Chapelle, paroi nord

( et ) La paroi conserve une bonne part de son décor de haute qualité, qui a parfois gardé sa polychromie.
D'un point de vue pratique, on peut la diviser en quatre parties :
- Une partie gauche, qui représente presque la moitié de la surface.
- Une partie centrale montrant Ty sur une barque dans les fourrés de papyrus.
- Une partie droite, au-dessus de la porte.
- La quatrième partie est constituée par le registre 1, qui s'étend sur l'ensemble de la paroi.

Registre 1 : le défilé des domaines

( et ).

Il couvre toute la partie du mur située au-dessus de l'habituel bandeau, sans interruption, et il comporte trente-six femmes qui se dirigent depuis l'entrée vers les fausses portes du mur ouest. Elles sont vêtues de façon identique de robes longues complètement transparentes, laissant (en apparence) le sein nu ; elles portent des bracelets aux poignets et aux chevilles, et un collier autour du cou. Elles transportent des produits du domaine de Ty, encore n'est-on pas sûr qu'il ne s'agisse pas de domaines fictifs ou partiellement fictifs, la question n'est pas tranchée.
A l'avant, un texte explique de quoi il s'agit : "A1 Apport d'offrandes invocatoires / A2 par les établissements du domaine / A3 qui sont en Basse et Haute Égypte, / A4 pour l'ami unique Ty".
Au premier coup d'œil, les attitudes semblent variées, mais en fait elles se limitent à trois : vingt-six femmes ont le bras droit tenant la charge levé, dont cinq ont de plus un animal en laisse, et trois un animal au creux du coude. Seules sept femmes lèvent le bras gauche, tandis que trois lèvent les deux bras.
Les offrandes comportent de nombreux animaux : canards, oies, brebis, chèvres, veau en laisse en début de défilé, petits cervidés. Les paniers sont remplis de fruits, de légumes, de céréales et de pains, les récipients contiennent de la bière et du vin.

La plupart des traductions qui suivent ont été proposées par H.Jacquet –Gordon ; là où il y a des différences, elles reflètent l'état actuel des dictionnaires (par exemple pour caroube) :
 :  : 1"L'abondance de Ty" devant la femme tenant un veau en laisse, 2"l'abri (?) de Ty" la femme porte une oie, 3"le champ de Ty" l'animal porté est un cervidé, 4"l'arbre iAm de Ty" la femme porte un canard, 5"la pêcherie de Ty".
 :  : 6"l'île de Ty" la femme tient un bouquetin en laisse, 7"apporter de l'eau pour Ty", 8"les deux maisons de Ty", 9"les deux sycomores de Ty", 10"le iAgt de Ty", 11"le grain bAbA.t de Ty", 12"l'établissement (la propriété avérée) de Ty", 13"la bière de Ty".
 :  : 14"la figue de Ty", 15"la graine de caroube de Ty", 16"le château du kA de Ty", 17"le verger d'arbre iSd de Ty", 18"les champs cultivés de Ty", 19"le pain pzn de Ty", 20"le pain Hbnnt de Ty", 21"le lait de Ty". Un mot sur la caroube : la graine de cet arbre élégant possède un goût très proche de celui de la fève de cacao. Ty mangeait donc du "chocolat" il y a 4000 ans…
 :  : 22"le vin irp de Ty", 23"les fruits nbs de Ty", 24"celles qui apportent l'orge grillée de Ty", 25"le pain bst de Ty", 26"la gâteau pAt de Ty", 27"le grain sXt de Ty", 28"les fruits iSd de Ty", 29"l'épi de blé de Ty", 30"le poisson int de Ty".
 :  : 31"le poisson de Ty" à partir de là, on retrouve des animaux en laisse, 32"le pain HtA de Ty", 33"le vignoble de Ty", 34"la totalité des biens de Ty", 35"l'offrande funéraire de Ty", 36"l'œuvre de Ty".

