La tombe 340 a été découverte par Bernard Bruyère en 1925. C'est une chapelle minuscule aménagée en contrebas d'une cour à laquelle on accède par quelques marches.
Il s'agit vraisemblablement de la plus ancienne tombe d'artisan de Deir el-Medina, datant du tout début de la XVIIIe Dynastie. Ceci la rend sans équivalent pour cette époque.

Comme toutes les tombes locales, elle a d'abord été creusée dans le rocher puis la cavité ainsi formée a été chemisée en briques crues. Cette technique permettait d'obtenir une surface à peu près lisse, encore doublée ultérieurement d'un enduit de mouna (enduit de terre et de paille) et de plâtre.

ARCHITECTURE

De la cour d'Amenemhat on ne peut deviner grand-chose, car la toiture a disparu et seul le mur sud, qui respecte le pilastre sud de la façade du tombeau, est d'origine.
Le mur nord qui vient buter contre le pilastre nord (en l'endommageant) a été édifié par lorsqu'il a fait construire sa tombe (TT3) au nord de celle d'Amenemhat. Une corniche à gorge qui se poursuit sur les pilastres marque actuellement le sommet de la façade ; elle est percée en son centre d'une entrée voûtée.
La disparition de la mouna sur le pilastre sud met à jour de larges briques en limon sombre, très compact, de 30 cm x 15 cm x 7 cm. Pour la corniche, on a utilisé des briques carrées (30 cm x 30 cm), que l'on a taillées de façon à obtenir le profil caractéristique de la gorge égyptienne et que l'on a posées de champ.
Deux marches grossièrement taillées dans le rocher conduisent à un corridor voûté recouvert d'un fin badigeon blanc dans sa partie supérieure.
La chapelle est une toute petite pièce rectangulaire dont le grand axe est perpendiculaire au couloir d'entrée (). Elle est couverte par une voûte dite nubienne.
En face de la porte d'entrée, mais légèrement décalée vers la gauche, une petite niche au sommet arrondi est creusée.

LES PERSONNAGES

Ils sont connus par la lecture des inscriptions faite par JM Kruchten.
C'est Sennefer, un des fils du défunt, qui se vante de les avoir rédigées. Cependant on découvre rapidement qu'il était quasiment illettré, et en tout cas ne possédait aucune réelle formation de scribe.
En effet les textes sont truffés de fautes et de bizarreries orthographiques qui suggèrent que Sennefer s'est contenté de retranscrire des signes qu'il avait rencontrés ailleurs, sans les comprendre ; dès qu'il devait faire preuve d'originalité, le résultat était très médiocre. Ces maladresses compliquent notamment l'identification des personnages féminins et des liens de parenté entre les uns et les autres.

Dans cette tombe, seuls les personnages défunts portent le titre de "juste de voix", savoir : les grands-parents de Sennefer (Maân et Hout), sa mère qui fut la première épouse d'Amenemhat (Satamon) et le troisième des fils.
L'identification des quatre fils et des quatre filles n'est pas assurée, pas plus que leur filiation maternelle. Seuls Sennefer et la petite Noubneferet sont certainement enfants de Satamon.
Les textes funéraires retranscrits par Sennefer sont très sommaires, provenant des formules les plus usuelles qu'on pouvait retrouver sur le mobilier funéraire des milieux modestes.
On peut ainsi en déduire l'origine sociale du défunt, très certainement un ouvrier de la tombe thébaine, peut être le premier à avoir obtenu l'autorisation de creuser sa propre sépulture.

LA DÉCORATION

La décoration de la tombe est inachevée, ce qui permet de suivre les étapes de la réalisation, seules les parois sud et ouest étant terminées.

Le programme iconographique de la chapelle est très simple, exclusivement religieux ou funéraire (scènes d'offrandes, cortège des funérailles), répétitif, mais a gardé la vivacité de ses couleurs. Il a été exécuté par un artisan habile, mais pas par un Maître.

La gamme de couleurs de la tombe est assez réduite : sur un fond jaune, on trouve beaucoup de vert (c'est même la couleur d'Anubis, au lieu du brun et du noir habituels), du brun et un blanc immaculé, très opaque, pour les vêtements. Les contours des silhouettes sont normalement rouges, mais ils sont noirs pour les surfaces vertes et blancs pour les surfaces noires.
Le style global est très archaïque, mais en même temps soigné, avec cependant une raideur d'ensemble des personnages. La chapelle aurait été intacte si des mutilations volontaires, certainement d'époque copte, n'avaient détruit tous les visages humains, divins et animaux, et jusqu'à certaines représentations symboliques.

