes, bâtons en mains, dont l'un retourné, va frapper. A l'arrière, un autre serre-file manie à deux mains son bâton. Ce que fait ou va faire le groupe de six personnages qui suit est moins évident (). Ils sont précédés par un guide muni de deux bâtons, un court, un long. Le premier pourrait être un chanteur, car il porte la main à l'oreille, les cinq autres portent un bâton de la main gauche et le font reposer sur l'épaule.
Au-dessus des six ânes, se trouve une phrase que Montet à renoncé à traduire, tandis que Mastabase propose : 1"j'espère aller loin, je bats le paresseux, viens vers moi".
Même si les ânes ont perdu leur couleur, le relief reste admirable, et la représentation des hommes en pleine action est très convaincante : on peut imaginer la poussière, le bruit et le remue-ménage qui accompagnent l'arrivée des bêtes.

B- Registre quatre

Les saynètes continuent à être extraordinairement vivantes, et il s'agit d'une des zones les plus artistiquement réussies du mastaba, traduisant le travail d'un Maître.

• À gauche

()

Devant le tas de gerbes en attente de transport, se tient un paysan qui maintient tant bien que mal un sac-filet plein, ressemblant à un bouclier de haute taille, qui devra être basculé sur la croupe de l'animal ( et ). Il attend manifestement que son compagnon devant lui ait réussi à maîtriser l'âne qui doit porter la charge. En effet, le bât n'existe pas en Égypte ancienne, et les sacs sont chargés directement sur le dos de la bête. On devine l'homme en colère et pressé. Arc-bouté sur ses jambes, il tient à l'horizontale la patte avant gauche de l'âne, tandis que, de sa main droite, il lui tord l'oreille en disant 1"Joins-toi à lui !" : il faut sans doute comprendre quelque chose comme "vas-tu te laisser faire [et accepter le sac sur ton dos] ?". L'ânier qui se trouve à l'arrière accompagne le mouvement de solides coups de bâton, en injuriant grossièrement l'animal : 2"qu'est ce que c'est que ce trou-du-cul ?".

• À droite

()

Trois ânes chargés se dirigent vers les aires de battage, qui se trouvaient à proximité des villages. Remarquez la couverture interposée entre le sac et le dos de l'animal qu'elle protège. Le sac a été placé en équilibre sur la bête, et son extrémité supérieure nouée avec, comme toujours, quelques gerbes au sommet (). On peut encore se faire une idée de l'énorme charge que devaient porter ces animaux lorsqu'on les voit de nos jours dans les campagnes égyptiennes, où les mêmes scènes se perpétuent. Ceci explique qu'il faille un ou plusieurs hommes qui marchent à côté de l'âne, afin de maintenir le filet en équilibre.
Mais ce qui devait arriver arriva, et la charge d'un des animaux est tombée à terre.

La scène du milieu, particulièrement réussie (on retrouve quasiment la même dans la chapelle d'Akhethotep, au Louvre), montre les efforts des hommes pour la remettre en place. Accrochés au filet, les deux paysans du milieu s'efforcent de remonter le sac, tandis que l'homme à l'avant immobilise la bête en lui entourant le museau de son bras gauche (on ne voit pas ce que fait sa main droite). Il apostrophe son compagnon : 4"donne-lui, dépêche-toi !". Nous ne comprenons pas trop ce que devait donner l'homme qui, à l'arrière, maintient l'âne par la queue de sa main droite, tandis que de la gauche il aide à équilibrer la charge, mais il répond : 3"je fais selon ton désir". Enfin, en tête de colonne s'avance une ânesse dont la charge est maintenue par un aide, tandis que l'inévitable ânier et son bâton la suit. Dans un complément d'une grande tendresse, comme les Égyptiens aimaient à les réaliser, on voit le petit ânon fort joliment dessiné qui précède sa mère ().