Partie gauche de la paroi

Voir aussi et
Les photographies sont presque impossibles dans cette zone en raison de la présence des piliers, qui empêchent de prendre du recul.

1) - Registre 2

A- Partie gauche

()

Un groupe de fonctionnaires se dirige vers l'entrée de la chapelle. Le défilé est nommé : 1"suite" (traduction Jones 3665, il s'agit de ce que nous appelons de nos jours une suite dans le sens : suite d'un personnage important). Nous avons tout d'abord le 2" chef du linge", puis le 3" coiffeur", le 4" manucure", le 5" porteur du sceau", à nouveau la légende 6" suite" indiquant qu'il s'agit de la suite (de Ty) puis enfin un 7" archiviste". Le défilé se termine par deux demi-registres : sur celui du bas, un homme nu tient en laisse deux grands chiens, les oreilles dressées, la queue en trompette ; le demi-registre supérieur montre un nain qui tient en laisse un singe, tout en brandissant un bâton (sceptre ?) terminé par une main.

B- Partie centrale

Deux demi-registres superposés, sont dévolus au tissage de fibres de papyrus. En bas deux femmes agenouillées face à face sur une natte effectuent un geste qui pourrait être du peignage, la légende 9" il est nettoyé, tisse-le pour toi", tandis qu'au-dessus un homme assis sur un siège bas à dosseret (la représentation est typiquement postérieure à Ounas, selon les critères de datation de N.Cherpion.), il tresse des fibres, attachées à un piquet planté dans le sol ; la légende est claire : 8" tresser le papyrus"

C- Partie droite

( et )

Elle est consacrée au passage d'un gué par un troupeau de neuf bovidés : un veau tenu en laisse, suivi de deux vaches et de six bœufs à cornes. Deux esquifs en papyrus chargés de six hommes organisent et surveillent cette traversée, toujours périlleuse. Selon une méthode éprouvée, sur le premier bateau, un paysan tient en main la longe qui enserre le cou du veau. Celui-ci ne va pas manquer de meugler de frayeur, entraînant à sa suite le reste du troupeau, à commencer par les vaches.
Les hommes sont nerveux et surveillent l'eau avec anxiété. L'ennemi, c'est le crocodile, dont deux spécimens sont représentés à l'affût (). À gauche, un homme avertit de faire silence : 2" ta main sur l'eau !", le chef (comme toujours celui qui regarde la scène sans y participer), y va aussi de son conseil : 1" ne multiplie pas ta voix", ce qui veut dire en substance : baisse la voix. Venant du bateau de droite, même avertissement : 4" bouvier!, ta main sur l'eau" (). Une légende destinée à apaiser les hommes surmonte l'ensemble de la scène : 3" Oh, berger, sois tranquille (que ta face sois vivante), contre cet aquatique (le crocodile) qui est sur l'eau, qu'il aille comme un aveugle de tête (un borgne) ".

2) - Registre 3

Nous commencerons par la gauche (). Cinq scribes, dont certains portent leur matériel, se dirigent vers l'entrée. Derrière eux, les deux types de coffres que nous avons déjà rencontrés, qui servent à ranger les rouleaux de papyrus.
Viennent ensuite des scènes d'élevage qui débutent par un sous registre où un homme assis nourrit à la main un 1"bœuf" couché. Lui tournant le dos, un autre bouvier fait boire un veau. On remarque comment l'homme caresse le dos du petit animal, illustration de cette tendresse que nous prêtons aux Égyptiens de l'antiquité pour leurs animaux.
( et ) Un surveillant, penché sur son bâton, questionne : 1"As-tu pris de la verdure pour orner le cou du veau ?". La question nous semble saugrenue, car le bouvier semble déjà avoir du mal à maîtriser le petit animal, qui voudrait bien téter, essaie de rejoindre sa mère.
Pendant ce temps, la vache est entravée par les pattes arrières tandis qu'un homme est en train de 2"tirer le lait" dans un seau. Devant elle, un autre de ses veaux beugle, probablement de dépit.
On retrouve ensuite, au milieu de la verdure et sur deux demi-registres, des veaux entravés par une patte essayant de se détacher. L'homme penché tient en main un bâton et une corde avec laquelle il va attacher un des animaux à un arceau au sol ; c'est à lui que s'adressait la question (1), et il répond au surveillant : 3"donne-la-lui (? l'herbe), je vais mettre à l'attache votre veau" (traduction de Montet, difficile à comprendre).
Enfin à droite, nous assistons à un vêlage. La pauvre vache, langue sortie et queue dressée, meugle de douleur, tandis que son veau est en train de naître, aidé par un 4"berger" à demi agenouillé, houspillé par son chef : 5"délivre cette vache !".
Pour finir, mentionnons un petit sous registre qui montre l'accumulation de quelques vases, volailles, pains, et petit mobilier de bouviers, duquel s'approche un veau. Il est possible qu'il s'agisse de récompenses accordées pour leur travail (voir , en haut, à droite).

