Les conceptions funÉraires de la religion d'Aton

1) - Les idées sur l'au-delà en vigueur depuis le Moyen-Empire sont abandonnées

Traditionnellement, la survie du défunt nécessite son passage en jugement devant le tribunal divin présidé par Osiris.
Pour Akhénaton il n'y a pas d'autre réalité ni d'autre vie que celle, physique, baignée par les rayons d'Aton : la lumière, comme principe unique, explique tout le cosmos. Mais il se lie ainsi à l'univers visible, ce qui l'oblige à rejeter tout ce qui ne lui appartient pas : la nuit, la vie dans un monde souterrain, Osiris…

Le grand drame cosmique de la course nocturne du soleil et son corollaire, le cheminement du défunt jusqu'au tribunal divin pour y être jugé, disparaissent. Il ne saurait être question d'imaginer le réveil des morts par le disque solaire qui pénétrerait dans la Douat (le monde souterrain).
Ceci explique qu'Osiris, souverain des morts, qui règne sur le monde souterrain, disparaisse immédiatement du système théologique d'Amenhotep IV, alors qu'il réside encore à Thèbes (avant même le détesté dieu Amon). Les défunts cessent de devenir des Osiris. Il n'y a plus de place pour le Grand Dieu des morts dans le système atoniste. Tout ce qui a trait au devenir osirien traditionnel disparaît aussi : jugement des morts, pèlerinage en Abydos ou dans les villes saintes du Delta, Champ des offrandes, Champ des roseaux… Plus besoin non plus de Livre des Morts, ou d'un autre livre funéraire. Bien sûr, les formules d'offrandes traditionnelles aux dieux sont bannies. D'ailleurs aucune divinité autre qu'Aton n'a eu droit de cité dans les tombes des hauts fonctionnaires et courtisans d'Amarna.

Des pans entiers d'une tradition millénaire sont ainsi niés et bannis. On imagine l'effet sur les contemporains - du moins sur ceux qui avaient accès à l'enseignement du roi !… Inutile de préciser que ces spéculations religieuses passaient largement au-dessus d'un petit peuple misérable, qui avait d'autres préoccupations.

2) - Le nouveau système imaginé par Akhénaton

Akhénaton rejette toute référence au mythe du voyage nocturne du soleil, et à tous les autres mythes, et les fait disparaitre.

Maintenant, la nuit, il ne se passe rien, les vivants et les défunts se reposent ; on se contente de constater qu'Aton a disparu, mais on ne spécule pas sur son devenir. La réalité visible est la seule vérité ; les images divines et les modèles mythologiques sont des tromperies. Pour la première fois apparaît la distinction vrai Dieu / faux Dieu(x), base du monothéisme.

Il résulte de ces nouvelles conceptions un bouleversement du programme décoratif traditionnel des tombes (cf infra). Il est aussi précisé dans plusieurs tombes que le soleil accompli son parcours "en paix" et pour cause : c'en est fini du combat nocturne contre le serpent Apophis qui essaye d'arrêter la barque solaire.

3) - L'au-delà amarnien

Qu'est-ce qui se passe après la mort ?
On n'en sait trop rien. C'est sans doute le plus grand échec de la religion imaginée par Akhénaton que de n'offrir aucune réponse claire à la question fondamentale du devenir post-mortem.
Il semble que la vie terrestre se prolonge, sur le site d'Akhetaton, comme cela est exprimé dans la tombe de Toutou : à l'aube, le défunt se lève, fait sa toilette et s'habille "de la même façon que lorsque tu étais sur terre".
Le défunt quitte ensuite sa tombe et erre de façon plus ou moins fantomatique dans la cité, ayant accès aux temples et aux palais. Nous voyons ainsi Meryrê se proclamer dans sa chapelle "Justifié dans Akhetaton".
L'importance de ces batîments dans la vie posthume du défunt pourrait être une des raisons qui expliquent la fréquence avec laquelle ils sont représentés dans les tombes.
Remarquons que cette conception sous-entend une agglutination des défunts autour du roi (vivant ou mort) et rappelle le début de l'Ancien Empire, lorsque les courtisans passaient leur éternité autour du tombeau du souverain qu'ils avaient servi.