PAROI SUD

La paroi sud, qui constitue l'une des deux têtes de voûte, est cernée par un motif noir et blanc formant chaînette qui, par sa largeur, frappe le regard du visiteur en entrant.
Dans l'espace ainsi délimité, la composition se répartit en deux registres de hauteur légèrement inégale, divin en haut et humain en bas, séparés par une natte de papyrus. Le registre du bas est lui-même subdivisé en trois parties.

1) - LE CINTRE

La composition est remarquablement symétrique, avec un axe central représenté en haut par les deux yeux oudjat séparés par un vase de couleur brique sur lequel trônent des boules vertes et jaunes de natron (ou d'encens). C'est par ce biais que les Égyptiens montraient le contenu de récipients dans lesquels se trouvaient des produits solides.
Immédiatement en dessous on trouve le triple hiéroglyphe de l'eau. Celui-ci surmonte un texte en cinq colonnes () :

Côté droit (devant Osiris) : "Prière à Osiris chef de l'Occident, le grand dieu, souverain de l'éternité, pour qu'il accorde toute chose bonne et pure, ainsi qu'une offrande funéraire de pain, bière et bétail, volaille, vêtements, encens, onguents, au ka du serviteur Amen (em) hat, juste de voix".

Côté gauche (devant Anubis) : "Prière à Anubis qui est dans la place d'embaumement, pour qu'il accorde toute chose bonne et pure, des vêtements, de l'encens, au ka du serviteur Amen (em) hat, juste de voix".

Viennent ensuite les scènes montrant le défunt en adoration, dans une symétrie presque parfaite, devant Osiris à droite et devant Anubis à gauche.

a) - Amenemhat

À genoux devant une table, vêtu seulement d'un pagne court, Amenemhat lève les mains en signe d'adoration, invitant les divinités à accepter son offrande. Les tables d'offrande sont ici identiques : plateau d'albâtre et pied central de couleur verte et ne diffèreront dans le reste de la tombe que par certaines des denrées qu'elles supportent. Ici, il s'agit de quatre pains (deux ronds et deux ovales) ornés de grains de sésame, d'une corbeille de raisin, d'une grappe de raisin, d'une courgette, de la patte antérieure d'un bœuf, d'un cœur et de côtes de bœuf, ainsi que d'une grosse botte d'oignons.
II faut imaginer tout cela étalé sur la table, mais les denrées ont été "redressées" pour qu'on n'en perde aucune de vue, selon le principe évoqué plus haut.
Sous la table, deux vases ocre rouge sont posés sur un support ; autour de chacun s'enroule la tige d'un lotus en bouton ; le contenu est inconnu.

b) - Les deux dieux Osiris et Anubis

Représentés de profil parfait, ils ont les chairs vertes, ce qui est exceptionnel pour Anubis. Ils sont assis sur le trône cubique des dieux : siège carré à dossier bas recouvert d'un coussin blanc, dont les flancs, présentent un décor de plumes par-dessus des bandes alternativement rouges et vertes ; dans l'angle inférieur, un carré rouge sert normalement à inscrire le sema-taouy, symbole de la réunion de la Haute et de la Basse-Égypte, mais comme c'est souvent le cas ailleurs, il n'a pas été exécuté. Les dieux ont les pieds sur un repose-pieds de couleur verte, en forme de signe maât.

Osiris est représenté de manière conventionnelle. Il porte la longue barbe postiche des dieux morts, et il est coiffé de la couronne associant la mitre blanche et deux plumes, anormalement petites ici.
Son corps est serré dans une tunique-suaire blanche dont seuls les bras émergent. Remarquons ce que, dans notre esprit occidental, nous considérerions comme une maladresse de l'artiste : l'une des deux mains tient le sceptre heqa et le flabellum ainsi qu'un signe ouas (à l'envers!), tandis que l'avant-bras qui se dirige vers la table d'offrande passe de manière non réaliste devant les sceptres. Il s'agit là pour l'artiste de mettre en exergue ce qui est fondamental pour le mort : par ce geste, le dieu accepte l'offrande.
On ne peut cependant s'empêcher d'être frappé par la raideur que dégage l'image. À cause du manque de place et d'une disposition non entièrement judicieuse des figurines, l'artiste n'a pu incliner vers l'arrière la couronne du dieu, ni donner à la tête une meilleure proportion par rapport au corps.