4) - Registre 4

()

A- Ty et de sa famille

Leur représentation, qui aurait dû s'étendre jusqu'au registre huit, est aujourd'hui très partielle et se trouve à l'extrémité gauche. La famille inspecte les travaux qui se déroulent devant eux. Il ne persiste que les jambes de Ty et son épouse, mais le fils est intact. Il tient un oiseau d'une main et serre la canne de son père dans l'autre. A droite, séparant la famille du reste du registre se trouve la fin d'un texte : "…tous les travaux de Basse Égypte", le reste du registre est consacré à la pêche.

B- La préparation des poissons

Deux hommes se tournant le dos sont adossés à ce qui semble être un fourré. Ils découpent des poissons pour les mettre à sécher. Au-dessus d'eux les poissons déjà préparés sont représentés tels qu'ils sont mis sur les claies de séchage, c'est à dire fendus par le milieu, éviscérés, les deux côtés aplatis (). En dessous d'eux, des paniers pleins de poissons.

C- La pêche à la senne

Les Égyptiens nous montrent toujours la phase finale de l'action, celle de la traction du filet, alors que la préparation du piège n'est pas représentée. Un examen attentif du filet montre l'existence de deux types d'ajouts : la corde figurée en bas est lestée de pierres, tandis qu'à celle du haut sont fixés des flotteurs triangulaires.
Dix hommes sont répartis en deux groupes de cinq de part et d'autre d'un 5"chef de ceux qui capturent", penché sur son bâton. Les pêcheurs tirent de toutes leurs forces sur la corde du filet, parfois à l'aide de sangles qu'ils ont autour de l'épaule, mais que certains ont négligé d'attacher. Les commentaires expriment l'admiration devant l'abondance de la prise : 1"il y a des poissons à souhait dans lui (le filet) ", 2"il vient (le filet remonte), quel beau tas il apporte", 3"ce qu'il apporte!".

Le texte suivant concerne le 5"chef des mariniers", reconnaissable à son pagne de papyrus, qui houspille ses subordonnés dans une phrase difficile à comprendre: 6"vous êtes comme..??… si vous…??" ; un pêcheur se retourne vers lui et, soit pour le rassurer, soit pour se justifier, lui répond : 4" je fais à la perfection". D'autres commentent : 8"elle arrive" ; 7"un beau poisson". La dernière remarque semble être une critique : 10"Vas, cours, ne vas-tu pas te mettre à désosser le synodonte ?" à l'adresse du surveillant qui attrape par sa nageoire osseuse le poisson qui essaie de s'échapper. Il lui répond : 9"je fais comme tu le demande". On retrouve un autre de ces parmi le vaste échantillonnage de poissons garnissant le filet : il a la particularité de nager sur le dos (en Anglais, on le désigne comme Upside down catfish). Par ailleurs, la plupart des espèces que l'on trouve dans le Nil sont aussi figurées.