5) - Registre 3 : fabrication des meules

( et / et )

Les ânes arrivés à destination sont déchargés, et les sacs sont vidés : 1"jeter l'orge par terre". La représentation de cette scène est très exceptionnelle (on en connaît un seul autre exemple) : les hommes ont retiré la corde des oreilles et oreillettes, et elle pend à terre. Ils ont ensuite empoigné le filet et le retournent vers le sol. Remarquons que les gerbes tombées ne sont pas représentées. Ce qui n'empêche pas les hommes de droite de s'en emparer afin d'édifier une meule tronconique (). Il subsiste deux légendes identiques encadrant la meule de droite : 2 et 3"construire une meule d'orge sur l'aire".
Il est important de souligner qu'il s'agit d'une meule temporaire, en attendant le début du foulage et du dépiquage. C'est pourquoi sa réalisation ne nécessite pas la même attention que la seconde meule, qui sera édifiée après le travail, avec la paille restante, et qui sera beaucoup plus soigneusement réalisée. À droite de cette scène un paysan courbé saisit ce qui semble être une gerbe : 4"prendre l'orge en brassée pour construire une meule".

6) - Registre 2 : dépiquage du grain

Pour séparer les grains des épis, les Égyptiens se servaient des troupeaux. Les aires de foulage se trouvaient près des villages. Ces zones rondes, légèrement surélevées et entourées d'un muret bas, sont bien visibles ici. Le sol en était durci (probablement en terre battue) afin que les sabots des animaux soient plus efficaces.
On trouve quasiment toujours des bœufs et des ânes pour faire ce travail. Peut-être les faisait-on passer successivement sur les mêmes zones pour profiter de leur différence de poids et de foulée? Ou peut-être s'agissait-il simplement d'utiliser toutes les bêtes disponibles ? Naturellement, pour être efficace, il fallait que les animaux tournent en cercles concentriques, celui du centre restant quasiment sur place et le plus externe ayant le pas le plus rapide. Ceci nécessitait beaucoup de travail de la part des hommes pour les maintenir en files.

A- A gauche

( et )

Onze bovins sont alignés, encadrés par un conducteur et un serre-file. Le premier animal n'a pas pu résister à la tentation et se penche pour manger des épis, tandis que le second tranche sur les autres par l'absence de cornes. Le serre-file de l'avant lance une formule d'encouragement que Montet a traduit étrangement par 2"hisse, oh hisse", mais peut-être s'agit-il simplement d'onomatopées d'encouragement pour le bétail 2"tire, oh!…". Le conducteur de l'arrière s'adresse à son collègue et lui dit 3"barre-leur la route, toi, par ta vie !". À gauche de l'aire, appuyé sur un bâton, se trouve l'inévitable surveillant qui apostrophe l'un des hommes : 1"barre-leur la route !"

B- A droite

(, )

Nous trouvons une scène superposable, avec cette fois des ânes.
Les hommes ici sont nus, et leur chef, chauve et barbu, porte un pagne en papyrus.
Les animaux sont de nouveau au nombre de onze, et l'un se laisse aller à manger des épis à terre. Le serre-file de droite s'adresse à son compagnon, obligé sans arrêt de se retourner pour surveiller les bêtes et leur alignement. Leur dialogue est difficile à traduire ; Montet propose : 5"toi qui vois derrière toi, hors d'eux !". Le sens serait quelque chose comme "toi qui dois te dévisser le cou, tu devrais t'écarter des bêtes sinon tu vas te faire écraser". L'interpellé, plus amusé qu'irrité, lui répond : 4"Eh ! Oui, toi tu vois de ton œil !", sous entendu, tu n'as pas besoin de tourner la tête. Il est vrai que cela ne veut pas dire grand-chose… Junker propose pour la première phrase : 5"Fais aller (les animaux) en arrière (vers la bande qui limite l'aire en contrebas) ". Vandier propose : 5"Agis autour de toi parmi eux (les animaux), càd "occupe-toi des animaux qui sont autour de toi", et que celui-ci répond : 6"Occupe-toi (toi-même) des animaux qui sont autour de toi et vois ce que tu fais", ce qui semble plus proche de la réalité.