Anubis est proportionnellement mieux représenté (). Il a également le corps enveloppé d'un linceul blanc, ce qui est exceptionnel pour ce dieu. Sa perruque tripartite, vert clair ornée d'un pointillé blanc, contraste avec le vert foncé de ses chairs. II tient de la main droite le long sceptre ouas. Devant lui, l'inscription "Anubis dans la salle de l'embaumement".

2) - LA PARTIE INFÉRIEURE DE LA PAROI

( et )

On peut y distinguer trois parties : deux demi-registres superposés de personnages assis, et une représentation à droite d'un couple assis devant une table d'offrandes, qui occupe environ un tiers de l'espace.

a) - Le couple de droite

Il est assis sur une chaise à haut dossier légèrement incliné en bois sombre; les pieds en forme de pattes de lion reposent sur de petits socles blancs rayés de noir. Par manque de place la chaise semble unique et l'époux semble assis sur les genoux de sa femme, mais il s'agit là d'un principe de figuration, l'aspective.
Le texte au-dessus du couple se lit : "Prière à Osiris pour qu'il accorde toute chose bonne et pure au ka d'Amen (em) hat, justifié, et (…) sa femme qu'il aime, la maîtresse de maison, son aimée de chaque jour, Noubneferet".
Tant Amenemhat que son épouse ont le torse exagérément long et étroit, les bras maigres et le dos cambré. La table d'offrandes devant eux est très proche de celle décrite ci-dessus.

Amenemhat
Sa tête et son cou sont entièrement détruits. Il porte une chemise très ajustée à manches courtes et un pagne long sur ou sous lequel il a noué un pagne court à devanteau triangulaire. Les vêtements et les ongles sont d'un blanc opaque, comme c'est le cas pour tous les personnages de la tombe
De la main droite Amenemhat tient, comme un sceptre, une tige de lotus, dont il porte la fleur épanouie à ses narines. Le lotus fait non seulement référence au mythe de la création du monde, mais il est aussi par son parfum capiteux une invite à l'amour, lequel est toujours une promesse de renouvellement de la vie. Chaque fois que les défunts ou leurs hôtes portent à leurs narines une fleur de lotus c'est donc du parfum de l'éternité qu'ils s'enivrent autant que du parfum de la plante.

L'épouse d'Amenemhat
Il s'agit de la seconde femme d'Amenemhat, la marâtre du scribe Sennefer qui a dessiné les inscriptions de la tombe, et elle était encore en vie lors de la construction de la chapelle.
Elle pose la main droite sur l'épaule de son mari et tend la main gauche vers la table d'offrandes. Elle est vêtue d'un fourreau à une seule bretelle, mais il s'agit là encore d'un principe de figuration et non d'un modèle particulier de robe, car ce détail ne s'observe jamais dans la ronde-bosse. Des bracelets, rendus par trois petits traits noirs, ornent ses poignets, ses biceps et ses chevilles. La tête de Noubneferet est détruite, comme celle de son époux.
Le sein est figuré conventionnellement par un gros téton noir, sans relief. La couleur des chairs suit les conventions égyptiennes : rouge ocre pour les hommes, jaune pour les femmes.

Un petit texte surplombe le couple ()
"Prière à Osiris pour qu'il accorde toute bonne chose et pure au Ka d'Amen (em) hat, juste de voix. et (à) sa femme qu'il aime, la maîtresse de maison, son adorée de chaque jour, Noubneferet".

b) - Dans la partie gauche du tableau

()

Les quatre fils et les quatre filles du défunt sont répartis en deux demi-registres, les hommes en haut et les femmes en bas. Un personnage du même sexe situé à droite sert à boire à chaque groupe.

Les similitudes sont nombreuses entre les deux groupes qui auraient probablement été symétriques si l'espace l'avait permis.
Tous les personnages sont maigres, très cambrés et globalement raides. La distance qui sépare leur nez de l'oreille est anormalement longue, ce qui constitue un critère de datation. Les rares yeux préservés sont très larges. Le sein est représenté chez tous comme un téton saillant vu de 3/4.
Les personnages sont assis sur un tabouret et tendent la main droite vers la table d'offrandes, indiquant qu'ils vont partager eux aussi le destin funéraire d'Amenemhat.