Le devenir de tout ce poisson n'est pas évident. En effet, il n'est quasiment jamais représenté dans les offrandes au défunt (une exception se trouve dans le , (). Dans certains mastabas, on trouve mentionné clairement que les poissons sont destinés au personnel du domaine. Il ne faudrait pas en conclure trop vite que le poisson n'était pas consommé par les riches, car on ne trouve jamais non plus d'offrandes de capridés ou de cochons qui, si l'on se fie aux détritus retrouvés, étaient certainement consommés par tous en grandes quantités. Plutôt que d'aliments considérés comme impurs, il s'agissait plus probablement d'aliments considérés comme peu gratifiants, qui n'avaient pas leur place lors d'un repas de fête.

Les registres huit à cinq que nous allons maintenant décrire dans cet ordre, sont situés à gauche du gigantesque fourré de papyrus où se trouve Ty, debout sur sa barque. Ils ont pour thème la chasse des oiseaux d'eau au filet () : au registre huit, on pose le filet, au registre sept on capture, au registre six on capture et on commence à extraire les oiseaux, au registre cinq on les prépare.
Que trois registres soient consacrés à cette forme de chasse est très inhabituel et montre l'intérêt particulier que lui portait Ty, qui dirige d'ailleurs en personne les opérations.

5) - Registre 8

À droite d'un bosquet de papyrus central, qui sert d'axe de symétrie au registre, des hommes sont en train de s'affairer à la préparation du piège, avec la légende 2""poser le filet" : certains montent l'armature du filet, un autre enfonce un gros pieu dans le sol. Du côté gauche, trois personnages déroulent la corde tandis que des porteurs de matériel (notamment les petits piquets de l'armature) continuent à arriver.

6) - Registres 7 & 6

Ils doivent être décrits ensemble tant ils sont intriqués.
Au centre, caché dans les fourrés, 3"l'ami unique Ty", vêtu d'un pagne de papyrus plus discret qu'un pagne blanc, se tourne vers les hommes du registre sept pour leur dire de faire silence. Il lance, sans doute à son chef d'équipe, la phrase 2"Vas, toi, hors de lui, il y a assez d'oiseaux sur lui", lui enjoignant ainsi de faire tirer l'engin par les aides qui sont debout, dissimulés dans la végétation. L'un d'eux murmure pour lui même 1"Oh, ce qu'il y en a !".
Le filet est en place sur la mare d'eau et s'est en effet rempli de volatiles représentés calmes et ordonnés. Une fois l'ordre donné par le chef d'équipe avec une écharpe (l'épisode est très souvent représenté, mais pas ici), les hommes tirent tous ensemble brusquement sur la corde, ce qui les fait tomber sur le dos. Un homme se retourne et lance à son camarade "pends-toi, toi, après lui (le filet camarade) ! Le filet est [lourd ?]".
Le spectacle est maintenant très différent : bien qu'il soit, illogiquement, encore représenté hexagonal, c'est la panique parmi les oiseaux qui sont figurés dans le plus grand désordre, coincés par le filet qui s'est abattu sur eux. Un homme s'est déjà précipité pour rattraper un canard qui s'apprêtait à s'échapper et, émerveillé par l'abondance de la prise, il s'exclame : 3"tout ceci est pour le ka de Ty". Montet a consacré de longues pages au fonctionnement du piège, que nous ne détaillerons pas.
Sur le demi-registre qui sépare les deux scènes, un homme assis maintient par les ailes un canard qu'il entrave, tandis que Ty lui lance 1"viens immobiliser les oiseaux"

