Les évènements en Égypte / Unrest in Egypt 

Le mois qui vient de s'écouler a été riche en bouleversements, et, comme vous le savez, les antiquités n'ont pas été épargnées. La situation est stabilisée, mais nul ne sait pour combien de temps, puisque les problèmes économiques fondamentaux persistent.
Nous ignorons quel rôle le Dr Zahi Hawass, ci-devant secrétaire général du Suprême Conseil des Antiquités (qui a de facto disparu), et maintenant ministre d'état de ces mêmes antiquités, a joué dans la protection effective des antiquités et sa coordination. Par contre, tous ceux qui ont suivi les déclarations successives de Mr Hawass sur son blog ont pu constater leur incohérence, et déplorer la mise en scène médiatique de mauvais goût qui les entourait parfois. L'égyptologue Jean-Pierre Corteggiani a, dans une tribune du Monde en date du 24 février, fustigé cette attitude :

"...bien qu'il ait troqué son costume d'Indiana Jones pour le complet sombre d'un ministre, allant même jusqu'à abandonner son "célèbre chapeau" - l'expression est de lui - pour arborer devant les caméras le visage grave imposé par cette nouvelle fonction dont il a tant rêvé, ses déclarations ne sont que contradictions et invraisemblances").).

. Il faut d'ailleurs remarquer que, sur son blog, presque tous les articles datant des 15 premiers jours des évènements ont disparu. On peut également être surpris de n'y avoir jamais lu un hommage particulier au directeur du Musée du Caire, Tarek El Awady, qui a cependant eu une idée géniale : sachant que les voleurs chercheraient en premier les objets d'or du trésor de Toutankhamon, il a tout simplement fait couper l'électricité dans ces salles sans fenêtres. Nul doute qu'il a ainsi sauvé des pièces beaucoup plus précieuses que celles qui ont été détruites ou volées.

Voici quelle est -officiellement- la situation des antiquités en cette fin de mois :
Au musée du Caire, parmi les objets déclarés volés, ont été retrouvés le scarabée de coeur de Youya (dans le jardin du musée... bizarre, c'est si facile à dissimuler), un des chaouabti en bois de Youya, et la statue d'Akhenaton faisant offrande ( vue) (bizarre aussi : elle aurait été trouvée près d'une poubelle place Tahrir par un adolescent dont l'oncle travaillait précisément au SCA). De la statuette en bois dorée de la déesse Menkeret portant Toutankhamon, pièce unique ( vue), on n'a jusqu'à maintenant retrouvé que le corps de la déesse. La statuette en bois doré représentant Toutankhamon debout sur le dos d'une panthère a été restaurée mais il semble qu'un bras ait disparu ( vue) ; celle où il se tient debout sur un bateau de roseau avec un harpon à la main, plus gravement endommagée encore, est en cours de restauration. Des pièces moins connues, comme ce bateau du Moyen Empire que des photos avaient montré brisé dans sa vitirine fracassée sont également en restauration ( vue
Les pièces manquantes se résumeraient donc à une statue de Nefertiti faisant offrande, la tête en grès d'une princesse amarnienne, une statue de scribe assis, et dix des magnifiques chaouabti de Youya ( vue
Sur les autres sites d'Égypte, il est plus difficile de se faire une idée : certains magasins de stockage ont été pillés (y compris à Saqqara), mais il semblerait que la majorité des objets aient été retrouvés. À Saqqara, des portes en fer fermant certaines tombes ont été forcées, mais il n'y a eu officiellement aucun dégât ; une stèle en pierre a cependant été dérobée dans la tombe de Hetepka, et un fragment de stèle dans celle de Rahotep en Abousir. La situation de la tombe de Maia, intacte officiellement, n'est pas entièrement éclaircie, d'autant plus qu'il règne une confusion entre la tombe de Maia la nourrice de Toutankhamon et celle de Maya le chancelier.

Tous les sites et musées en Égypte sont en principe de nouveau ouverts au public. Cela a pu être vérifié sur les grands sites (Louxor, Saqqara, Guiza, ...) mais pour ceux qui sont plus isolés, nous n'avons guère d'informations de terrain.
L'attitude des différentes missions archéologiques est variable, mais la plupart ont fermé leur chantier de fouille pour cette année, et sont dans l'expectative pour le futur.

Considéré par beaucoup de ses compatriotes comme un homme profondément lié à l'ancien régime, Zahi Hawass doit, pour la première fois, faire face à une contestation ouverte de jeunes archéologues et inspecteurs des antiquités au chômage ( vue). Accusé, entre autres, de clientélisme, de favoritisme, d'arrogance frisant parfois la malpolitesse vis à vis de ses subordonnés comme de ses collègues, de confiscation à son usage personnel des antiquités de l'Égypte, de malhonnêteté scientifique, d'appropriation de découvertes d'autrui, ... la position du nouveau ministre n'est pas pérenne. Mais, quand on lui demande s’il prend les demandes de démission au sérieux, il affirme :

"Je pourrais quitter ce poste demain ! Mais l’Egypte y perdrait, et le monde y perdrait"

. Rien que ça.