Chacun porte sur la tête une version archaïque du "cône funéraire", encore appelé "cône festif". On remarque son caractère aplati, à peine saillant. Nadine Cherpion propose, de manière convaincante, d'y voir une représentation purement symbolique des parfums et onguents dont se servait le personnage. En effet, les Égyptiens n'ayant pas de support matériel pour représenter ces entités semblent avoir choisi ce moyen pour suggérer les bonnes odeurs, chose particulièrement importante pour eux, évoquant la renaissance par la sexualité dans un contexte érotique. Comment d'ailleurs imaginer de placer sur des perruques de réels cônes de graisse parfumée fondant lentement. La perruque aurait été rapidement détériorée, or il s'agissait d'un objet relativement précieux, destiné à durer. Cependant de nombreux auteurs continuent à privilégier la réalité physique du cône d'onguent. Une découverte faite en 2011 mettra peut-être tout le monde d'accord : les anciens Égyptiens, hommes et femmes confondus, utilisaient une matière grasse comme "gel" à cheveu [Des chercheurs de Manchester ont examiné au microscope électronique les cheveux de dix-huit momies. Ils ont ainsi découvert la présence, sur la tête des sujets, de substances graisseuses chimiquement différentes des produits classiquement utilisés lors de l'embaumement. Ces substances ont même été retrouvées sur la tête de sujets rasés (ou chauves) !]
En 2012, Joan Padgham propose une interprétation radicalement nouvelle : pour elle, le cône d'onguent est le symbole terrestre du Ba recevant les offrandes. Ces offrandes divines constituent en effet le point central sous tendant la vie éternelle dans l'Égypte ancienne : la représentation du défunt devant une table d'offrandes est d'ailleurs une des plus anciennes et des plus durables de l'art pictural égyptien. Les offrandes sont faites au Ka pendant l'Ancien et le Moyen Empire, puis de plus en plus souvent au Ba à partir du Nouvel Empire.

Les fils

Les tabourets des fils sont peints en blanc ; la disposition des étrésillons de ces sièges forme un motif courant dans le mobilier égyptien et les liens qui assujettissent les différents éléments sont minutieusement détaillés.
Devant le premier personnage, on lit "son fils Amen-iounou (…) ", devant le troisième "son fils Nebmaât, juste de voix", devant le dernier "son fils Ay, juste de voix". Les effigies du premier et second fils sont très sévèrement mutilées. Leur représentation est calquée sur celle de leur père. Tous ont le torse nu et portent un pagne court à devanteau triangulaire, un gorgerin vert et une perruque courte et ronde. Leur main gauche posée sur la poitrine serre une pièce d'étoffe pliée.
Un serviteur vêtu seulement d'un pagne simple et d'une courte perruque tend au premier fils (l'aîné) une coupe (?). Derrière lui se trouvent quatre hautes jarres de teinte lilas à fond arrondi et à décor rouge et noir, fermées par une coupe blanche renversée, ainsi qu'un vase plus petit de couleur rosée, à fond plat, dans lesquels il puise la boisson qu'il offre (). Remarquons que, par manque de place, ces jarres ne sont pas sur le même plan que les personnages et qu'elles reposent sur une natte de papyrus.

Les filles

Sur la rangée inférieure, quatre jeunes femmes vêtues comme leur mère sont assises ce qui exprime une situation hiérarchique privilégiée, même si leurs tabourets sont plus bas et moins élaborés que ceux de leurs frères.
L'inscription devant la première dame de la rangée se lit : "sa fille Mout", devant la deuxième "sa fille Noubneferet", devant la troisième "sa fille Hepet", et devant la dernière "sa fille Irepet". Leurs perruques sont bouclées et portent une mèche épaisse en tire-bouchon témoignant de leur statut ().
Elles portent une sorte de diadème ou de couronne de fleurs fraîches, et une grosse fleur de lotus semble jaillir de leurs fronts tandis que leur main gauche tient un bouton de lotus. Nous avons déjà signalé le rôle symbolique de la fleur qui est ici confirmé : ce sont ses filles qui dirigent vers Amenemhat la représentation de l'embryon en gestation (le bouton) et la fleur ouverte de la renaissance.
Les Égyptiens du commun n'épousaient pas leurs filles ou leurs sœurs, mais ici les filles doivent remplir le rôle érotique dévolu à la déesse de l'amour, Hathor.
La petite servante tend une coupe à la première dame de la rangée. Remarquons que les jarres ont cette fois pu être représentées au même niveau que les personnages ().
La natte de papyrus, s'étend sous les sièges des demoiselles et sous les vases, mais s'arrête devant la table d'offrandes et les sièges d'Amenemhat et de son épouse, très certainement pour un problème de hauteur, car sa prolongation aurait gêné la figuration des deux personnages.
Les sièges des garçons quant à eux reposent sur une simple ligne, selon le principe déjà vu de la superposition qui remplace la perspective, mais les cruches destinées à les servir sont bien disposées sur une natte décalée.