7) - Registre 5

Nous sommes ici dans une cabane d'hommes des marais, chasseurs et pêcheurs.
À gauche, seuls persistent deux des cinq représentations d'origine. Les hommes sont en train de réparer les dégâts sur les mailles des filets : le premier file à l'aide d'un fuseau, tandis que le second recueille ce fil sur sa navette. Le tout est accompagné d'un chant dont ne persiste que le début : 1"dépêchez-vous, compagnons, ne…".
Sous l'abri pendent des poissons en train de sécher, des oiseaux troussés, des outres, ainsi que du matériel, notamment les piquets (petits et le gros) destinés au piège à oiseaux, des entraves, … Il s'agit là des prises concédées aux hommes qui ont tant peiné pour les capturer.
Plusieurs cages contenant des oiseaux bien portants (apdw) sont également représentées ; les occupants vont aller peupler les fermes d'élevage du maître. Un homme tente de faire rentrer deux volatiles récalcitrants dans celle de gauche, tandis qu'à droite, un autre personnage amène les oiseaux soit déjà morts lors de la capture, soit en trop mauvais état (wSnww) aux plumeurs.
Ces derniers sont assis dos à dos dans des sièges de papyrus. Celui de droite est surmonté de la légende 3"plumer les oiseaux", tandis que celui de gauche, qui tord le cou à un volatile moribond, confirme que 2"ce sont des biens (les oiseaux) provenant de la maîtresse de la prairie marécageuse" ; en effet, à l'Ancien Empire, sxt désigne non seulement le lieu, mais aussi une petite déesse "prairie", qui semble avoir eu un certain succès auprès des petites gens dont elle assurait la subsistance.

Partie centrale

Comme nous l'avons déjà souligné, la composition –anépigraphe- de Ty dans l'immense fourré de papyrus est le point central de toute la paroi, puisque toutes les activités qui y sont représentées se déroulent dans la zone marécageuse qui borde les berges du fleuve, plus particulièrement en Basse Égypte. En effet, les papyrus de plusieurs mètres de hauteur au milieu desquels se tient Ty ne se trouvent que dans la région du Delta.
L'homme semble minuscule () debout sur le pont surélevé de sa frêle barque en papyrus. On remarque que cette dernière n'a plus la forme archaïque avec la poupe et la proue relevées à la même hauteur, mais une forme asymétrique, ce qui n'a pas empêché le signe archaïque de rester dans l'écriture comme déterminatif du mot "marinier" ().
Ty est debout, avec le même costume et la même attitude que lorsqu'il se trouve à terre, tenant même son grand bâton devant lui. A l'arrière, un marinier manie l'embarcation à l'aide d'une gaffe, tandis qu'à l'avant, outre un autre petit marinier presqu'invisible dans la lacune, se trouve un homme se tourne respectueusement vers le maître et l'avertit de ce qui se passe devant lui.

Car Ty n'est pas seul sur l'eau. À gauche, un pêcheur à la ligne, que l'artiste ne savait où représenter ailleurs par manque de place, est assis dans un fauteuil en roseau et vient de ferrer un splendide poisson qu'il s'apprête à assommer dès qu'il sortira de l'eau (). Une nouvelle fois, une grande variété de poissons est représentée au milieu des lignes bleues en zigzag qui simulent l'eau du Nil. Ils partagent cet habitat avec un groupe d'hippopotames présents sur la droite. Leur présence conjointe ne doit rien au hasard, car ces espèces, qui vivent cachées dans les eaux du fleuve, symbolisent l'Ennemi, les forces hostiles, même si certains poissons sont considérés comme bénéfiques.

La scène de chasse à l'hippopotame est devenue canonique à l'Ancien Empire, et se prolongera longuement dans le Nouvel Empire. Sa signification était peut-être double dès le début, en tout cas, elle l'est rapidement devenue.

Il s'agissait d'une part d'une chasse bien réelle, à laquelle le maître d'un tombeau est toujours associé… du moins de loin, comme Ty. Car c'était une activité particulièrement dangereuse, que le maître préférait déléguer à ses subalternes. Ceux-ci sont ici au nombre de quatre, sur une frêle embarcation que maintient tant bien que mal le marinier posté à l'arrière. Les deux hommes de la proue ont armé leur bras et s'apprêtent à lancer leur harpon sur les animaux ; les engins sont munis d'un crochet et leur extrémité est entourée de cordes (les flotteurs en roseaux auxquels elles sont reliées ne sont pas représentés chez Ty). Le troisième personnage tire déjà sur les cordes, malgré le danger. L'hippopotame de l'avant, atteint par cinq harpons, se retourne furieux vers ses adversaires, en ouvrant une large gueule. Un crocodile s'est essayé à attaquer la bête suivante. Mal lui en a pris, celle-ci va le couper en deux de sa puissante mâchoire. Derrière enfin, se trouve une femelle qui se tourne vers un petit effrayé par tout ce vacarme.