The month that has just passed was rich in distresses, and, as you know, the antiquities were not spared. The situation is now stabilised, but no one knows for how long, since the fundamental economic problems persist.
We may ignore what exact role Dr Zahi Hawass, formerly Chief of Staff of the Supreme Council of the Antiquities (which has in fact disapeared), and now maintaining Minister of State of these same antiquities, played in the efficient protection of these antiques and its coordination. On the other hand, all those who followed the successive declarations of Dr. Hawass on his blog could note their incoherence, and deplore the media production of bad taste which sometimes surrounded them. The Egyptologist Jean-Pierre Corteggiani has, in a tribune of the World, on the 24th of February, harshly criticised this attitude: "... although he exchanged his costume of Indiana Jones for a minister's dark suit, even going as far as abandoning his 'famous hat' - the expression is of him - to raise in front of the cameras the serious face imposed by this new function of which he dreamed so much, his declarations are only contradictions and improbabilities". It is necessary to notice also that nearly all articles on his blog dating from the first 15 days of the events have disappeared. One can also be surprised never to have read a special homage to the director of the Cairo Museum, Tarek El Awady, who had a brilliant idea however: knowing that the thieves would look firstly for the gold objects of the treasure of Tutankhamun, he simply cut the electricity in the rooms without windows. There is no doubt that he thus saved a lot more precious pieces than those which were destroyed or stolen.

This is what is - officially - the situation of the antiquities in this end of month:
At the Cairo museum, among the declared stolen objects, were recovered, the heart scarab of Yuya (in the garden of the museum... bizarrly, it is so easy to conceal), one of the ushabtis in wood of Yuya, and the statue of Akhenaten making offering ( view) (bizarrly also: it had been found close to a trash can by Tahrir a teenager whose uncle worked precisely in the SCA). Of the wood guilt statuette of the goddess Menkeret carrying Tutankhamun, a unique piece ( view), until now only the goddesses body has been recovered. The wood guilt statuette representing Tutankhamun standing on the back of a panther has been restored but it seems that an arm has disappeared ( view); the one where he stands up on a reed boat with a harpoon in his hand, more seriously damaged, is under restoration. Less known pieces, like that of a boat of the Middle Kingdom which photos had shown broken, are also in restoration ( view).
The still missing pieces would amount therefore to a statue of Nefertiti making offerings, the head (made of sandstone) of an Amarnian princess, the statue of a seated scribe, and ten magnificent ushabti statues of Yuya ( view).
On the other sites of Egypt, it is more difficult to gain an idea: some places of storage have been robbed (including at Saqqara), but it would seem that the majority of the objects have been recovered. In Saqqara, doors made of iron, closing some tombs, have been forced open, but there had officially been no damage there; a stone stela has been stolen however from the tomb of Hetepka, and a fragment of stela in the one of Rahotep in Abusir. The situation of the tomb of Maia, intact officially, is not solved entirely, especially since confusion exists between the tomb of Maia, the nurse of Tutankhamun, and the one of Maya the chancellor.

All sites and museums in Egypt are (in principle) open again to the public. This has been verified on the great sites (Luxor, Saqqara, Giza, ...), but for those that are more isolated, not much information is available.
The attitude of the various archaeological missions is variable, but most closed their sites of excavation for this year, and are in expectation for the future.

Considered by many of his fellow countrymen as a man deeply bound to the old regime, Zahi Hawass must, for the first time, face a contestation opened by young archaeologists and inspectors of antiquities regarding unemployment ( view). Accused, among other things, of vote-catching, favouritism, arrogance sometimes turning an unpolite face to his subordinates and his colleagues, of confiscation for his personal use of Egyptian antiques, of scientific dishonesty, of appropriation of discoveries of others, ... The position of the new minister is not long-lasting. But, when one asks him if he takes the demands for resignation seriously, he affirms: "I could leave this post tomorrow! But Egypt would be the looser, and the world would be the looser." Only that.