7) - Registre 1 : derniers épisodes de la moisson

()

On distingue deux zones, dans lesquelles travaillent sept femmes et huit hommes. Une fois que les animaux ont quitté l'aire, il va falloir séparer le plus possible le grain du reste d'une part, et édifier les secondes meules avec la paille d'autre part ().
Voyons tout d'abord ce qui se passe à droite (). Les hommes, fourches à la main, dégagent le plus possible de paille, avec laquelle des meules sont édifiées, ce qui est précisé par la légende : 6"travailler à la fourche", ou encore : 5"faire à la fourche un tas d'orge". Cette fois, la construction est soignée, comme le montre la présence des deux hommes au sommet de la meule en train de planter deux tiges de papyrus, soit pour la solidité, soit pour indiquer que la meule est achevée. Car, il s'agit cette fois de la nourriture qui servira aux bestiaux toute l'année. Les Égyptiens ont choisi de représenter cette paille hachée, débarrassée du grain, par des taches brunes sur un fond jaune.
Une femme debout, tenant un crible à la main déclare à celle devant elle : 7"j'ai tamisé cette orge", signifiant ainsi qu'elle a enlevé la plus grande partie des brindilles et des restes de balle. Devant elle, une autre paysanne courbée enfonce ses deux petites écopes qui vont lui servir à vanner dans le grain, tandis qu'elle dit à l'homme devant elle : 8"balaie !", lequel répond, comme de coutume : 9"je fais à ton plaisir" ().

La scène est encore plus claire de l'autre côté ( et ). La quatrième femme à partir de la gauche est nue en dehors d'un pagne qui lui retombe sur les fesses et elle a les cheveux serrés dans un linge afin d'éviter les poussières. Dans ses deux mains levées, elle tient de petites coupelles en bois avec lesquelles elle procède au vannage : elle laisse retomber à terre le mélange, le vent se chargeant d'emporter la plus grande partie de la balle et des débris de paille ; le texte d'accompagnement est explicite : 4"nettoyage à l'air (vannage) par les paysannes". Notons que les cinq traits sont un déterminatif, et non le chiffre 5.
Devant elle, une femme qui tient ses deux écopes de la main gauche a ramassé son petit balai de paille de la main droite et balaie les débris résiduels qui remontent inévitablement du tas, ce qui est commenté par : 2"balayer l'orge". La femme devant elle plonge ses deux spatules dans le grain et répond " 3"je fais selon ton plaisir" à sa collègue de gauche. Celle-ci, debout, tamise encore une fois le grain tout en l'apostrophant : 1"lève cette orge, il est séparé de la paille", lui enjoignant sans doute de lui apporter le grain déjà vanné. Tamisage et vannage étaient poursuivis jusqu'à ce que le résultat soit considéré comme satisfaisant.

Ainsi se termine la moisson des céréales, qui seront ensuite entreposées dans des greniers cylindriques d'où elles seront puisées en fonction des besoins, comme nous l'avons vu pour la préparation du pain et de la bière sur le mur ouest du magasin.

partie droite (sud)

(, et )
Trois registres de cette partie de la paroi, dont un partiel, nous montrent le travail dans un chantier naval. Là encore, il s'agit de scènes exceptionnelles par leur qualité et par la sensation de vie et de labeur intense qui s'en dégagent.
Pierre Montet nous renseigne sur la construction de ces esquifs sans membrures : "Ils bâtissaient littéralement leurs bateaux comme des maçons bâtissent un mur, posant les ais (planches) les uns par-dessus les autres et les assemblant au moyen d'un système intérieur de tenons et de mortaises".