La chasse à l'hippopotame a aussi une valeur apotropaïque. Comme le crocodile, l'hippopotame appartient au monde sauvage, un monde que les Égyptiens jouxtent tous les jours, mais ne contrôlent pas. Le désordre et les forces du mal (isfet) y dominent. Il s'agit donc de les combattre et de les détruire pour que Maat puisse régner sur le monde.

Au sommet de l'épais fourré de papyrus, là où les ombelles des plantes sont ouvertes, se jouent d'autres drames. Les nids y sont nombreux, mais hélas, malgré les efforts de leurs parents, les oisillons piailleurs qui y séjournent ont bien peu de chance d'échapper aux genettes qui se servent des tiges courbées pour monter jusqu'à eux (). Un ichneumon, invisible sur la photo, se trouve à gauche.

Partie droite

() Le registre un est occupé par le défilé des domaines, nous l'avons déjà vu.
Nous allons tout d'abord en finir avec les activités des mariniers, qui se trouvent sur les registres les plus hauts (), puis nous examinerons les scènes moins directement en rapport avec le marécage.

1) - Registre 5

()

Il est consacré à trois scènes de pêche à la nasse ; ainsi, seule la pêche à l'épuisette n'est pas représentée chez Ty. Les nasses sont des engins de la taille approximative d'un homme, bouchés à une extrémité, et dans laquelle le poisson entre en écartant les fibres d'un cône de roseaux qui lui interdisent de ressortir. Il existe aussi des nasses longues, dont l'engin principal est complété par un long cylindre.
Dans la première scène, nous voyons une nasse longue déjà posée () en eau profonde par deux pêcheurs expérimentés qui se trouvent sur les deux embarcations de droite. Des flotteurs (on n'en voit qu'un) permettront de retrouver l'engin. Il fallait que le rameur, à l'arrière sur chaque bateau, fasse preuve de précision et de force pour maintenir l'embarcation stationnaire dans le courant. Le jeune garçon qui tient un sac sur le bateau de droite le stimule : 8 & 9"Rame fort, camarade ! Fais les deux barques bien réunies". Comme en écho, le rameur de l'autre barque s'écrie : 5"je rame fort, suivant ce que dit cet homme-là". Les deux hommes âgés ajustent le flotteur dans la zone de jonction ; celui de droite dit à son vis-à-vis : 7"Tire à toi !" ; ce dernier est trop occupé pour répondre, et c'est son aide qui s'adresse aux deux hommes : 6"Plongez-le dans cette aire" (on ignore ce qu'il entend par "le"). Sept poissons d'espèces différentes illustrent la variété des prises espérées.

À gauche, deux hommes sont debout dans une eau peu profonde. Une nasse de plus petite taille est déposée sur le fond par un jeune homme. Les poissons se précipitent déjà (peut-être y a t'il un appât ?). Le dialogue qui s'engage est ambigu et laisse penser que le plus vieux, qui a des poissons en main, pourrait bien les avoir subtilisés dans la nasse. Il donne un avertissement ironique : 4"Pose-la solidement (la nasse), camarade ! (Sinon) ton bien s'en ira dans le ventre de…?". Irrité, ce dernier lui rétorque : 3"Est-ce toi mon maître ? Je connais cela mieux que toi !".
La dernière saynète se passe hors de l'eau. Un homme vigoureux est en train de 2"retourner la nasse" d'où tombent de nombreux poissons qui sont recueillis dans un panier. Son compagnon l'encourage : 1"Fais tomber ! Dépêche-toi !".