4) - Le rôle d'Akhénaton se poursuit après la mort

Le défunt est entièrement dépendant du roi, comme il l'avait été durant son temps de vie. C'est lui qui décide qui est maâty (justifié) et à qui il accorde l'autorisation de posséder une sépulture.
Akhénaton EST la maât, et accomplir sa volonté, c'est agir selon la maât (sur Maât et la maât, voir ). Ainsi, ceux qui ont agi loyalement et conformément à ses prescriptions - et eux seuls - sont justifiés (Ay, Toutou). Le bon plaisir d'Akhénaton a remplacé le tribunal d'Osiris.
Vu la place qu'occupe le roi dans la survie des individus, on ne s'étonne plus de son omniprésence dans le décor des tombes. Mais, contrairement à ce qu'on peut penser, il s'agit certainement d'une proximité désirée par le propriétaire, car elle témoigne de ses liens étroits avec le souverain, ce qui correspond à un désir fort, qu'il clame bien haut.

5) Une tombe pour quoi faire?

Avant l'époque amarnienne, la tombe représentait une enveloppe protectrice magique qui participait activement à la survie du défunt. Sous Akhénaton, la tombe semble ne plus être qu'une coquille vide, sans fonction magique.
On peut dès lors se poser la question : pourquoi, dans ces conditions, faut-il encore une sépulture à un défunt ?
Même à Amarna, la tombe reste indispensable et constitue le véritable "royaume" du défunt qui ne bénéficie plus de celui d'Osiris. Elle sert de protection à la momie, car la momification est toujours pratiquée pour s'assurer que le corps sera préservé, désir exprimé dans les textes.

Le Ba (improprement rendu, faute de mieux par "l'âme") du défunt réside dans la tombe et y reçoit les offrandes que sa famille ou des prêtres sont censés apporter (d'où l'importance de la niche avec la statue, puisque c'est là qu'elles étaient déposées). Capable de se déplacer, c'est le Ba qui quitte la tombe chaque matin pour rejoindre le site d'Akhetaton et profiter également des offrandes que le roi présente à Aton.
Les inscriptions relevées ces dernières années dans le complexe excentré de Kom el-Nana prouvent qu'il existait un temple de type Sunshade of Re (lit. "Parasol ou auvent de Rê") au nom de Nefertiti (voir ). Et ce temple joue un rôle important dans le devenir post-mortem des notables enterrés à Akhétaton. Les défunts viennent, sous une forme fantomatique, chercher dans le temple solaire de Néfertiti les offrandes dont ils ont besoin pour subsister.
Tout ceci explique pourquoi le défunt semble obsédé par la nécessité de devenir un "Ba vivant".

Caractères généraux du décor des tombes amarniennes

À la XVIIIe dynastie avant Akhénaton

La pièce externe (barre du T inversé) est la première en entrant dans la chapelle. C'est là que le propriétaire se présente, énumère ses titres et, le plus souvent, décrit ses activités officielles.

La pièce interne est plutôt consacrée aux rites funéraires, au culte du défunt et à son passage dans le monde souterrain.
Les scènes suivantes peuvent se trouver dans l'une ou l'autre pièce : scènes de banquet, en lien ou non avec la célébration d'une des grandes fêtes thébaines (fête d'Opet, Belle Fête de la Vallée…) ; chasse et pêche dans les marais ; chasse dans le désert ; activités agricoles ; défunt faisant offrande aux dieux.

Les représentations d'offrandes faites au défunt sont en général multiples et peuvent se voir n'importe où.