1) - Registre 1

()

A- À gauche

Les troncs ont été apportés à peine ébranchés. Il faut donc les régulariser, soit à la hache, dont la lame en cuivre sert à équarrir et fendre, soit à l'herminette, qui permet de rabattre les nœuds. Ceci est confirmé par les légendes : 1"travailler avec la hache", où on remarque le déterminatif en forme de hache, lié au travail du bois, qu'on retrouve aussi chez les menuisiers, et 2"travailler à l'herminette".

B- À droite

()

Deux charpentiers sont assis sur un madrier qui repose à ses deux extrémités sur de gros pieux fourchus fichés en terre. De leur main droite, ils frappent sur le ciseau qui entaille le bois pour réaliser des mortaises. Pour montrer ces dernières, qui devraient être invisibles, l'artisan les a figurées sur le côté. La légende nous dit : 9"percer un trou (dans) la planche"
Derrière cette scène, nous voyons un homme en train de 8"scier". La technique est bien connue et on la retrouvera encore au Nouvel Empire, par exemple dans la tombe des artisans de Nebamon et Ipouky à Deir el Medineh. La planche à scier est plantée verticalement dans le sol. L'ouvrier se sert d'une grande scie à lame de cuivre pour entamer la coupe. Au fur et à mesure qu'il progresse, pour maintenir les pièces rigides, il les entoure d'une corde qui doit être très serrée. Pour cela, il utilise pour tordre encore plus le nœud un lourd contrepoids en pierre. Le travail était difficile avec des scies dont la lame s'usait vite, et on sent que l'homme pèse de tout son poids avec ses deux mains sur l'outil.

C- Au centre

Ici, le travail est déjà avancé, et suit chronologiquement celui de la barque au-dessus, à droite, dont nous allons parler d'abord pour une meilleure compréhension.

2) - Registre deux

( et l'ancienne )

A- La barque de droite

Pierre Montet a bien analysé le processus de la construction : "Chaque côté du bateau est un assemblage de sept pièces supportées par un fond plat. Les pièces de l'avant et de l'arrière A et B sont semblables. Au centre, en bas, nous avons une pièce en forme de trapèze renversé, E, comprise entre deux pièces semblables, D et F, qui ont la forme de parallélogrammes. […] les ouvriers mettent en place une sixième pièce, C, dont les petits côtés portent contre les aïs (planches) de l'avant et de l'arrière et dont la base repose sur la face supérieure des pièces D, E, F. Ceci fait, la coque proprement dite est construite."

Il s'agissait donc de percer des trous, tantôt rectangulaires, tantôt ronds, ce que font à grands coups de maillet les hommes en rapport avec les légendes 8 & 11 : "percer" ( et ). Sur cette dernière vue, on peut se faire une idée de la qualité du relief, et remarquer un détail amusant : dans l'idéogramme du ciseau à bois de la légende, on a rajouté un rond à la pointe, ce qui donne le forme du trou creusé…). Dans certains de ces trous, il faudra donc mettre des chevilles rondes : ce sont elles que l'homme le plus à droite est en train de tailler à l'herminette, avec la légende : 12"façonner les rouleaux". Ces chevilles, lorsqu'elles dépassent le niveau de la planche et attendent l'emboîtement dans la planche suivante, sont appelées "dents d'Osiris" (Montet).
Pour faire rentrer la pièce, il faut de l'énergie, car les charpentiers ont travaillé de telle sorte qu'il soit nécessaire de forcer les planches pour les emboîter. C'est pourquoi nous voyons deux gaillards qui brandissent haut des billots de bois en les tenant par leurs poignées latérales et qui les abattent de toutes leur puissance sur la pièce C de notre dessin () ; la légende illustre la manoeuvre : 9"ajuster la partie centrale" (littéralement, celle qui est au cœur). Un homme penché glisse un maillet dans la fente pour éviter les vibrations trop importantes. Une réflexion d'ordre général s'est glissée entre les deux hommes : 10"c'est bien que vous manipuliez sans vous plaindre le ciseau".
Sous la proue et la poupe, deux hommes sont dans une position inconfortable : munis d'une sorte de grande herminette, ils ragrémentent le bateau, car il y a forcément des fragments saillants ou rentrants et il faut égaliser la coque. On notera que des opérations indispensables ne sont pas montrées. Il en est ainsi du calfatage, qui se fait à l'aide de fragments de tissus et de colle.