Il n'est pas indifférent que l'artiste ait représenté les filles plutôt que les garçons sur une natte. En effet, le papyrus, outre de pouvoir servir de recouvrement sur les sols en terre, possède lui aussi une valeur symbolique. La nouvelle gestation du mort se fera en effet, comme celle d'Horus enfanté par Isis et Osiris ressuscité, dans l'eau des marécages. Et la principale plante que l'on trouve dans les marécages est le papyrus.
Ainsi chaque fois que sur un monument égyptien on offre au défunt papyrus et lotus ce n'est pas seulement un bouquet de fleurs qu'on offre, mais c'est bien plus un souhait d'éternité qu'on forme pour lui, en faisant allusion aux deux étapes de la résurrection, la gestation (papyrus) et la "sortie au jour" (lotus).

PAROI OUEST

La paroi ouest est ornée dans le haut d'une frise de khakherou et d'une baguette égyptienne. Elle est divisée en deux par une niche légèrement décentrée vers la gauche, ce qui a permis d'installer un personnage supplémentaire dans la partie droite de la paroi. L'aspect à peu près symétrique est renforcé par la représentation au-dessus de la niche de vases et jarres selon un heureux effet de perspective ; elles reposent sur la natte de papyrus qui aurait normalement dû être représentée au bas de la niche ().

1) - La niche

Elle est de petite taille : 0,34m de large x 0,33m de haut x 0,25m de profondeur.
Elle est blanchie intérieurement et décorée sur son pourtour de cinq bandes de couleurs :
bleu clair –blanc –rouge –blanc -bleu. Elle est vide actuellement, mais devait contenir une statue du défunt ou une stèle.

2) - De part et d'autre de la niche

Tournant le dos à celle-ci (et regardant donc vers les dieux), deux couples sont assis devant une table. La différence de proportion est d'emblée frappante, notamment au niveau de la taille des têtes, qui sont disproportionnées par rapport aux corps, plus encore à droite qu'à gauche.
La femme du défunt possède les mêmes attributs sur les deux représentations, et les mêmes que ceux déjà vus pour l'image de Noubneferet sur la paroi sud.
Remarquons que, comme les filles d'Amenemhat, elle aussi a au front une fleur de lotus ouverte dirigée vers la tête de son mari, qui est donc comme "encadrée" devant et derrière.
Sous son siège, le matériel de maquillage représenté par le miroir dit hathorique et le pot de kohl avec son bâtonnet participent aussi du contexte érotique destiné à réveiller la puissance sexuelle du mort "endormi", afin qu'il puisse renaître de ses propres œuvres.

3) - À gauche de la niche

()

Le couple assis sur un siège à haut dossier est formé par les parents d'Amenemhat (les grands-parents du "scribe" Sennefer), Maân et Hout. Au-dessus d'eux, on lit : "Prière à Osiris, le grand dieu, souverain de l'éternité, pour qu'il accorde toute chose bonne et pure au ka de Maân (Chémen?), juste de voix - c'est son fils qui fait vivre son nom, Amenemhat ; c'est son fils Sennefer qui fait vivre leur nom" et "Sa femme qu'il aime, son adorée, Hout, juste de voix ; son fils Sennefer".
Maân est vêtu de la même manière qu'Amenemhat sur la paroi sud, et est représenté dans la même attitude. La table d'offrandes dressée à l'intention des époux est pratiquement identique aussi.

4) - À droite de la niche

()

On trouve une scène très semblable à celle de gauche.

Le couple est cette fois constitué par Amenemhat et sa première femme Satamon, déjà morte et qui ainsi a droit au titre de "maa-kherou" ("juste de voix", justifiée) avec cependant deux personnages en plus : une jeune fille agenouillée aux pieds de ses parents et un jeune homme, le fils des défunts (et donc le beau-fils de Noubneferet), qui présente à ses parents les offrandes empilées sur la table.
Bien que, comme sur la paroi sud, Amenemhat soit assis devant une table d'offrandes, il a ici le torse nu avec un collier d'une polychromie chatoyante. Le défunt porte une courte barbe postiche et une perruque longue qui dégage les oreilles, deux détails qu'on ne pouvait observer sur la paroi sud en raison de la mutilation du visage.
L'inscription au-dessus du couple se lit : "Prière à Osiris chef des Occidentaux, pour qu'il accorde toute chose bonne et pure au Ka d'Amen (em) hat, juste de voix - c'est son fils qui fait vivre son nom, Sennefer" et "Son épouse qu'il aime, son adorée de chaque jour (juste de voix), Satamon, juste de voix".