Dans la tombe pré-amarnienne, le défunt est figuré à de nombreuses reprises, souvent de taille supérieure aux autres personnages et il est presque toujours accompagné de membres de sa famille, au moins ses enfants et sa femme.

Les textes sont écrits en Égyptien de tradition, langue qui n'est plus utilisée depuis des décennies, mais qui est considérée comme canonique.

B- À l'époque amarnienne

La plupart de ces thèmes traditionnels disparaissent. Ils sont remplacés par un nombre beaucoup plus restreint de nouveaux thèmes.

Si parfois l'épouse du défunt est présente, aucun de ses enfants ou de ses parents n'est en principe mentionné ou représenté. En particulier, il n'y a aucune scène qui montre le fils aîné en train d'officier en temps que prêtre-sem lors de funérailles de son père.

Les scènes en rapport avec les activités professionnelles disparaissent, tandis que sont mis en avant les lieux où le défunt se trouvait près du roi. Un seul cas fait exception à cette règle; celui de Mahou (TA 09) le chef de la police d'Akhetaton.

Plus important encore, les scènes de funérailles ou celles montrant les rites funéraires disparaissent complètement. Chez Houya, Panehesy et Any quelques ébauches sont cantonnées aux parois de la niche à statue. Elles ont probablement été tolérées parce qu'elles ne font pas référence aux dieux, mais uniquement au roi et à la reine.

Il existe dans le décor des tombes amarniennes une prépondérance des images sur les textes. Dans un souci de réalisme, ces textes ne sont plus rédigés dans la langue de tradition, mais en néo-égyptien, qui est la langue parlée de l'époque.

C- Organisation du décor

1)- Avant Akhénaton

Sur une paroi, le décor se distribue sous forme de registres superposés qui convergent vers l'image du défunt.
Les registres peuvent comporter des thèmes différents et dont le déroulement n'est pas simultané.

2)- À l'époque amarnienne

La signification de la décoration change et le choix des thèmes s'en ressent. Le but n'est plus de recouvrir de scènes toutes les parois de la chapelle, mais d'associer des "tableaux" (Assmann, Arp) qui sont autant de scènes satellites de la scène princpale : le roi sacrifiant, le roi distribuant des récompenses... Ces scènes se déroulent à un endroit précis et à un moment précis ; elles peuvent occuper certaines parties du mur, tandis que d'autres zones semblent être restées délibérément non décorées.
Les lieux et les situations représentés sont toujours en lien avec les titres et/ou les fonctions du propriétaire de la tombe. Celui-ci est présent - même si c'est à une échelle très réduite - et interagit avec la famille royale comme il le faisait de son temps de vie.

En général, une paroi est occupée sur toute sa hauteur par une grande scène unique centrée sur une représentation du roi ; sur cette grande composition (qui peut s'étendre à un mur adjacent, comme par exemple chez ), se greffe un nombre variable de sous-registres composés de saynètes en rapport avec le thème principal et contemporaines de celui-ci.
Le nombre de scènes différentes dans une chapelle est indépendant de sa taille : la petite tombe de Mahou (TA 09) est d'une richesse exceptionnelle, alors qu'une grande sépulture comme celle de Ay (TA 25) ne comporte qu'un nombre restreint de thèmes.
Est ce la grande sagesse d'Akhénaton, toujours est-il qu'il a bien pris soin qu'il n'y ait pas entre les tombes des groupes Nord et Sud, de critères hiérarchiques. Ce mécanisme est classiquement employé lorsqu'un souverain constitue une nouvelle cour.

Le caractère innovant des scènes, la diversité dans le rendu des personnages, qui sont représentés de manière plus vivante et moins rigide qu'auparavant, ne doivent cependant pas faire illusion : il s'agit d'un artifice qui cherche à compenser le faible nombre de thèmes traités puisque, nous l'avons vu, la plupart des thèmes traditionnels sont bannis.
Un autre artifice, sans doute pour avoir moins de surface à couvrir, consiste à entourer une paroi, ou des scènes, par la superposition d'épaisses lignes de couleur qui ne se trouvent (à ma connaissance) qu'à Amarna ; on en trouve un bon exemple chez Meryrê... À moins qu'il ne s'agisse de protections destinées à isoler la cité d'Akhetaton ?