2) - Registre 6

Il est consacrés aux joutes de mariniers. Il est bien dommage que ces scènes soient en hauteur, et difficiles à voir, car elles sont d'une qualité de sculpture remarquable, même si les couleurs ont quasiment disparu. Elles se déroulent à la surface d'étangs sans doute peu profonds, symbolisés par un bandeau, qui fut bleu un jour, où se détachent des fleurs de lotus ouvertes et d'autres en bouton.
Avec ces rudes gaillards des marais, il est probable qu'entre l'amusement et la rixe la limite devait parfois être mince, et les accidents devaient être nombreux, même s'ils n'étaient certainement pas volontaires.
Quatre bateaux s'affrontent deux à deux. Sur la barque la plus à gauche (), trois hommes tiennent chacun un bâton dont l'extrémité est fourchue. Celui de l'arrière s'en sert comme d'une gaffe, celui du milieu, presque agenouillé, le brandit au-dessus de sa tête pour frapper, tout en encourageant l'homme de proue, dont l'adversaire a saisi le bâton, 1"enfile-le dans sa poitrine". Pour tenter de se dégager, ce dernier crie : 2"Reviens à moi, pour qu'il ne me frappe pas !". L'homme du milieu reprend l'expression à son encontre : 4"Viens à moi, toi, ce con !" et encourage celui qui le précède à profiter de son avantage : 3"Sors ton bras contre lui, que je sois content".
Au cours de la seconde confrontation, un des bateliers est presque tombé à l'eau. Il s'accroche comme il peut à la proue d'une main, tandis que de l'autre il a réussi à saisir le bâton de son adversaire du milieu. Il est encouragé par ses deux compagnons : 5"Venge-toi de lui !" ; 6"Fais lui un croc en jambe". Pendant ce temps, le rameur de la seconde embarcation exhorte lui aussi son compagnon : 7"Tire-le, lui, il perd le bateau (il tombe à l'eau) ".

3) - Registre 7

Il est consacré à la fabrication des petits esquifs en papyrus, dont trois sont en assemblage. Tous les hommes sont occupés à lier les bottes de végétaux entre elles, avec les conseils usuels : 2"Agis bien" ; 3"Tire à toi"

4) - Registre 8

Il n'est conservé que sur sa partie droite, montrant des hommes qui ploient sous la charge de bottes de papyrus. Le dernier se retourne pour exhorter son camarade qui a mis un genou en terre, et lui dis : 2"lève-toi", ce à quoi le malheureux répond 3"je fais à ta convenance". Il essaie manifestement de se redresser, aidé en cela par son suiveur.

À droite, sur la hauteur des deux derniers registres, et débordant sur la scène de fabrication de bateaux, nous retrouvons 4"l'ami unique, gardien des couronnes, Ty" debout, seul, occupé à 3"voir les travaux".

Les autres scènes ont un rapport un peu plus lointain avec le marécage, mais se passent néanmoins à proximité.

5) - Registre 2

()

La scène de traversée du gué que nous trouvons ici est célèbre, et souvent reproduite. À gauche, un bouvier nu, barbu, porte une pièce de tissu ("couverture" ou natte ?) autour de la poitrine. Il brandit un bâton avec lequel il stimule quatre bovins encornés, avec la légende : 1"sortir du marais de papyrus", faisant référence bien sûr au marais de la scène centrale. Les choses ne vont pas assez vite à son gré, et il invective vertement son aide qui guide trois bêtes sans cornes : 2"Oh, merdeux ! Fais avancer le troupeau !". À droite, près de la berge (et de la porte), un bouvier nu et barbu courbe l'échine sous le poids du veau qu'il transporte sur son dos (). Ce dernier, apeuré, se retourne et appelle sa mère, qui tente de le rattraper, entraînant avec elle tout le reste du troupeau. Elle semble meugler de désespoir, et c'est pourquoi l'homme lui dit : 3"ce veau est élevé, nourrice". Sa voisine, quant à elle, commence déjà à brouter.