  Art Project 

On peut penser ce qu'on veut de Google, mais il faut bien reconnaître qu'ils ne s'endorment pas sur leurs lauriers. Le géant américain lance son Art Project en partenariat avec 17 musées du monde entier. Le nouveau site propose des captures numériques réalisées à une résolution allant jusqu'à 7 milliards de pixels, ce qui permet des zooms puissants. De quoi observer en détails les toiles de maîtres en vues panoramiques à 360°. Aujourd'hui, 1061 tableaux sont visibles, mieux analysables que dans une salle souvent bondée, grâce à des visites de galeries en 3D via le module Street View. Les musées ont coopéré sans problème (il n'y a pas de droits d'auteurs comme pour les livres). Le directeur de la Tate Gallery souligne même le retour positif pour son institution : des gens qui ont vu le tableau sur Google viennent ensuite le voir en vrai.
Vous vous demandez peut-être ce que cette nouvelle non égyptologique fait ici? Eh bien elle est intéressante pour trois raisons au moins
•  Parce que c'est extraordinaire (!).
•  Parce qu'on peut espérer que les oeuvres d'art égyptiennes seront un jour numérisées
•  Parce que cela conforte la position qui est depuis le début celle d'OsirisNet et sa raison d'être : le patrimoine artistique et archéologique doit être mis à la disposition des citoyens du monde entier comme étant leur bien commun.

One can think what one wants of Google, but it is necessary to recognise that they don't fall asleep on their laurels. The American giant throws his Art Project in partnership with 17 museums of the whole world. The new site proposes numerous captures achieved at a resolution up to 7 billion pixels, which permits powerful zooms. From which can be observed in detail masterpieces in panoramic views of 360°. Today, 1061 paintings are available, better to analyse than in a crowded room, thanks to visits of galleries in 3D via the module Street View. The museums co-operated without problem (there is no copyright as there is for books). The director of the Tate Gallery underlines even the positive return for his institution: the people who saw a picture on Google, then come to see it for real.
You may wonder what this piece of non-Egyptological news is doing here. Well, it is interesting for three reasons at least:
• because it is extraordinary (!).
• because one can hope that the Egyptian works of art will be digitalised one day.
• because it reinforces the position that is since the beginning that of OsirisNet and its reason to be: the artistic and archaeological heritage must be made available all over the world, at the disposal of the citizens as being for their common good. (There are some of us that can't ever go to Egypt for health reasons - JJH)

 Modern echoes from the Egyptian sands 

Source :

EEF

Le professeur Miroslav Barta, qui dirige la mission tchèque qui fouille depuis 50 ans sur le site d'Abousir (à 25 km au sud du Caire) parle du travail des archéologues et des nouvelles théories concernant la chute de l'Ancien Empire. Le site comporte en effet de nombreux monuments royaux de la Ve dynastie, depuis Nyouserrë, puis Menkhaouhor, Akaouhor, Djedkarê-Isesi et Raneferef, ainsi que des cimetières de hauts personnages de l'époque.
Traditionnellement, la chute de l'Ancien Empire est mise sur le compte des circonstances historiques de la fin de la période. Barta est un de ceux qui ont émis l'hypothèse d'un lent déclin, brutalement aggravé par des changements climatiques.
Le déclin aurait commencé 150 à 200 ans avant la chute finale, précisément sous la Ve dynastie. Les facteurs mis en cause sont remarquablement modernes :
•  L'hypertrophie considérable de l'administration, avec un grand nombre de personnes sans occupation précise.
•  Une crise de légitimité : l'administration centrale perd progressivement le contrôle des zones périphériques.
•  Conséquence de la précédente, les zones périphériques du pays deviennent de plus en plus indépendantes.
•  Des ressources très importantes sont investies dans des domaines non productifs, ainsi les milliers de prêtres funéraires en charge des cultes mortuaires des souverains défunts, qui constituent autant de bouches à nourrir.
Le changement climatique, qui est bien attesté sur le site d'Abousir et semble avoir été rapide, sur quelques décennies, a précipité la fin de ce système.
Voilà qui donne à réfléchir.

Professor Miroslav Barta, who directs the Czech mission which has searched for 50 years on the site of Abusir (25 km to the south of the Cairo) speaks of the work of the archaeologists and the new theories concerning the fall of the Old Kingdom. The site includes many royal monuments of the 5th Dynasty, since Nyuserre, indeed then Menkhauhor, Akauhor, Djedkare-Isesi and Raneferef, as well as of the cemeteries of noble characters of the time.
Traditionally, the fall of the Old Kingdom is placed on the historic circumstances of the end of that period. Barta is one of those who produced the hypothesis of a slow decline, brutally aggravated by climatic changes.
The decline would have begun 150 to 200 years before the final fall, precisely during the 5th Dynasty. The questioned factors are remarkably modern:
• The considerable hypertrophy of the administration, with a great number of people without actual occupation.
• A crisis of legitimacy: the central administration loses control of the peripheral areas progressively.
• The consequence of the previous, the peripheral zones of the country become more and more independent.
• Very important resources are invested in non productive domains, so the thousands of funerary priests in charge of the mortuary cults of dead sovereigns, which constitute as many mouths to feed.
The climatic change, which is attested well on the site of Abusir and which seems to have been fast, only a few decades, precipitated the end of this system.
This gives room for thought.