D – Les changements dans le style des représentations

Même si les silhouettes des personnages de l'époque amarnienne nous choquent et semblent s'éloigner nettement des canons traditionnels, la différence n'est finalement pas si importante que cela. En effet, les représentations restent typiquement égyptiennes et sont fidèles aux règles de l'aspective. La représentation du corps continue à se faire par assemblage de fragments vus sous des angles différents, chacun étant censé représenter au mieux la partie concernée. De même les bâtiments sont détaillés du point de vue architectural, réalisant une sorte d'éclaté, sans essai de vue perspective.

Il faut bien souligner que les changements les plus visibles concernent essentiellement Akhénaton et Néfertiti et s'inscrivent dans le cadre d'un rapprochement progressif des images du roi et de la reine, probablement sous-tendu par la volonté d'Akhénaton de montrer à quel point le couple royal est extra-ordinaire, différent des autres humains.

La grille des proportions s'est modifiée par rapport aux époques précédentes, passant de 18 cadrats à 20 cadrats (). Ainsi le cou et la partie haute du thorax s'allongent, tandis que le ventre pend par dessus le pagne. Les épaules et la taille sont étroites. Sous la ceinture, le corps s'élargit, avec des hanches larges et des fesses proéminentes. Les jambes sont raccourcies et, comme les bras, graciles et sans musculature. La tête est volumineuse, étirée vers l'arrière, avec des traits affaissés.
Tout se passe comme si Akhénaton avait voulu se rapprocher des critères de beauté féminine de l'époque, lui qui se disait "le bel enfant d'Aton". Mais cette nouvelle image officielle androgyne s'inscrit aussi dans un cadre politique, puisque le roi, manifestation d'Aton sur terre, est donc père et mère de toute forme de vie.
Néfertiti est représentée avec les mêmes critères outranciers, ce qui correspond à l'hyperféminiser, avec aussi un triangle pubien bien visible, car elle incarne le principe cosmique féminin.

Mais il faut bien l'avouer, en l'absence de texte écrit, nous ne saurons probablement jamais pourquoi Akhénaton a choisi de se faire représenter de cette façon étrange, alors que par ailleurs il privilégie la réalité observable.

Ces nouveautés stylistiques, choisies personnellement par Akhénaton, ont bien sûr influencé les artisans, qui en ont transposé une partie dans les tombes privées. C'est ainsi que certains personnages, et notamment le propriétaire, sont volontiers dolichocéphales, avec des jambes courtes, des membres sans musculature et un peu bedonnants. Par ailleurs, suivant en cela les directives royales, les artisans ont ajouté du mouvement, en particulier pour les personnages non royaux, ainsi que dans les petites scènes qui ponctuent les grandes compositions.
Certains de ces "amarnismes", par exemple les jambes raccourcies, persisteront jusqu'au règne de Sethy I.

Principaux thÈmes du programme dÉcoratif des tombes amarniennes

C'est dans les thèmes plus que dans le style que se situe le véritable changement.

La nouvelle idéologie est basée sur la consubstantialité entre Aton et le roi : puisque l'Aton n'est connu que de son fils Akhénaton, il fallait absolument un intermédiaire physique que les hommes puisse vénérer et prier ; cet intermédiaire, c'est Akhénaton ou plutôt le couple qu'il forme avec Néfertiti. Dieu et déesse sur terre, le roi et la reine remplacent les statues, avec l'avantage d'être mobiles, donc assurément vivants. Politiquement, cela signifiait qu'aucun oracle rendu par une statue de pierre ne pourrait contrecarrer le pouvoir royal.
Dans les décors, ces concepts nouveaux se traduisent par un pharaocentrisme absolu, mis en scène devant un public nombreux et surtout en présence des courtisans et fonctionnaires.