6) - Registres 3 et 4

()

() Il convient d'examiner les deux registres ensemble, car ils décrivent la même activité, le travail de préparation de la terre pour les semailles. Elles sont donc complémentaires des scènes du mur sud qui représentaient la récolte. Chez Ty, ces scènes sont séparées, tandis que dans d'autres mastabas, l'ensemble des activités agricoles a été rassemblé sur une même paroi. Elles n'ont pas été placées par hasard au milieu des scènes en rapport avec les marécages. En effet, la terre est travaillée juste après le retrait des eaux de l'inondation, au moment où elle est encore à l'état de boue liquide. Il n'était pas rare de retrouver des poissons piégés dans de petites flaques, ce qui explique sans doute la chanson désabusée de l'homme qui fait avancer son troupeau de moutons en l'appâtant avec du grain provenant de son sac en bandoulière sur l'épaule : 1" Le berger est dans l'eau au milieu des poissons, il s'entretient avec le silure, il échange des saluts avec l'oxyrhynque. Occident! Où est le berger? Un berger d'occident !". En telle compagnie, il semble déjà au berger qu'il habite l'Occident, le royaume des morts !
Le travail du paysan à cette époque de l'année ne consistait qu'en deux étapes, concomitantes : semer et enfouir le grain, soit avec une charrue (terres ordinaires), soit avec la pioche (terres élevées où l'inondation avait moins stagné), soit en s'aidant d'un troupeau de moutons (terres très humides).

Le troisième registre () est intitulé dans l'ouvrage de l'IFAO : "houement du sol et piétinement après semailles" (). Il nous montre quatre hommes brandissant un gros fouet dans la main droite (fouet à l'origine du hiéroglyphe mH), pour faire avancer un troupeau de moutons à cornes horizontales très torsadées, avec au moins un bélier (). De la main gauche, ils tiennent un court bâton, auquel s'ajoutent, chez le premier, des chevilles destinées à entraver les bêtes. Un cinquième homme suit avec un sac pendu à son bâton posé sur l 'épaule droite, sans doute ses provisions.
Puis, à droite, nous trouvons trois hommes en train de manier la houe sous la surveillance d'un chef (). L'engin, bien connu, est très simple, comportant un manche et une lame tous deux en bois, reliés par une corde serrée. Avec un tel outil, on ne pouvait espérer descendre profond, et l'absence de vrai tranchant oblige les hommes à des efforts importants, ce que traduit l'exclamation 3"Han !" poussée par le troisième homme, tandis que celui devant lui, qui a déjà fiché son engin dans la terre, se vante 4"moi, je frappe !". Les propos du chef sont incompréhensibles.

Le registre quatre comporte trois équipages de deux vaches et deux hommes chacun, en train de labourer. L'un des paysans pèse sur les mancherons de la charrue, tendit que le second stimule les animaux à grands coups de bâton. On notera combien la charrue est rudimentaire, ne permettant que d'égratigner le sol. Les légendes sont, de gauche à droite : 1"recouvrir le grain avec la charrue" ; 2"Oh hisse ! Sous vous (regardez vers le bas) les deux travailleuses (les vaches) "  ; au-dessus de la seconde paire () : ) : 4"recouvrir le grain avec la charrue" ; "frappe-les ! sous toi travailleuse", et enfin à l'avant : 5"sous vous, les deux travailleuses. Oh hisse !".

La scène qui complète le registre sur la droite correspondrait, selon Maspero, à un larcin (). Qu'y voit-on ? Un homme d'âge mûr, nu, qui, d'une main tient entravé les deux pattes arrière d'une vache, et de l'autre dissimule une petite cruche, tandis qu'un enfant est occupé à traire l'animal. La légende semble aller dans ce sens : 6"Tire ! Dépêche toi avant qu'il (re) vienne, ce berger !". De telles représentations de chapardage, par des hommes ou des animaux, sont connues par ailleurs. On reste par contre perplexe quant à la raison qui a guidé le choix de cette scène par Ty.