B- La barque du registre sous-jacent

()

Nous y revenons maintenant pour assister à l'opération suivante : la mise en place du bordé (bastingage) qui servira de support aux rames, ce que la légende traduit par : 4"ajuster le bastingage". Il s'agit d'une longue pièce dont la mise en place, difficile, nécessite cinq hommes sous la direction du contremaître qui donne l'instruction : 5"descendez à fond !". Un homme, hors du bateau, maintient les chevilles en face de leurs trous respectifs, tandis que deux personnages frappent la pièce avec des masses plus petites que celles de la barque du haut. Un des hommes, maillet en main, est accompagné de la légende 3"percer des trous par le charpentier". Peut-être agrandit-il certaines mortaises pour mieux permettre l'enfichage? A l'autre bout, un personnage tient une corde qui est passée sous la pièce. C'est peut-être à lui que s'adresse le commentaire suivant, qui comprend deux parties : 6"Que je vous écrase vos mains ! / Sous nous !" (càd "attention à nous").
A la proue et à la poupe, quatre charpentiers travaillent au ragrément avec les légendes : 7"travail du bois" et 2"travail du bois à l'herminette" ().

C- La barque de gauche

() Ce grand bateau est à un stade encore plus avancé. Des hommes continuent le ragrément : 1"travail du bois" ; 3"façonner par le charpentier" ; 6"travailler à l'herminette" ; 5"travailler à l'herminette par le charpentier". Trois autres, munis de maillets, entaillent le bastingage à l'endroit où reposeront les rames : 4"percer des trous par le charpentier". Trois hommes sont affairés sous la coque. On remarquera la difficulté qu'à eu l'artisan à rendre celui de droite : il a du, fait rarissime, pratiquement cacher son bras droit ().
2"L'ami unique Ty" s'est déplacé en personne sur le navire, ce qui explique la présence, en bas et à droite de ce dernier du 7"chef de chantier" qui se tient dans une attitude respectueuse, avec sa canne-mesure et un fil à plomb dans sa main gauche ().

3) - Le troisième registre

()

Les scènes de construction navale se prolongent, et les deux bateaux sont à un stade encore plus avancé. À l'avant, un des hommes est occupé à 1"percer". Le déterminatif utilisé, un ciseau simple, sans rond, indique qu'il devait soit faire une mortaise, soit entailler. Cette deuxième solution est sans doute la bonne, car on remarque maintenant la présence de cordes très solidement serrées, qui se trouvaient forcément dans des rigoles ménagées sur le plat bord. Les deux hommes au milieu de la barque sont, fait très rare, en train de travailler pour produire les pièces servant à la construction de la cabine de pont ().
La légende de la scène a, hélas, perdu son début et on lit maintenant : 2"[…] coques par les constructeurs de bateaux". Il est possible que le texte de droite ait constitué le début de toute une longue inscription : 3"construire un bateau […]". À l'extrême droite, sous la poupe (ou la proue) à laquelle on a donné sa forme de corolle de papyrus ouvert, se tient un petit homme debout, canne en main, accompagné d'un chien.

4) - Le quatrième registre

Il n'en reste qu'un fragment à chaque extrémité. A gauche, une antilope est conduite par deux hommes dont on ne voit plus que les jambes, tandis qu'à droite il ne persiste que les jambes d'un personnage avec un animal.
La présence des animaux suggère que les scènes de construction de navire ne s'étendaient pas à ce registre, et que ni le montage d mât ni la mise en place des cordages n'étaient représentés. Il est vrai que ces opérations ne devaient avoir lieu qu'après la mise à l'eau et qu'il ne s'agit pas d'un mât fixe.