Voici ce qu'écrit Dimitri Laboury :
"Cette célébration de la vie de Pharaon, telle une liturgie, est ostensiblement présente dès l’invention, en l’an 4, de l’imagerie et de l’idéologie proprement atonistes – car, de toute évidence, elle en constitue un des principes fondateurs – réintroduit les courtisans dans l’iconographie royale, en tant que spectateurs et interlocuteurs nécessaires de la mise en scène ritualisée de la vie du souverain. Et c’est probablement dans la composition des scènes atonistes […] et dans l’attitude et le rôle prêtés aux figurants qui assistent aux actions du roi que réside la caractéristique la plus singulière de cet art nouveau et que s’exprime, en même temps, le plus nettement le statut proprement divin d’Amenhotep IV – Akhénaton".
et il poursuit :
"[…]tous ceux qui approchent Pharaon, des serviteurs du palais jusqu’au vizir, sont dépeints en pleine manifestation de dévotion envers leur souverain, en train d’embrasser le sol ou penchés très bas, presque à angle droit, comme si l’Égypte tout entière était soudainement frappée de lombalgie, à l’exception notable de la famille royale."

A- Les représentations d'Aton et de son nom

1) Le disque rayonnant

Après quelques essais sans suite montrant des mains accrochées directement au disque solaire est apparue l'image simple et géniale du disque vu de face, d'où émanent des rayons terminés par des mains, devenu l'emblème de l'époque amarnienne. Il illustre parfaitement la nouvelle conception : Aton n'est pas le soleil, mais la lumière que contient le disque solaire, qui est la source immuable de toute vie ; ses mains peuvent tendre le signe de vie ankh ou le sceptre de pouvoir ouas
Aton porte un uræus, pour souligner son caractère royal, qui sera renforcé par l'écriture de son nom dans un double cartouche.
Les rites se déroulent directement sous les rayons du soleil, le face à face traditionnel du roi avec le dieu est terminé puisque Aton est dans le ciel. La scène n'est plus centrée par le dieu mais par Akhénaton sous les rayons d'Aton : le roi est devenu consubstantiel au dieu.

2) Les cartouches

Pour mémoire, au Nouvel Empire, deux des cinq noms du pharaon régnant sont entourés d'un cartouche, son nom de naissance et son nom de couronnement. La Grande Épouse Royale a également son nom inscrit dans un cartouche.

À Amarna par contre, les choses sont différentes. En effet, selon la nouvelle théologie, Aton est roi dans le ciel comme son fils Akhénaton est roi sur la terre ; de ce fait, son nom dogmatique (ou nom-programme) se voit inscrit lui aussi dans deux cartouches, rapprochant ainsi royauté céleste et royauté terrestre.
Remarquons que ce nom, qui a changé trois fois au cours du règne, est étonnamment précis et interdit les interprétations ou assimilations dont les anciens étaient friands.
La version initiale du nom se lit "ankh-Rê-Horakhty-qui-jubile-dans-l'horizon-en-son-nom-de-Shou-qui-est-dans-l'Aton" et elle comporte les noms des divinités Hor-akhty (= Horus-du-double-horizon) et Shou (l'espace situé entre ciel et terre qui transmet la lumière). En l'an 14, ceux-ci disparaissent au profit de transcriptions phonétiques : "Horus" est remplacé par "le-seigneur-du-double-horizon" et "Shou" par "lumière"

Les cartouches du roi, de la reine et du disque solaire sont très présents dans les tombes et sont souvent offerts par le couple royal lors des scènes d'adoration au disque. On voit même Akhénaton ou Néfertiti faire offrande du nom d'Aton à Aton, ou offrir une image d'eux-mêmes en train de faire l'offrande. Ainsi dans la tombe de Ipy, on voit Néfertiti présenter à Aton une image d'elle-même et du nom d'Aton ()

B- L'omniprésence du roi

La caractéristique principale des tombes amarniennes est de comporter plus de représentations d'Akhénaton et de la famille royale (Néfertiti et les princesses) que du défunt. On l'a déjà vu, cette présence quasi-obsessionnelle est la clé de voûte du système imaginé par Akhénaton.

Que Pharaon soit présent par son image ou par ses cartouches (ce qui ne fait pas de différence) n'est pas une nouveauté : durant le Nouvel Empire, on assiste même à une augmentation constante du nombre de ces représentations royales dans les tombes privées. Le souverain y reçoit passivement hommages et offrandes.

Mais à Amarna la situation est fort différente, car le roi, loin de rester passif, est le moteur même de l'action. On le voit en train de faire offrande à Aton, de circuler en char, de manger et de boire dans son palais, de récompenser les fonctionnaires méritants depuis la fenêtre d'apparition… Comme l'écrit Balcz: "le roi a évincé les défunts de leur propre tombe pour sa gloire personnelle".

Il n'y a guère que dans le petit couloir d'entrée de la chapelle que le défunt (parfois avec son épouse) est autonome ; cependant, même là, Akhénaton est présent puisqu'il est le récipiendaire de la prière que récite le mort. Dans le reste de la chapelle, le défunt apparaît uniquement comme un subalterne participant à la geste royale.

Pour Arp, ces nouvelles règles qui réduisent le propriétaire à la portion congrue, ne doivent pas être interprétées de manière négative. Elles montrent aux visiteurs de la chapelle que les relations de ce propriétaire avec le roi étaient étroites de son vivant, un souhait souvent exprimé pour une raison facile à deviner: Akhénaton est maître de la destinée du fonctionnaire vivant et reste maître de son destin post-mortem. Ces liens privilégiés avec le souverain accentuent le prestige du propriétaire et confortent son rang.

C- Les représentations de palais et temples

La décision majeure du règne d'Akhénaton reste la fondation d'Akhetaton, un endroit exclusivement consacré au culte du dieu solaire unique. Et le souverain s'est fixé un programme de construction précis de temples et de palais, qu'il a fait inscrire sur les seize stèles frontières qui définissent les limites du territoire de la cité.
Dans certaines tombes privées, les propriétaires ont fait représenter, parfois a grande échelle, certains de ces édifices, notamment les palais. Leurs motivations sont peu claires : montrer son attachement à la doctrine du roi pour qui la cité d'Akhetaton était le centre de l'univers ? désir de faire figurer les endroits où le Ba puisse se rendre après la mort ? simple volonté de remplir un espace vide ?

Dans les tombes du groupe nord (Panehesy, Meryrê, Houya, Ahmes, Pentou), les différentes parties du ou des palais sont plutôt disposées horizontalement et sont moins détaillées, tandis que dans les tombes du groupe sud (Parennefer, Toutou, Ay) elles sont plutôt superposées et plus détaillées.
Dans la plupart des cas, on trouve trois secteurs (nommés selon nos conventions modernes) :
• à l'avant, une cour avec loggia
• à la partie médiane, une salle à manger et des annexes
• à la partie postérieure, des pièces à vivre ainsi qu'une chambre à coucher.
Toutes ces représentations présentent des points communs, mais aussi des divergences dans le nombre, la taille et la disposition des pièces. Il se pourrait qu'à partir d'un socle formé de quelques éléments architecturaux caractérisant "le palais" - par exemple la fenêtre d'apparition - le propriétaire ait choisi d'y ajouter les éléments les plus signifiants pour lui. Les artisans ont alors adapté les proportions à l'espace disponible. Ceci expliquerait pourquoi ces représentations sont peu fidèles à la réalité archéologique et ne constituent pas non plus une énumération des parties constituantes des édifices.