Une jeune fille est agenouillée aux pieds de ses parents, vêtue comme sa mère : "sa fille Noubneferet" (qui porte donc le même nom que la seconde épouse d'Amenemhat).

L'homme qui présente les offrandes () a le torse nu, porte un pagne court à devanteau triangulaire, semblable à celui du personnage qui sert à boire sur la paroi sud, une perruque courte qui découvre les oreilles et un gorgerin vert ; il n'a pas de cône sur la tête. Au-dessus de I'officiant on lit : "Recevoir toutes choses bonnes et pures pour le Ka d'Amenemhat, (de) (son) fils Sennefer : quant à moi, c'est moi le fils qui écrit correctement qui fait vivre (son) nom".

PAROI NORD

La paroi nord est inachevée : elle ne présente aucune inscription et, mis à part les yeux oudjat, le vase et le signe de l'eau qui ornent le haut du cintre, les figures n'ont ni cernes ni détails intérieurs.
La manière de procéder de l'artiste exigeait donc du savoir-faire, puisque, au lieu de tracer d'abord les contours comme nous aurions tendance à le faire, il commençait par poser sans guide les couleurs de base (vert, brun, noir, blanc), de manière à évoquer les silhouettes ; ensuite seulement il les cernait d'un trait rouge, noir ou blanc et exécutait les détails intérieurs ainsi que les demi-teintes.
L'organisation d'ensemble en deux registres, divin en haut et terrestre en bas, est identique à celle de la paroi sud. Le registre du bas, consacré aux funérailles, est lui-même subdivisé en deux.

1) -LE CINTRE

()

Il est identique, en symétrie inversée, à celui de la paroi opposée. Cette fois Anubis est à droite, toujours avec ses inhabituelles chairs vertes et son linceul blanc, tandis qu'Osiris est à gauche.

2) -LES REGISTRES DU BAS

(et )

La lecture de la scène doit se faire depuis le registre inférieur gauche, où une femme, tournée vers le cortège, semble accueillir ce dernier en lui offrant un vase d'onguent. La procession funèbre se dirige vers l'Occident, en allant d'Anubis vers Osiris (et donc de la confection de la momie vers la renaissance).

En tête on trouve quatre porteurs de coffres dont les palanches n'ont pas été représentées. Chaque homme porte en principe deux coffres, en fait seuls six au lieu de huit sont représentés, par manque de place, en un artifice assez disgracieux.
Derrière ces porteurs, un groupe difficile à identifier de pleureuses, en fourreau à bretelles et perruque tripartite, se retourne vers la suite du cortège en levant les bras à angle droit ().

Faisant face aux pleureuses s'avancent six porteurs d'offrandes. Le premier tient en mains un vase nou et un vase bes ; les deux suivants portent chacun un coffret, le quatrième et le cinquième, un guéridon ou un tabouret à étrésillons ; le dernier, dont la silhouette est assez abîmée, porte un sac ou un éventail. Tous les porteurs de mobilier funéraire de ce registre sont vêtus de la même manière : pagne court très simple et perruque courte couvrant les oreilles.

Sur le registre supérieur, où est représentée la deuxième partie de la procession, on voit d'abord huit femmes, pieds joints, serrées dans une robe fourreau de style archaïque ; les gestes des bras sont assez variés : mains croisées sur la poitrine ; bras le long du corps; deux bras levés.

Le catafalque vient ensuite. Il est porté par cinq hommes et précédé de deux bœufs et d'un bouvier, ce qui signifie qu'à certains moments du parcours il était halé, mais qu'ici le cortège emprunte un passage rocailleux ou difficile à franchir, probablement dans la montagne. Ce catafalque rouge, en forme de naos, est posé sur une barque dont la proue et la poupe sont constituées d'ombelles de papyrus. À l'intérieur, le cercueil anthropoïde est décoré de bandes jaunes destinées à recevoir des inscriptions, tandis que le masque est encadré par une perruque verte. Sur une ligne de sol qui n'a pas encore été tracée, au-dessus des bœufs et de leur guide, trois pleureuses constituent un petit sous-registre. Agenouillées, le buste penché vers l'avant, elles portent les deux mains au visage.

PAROI EST, MOITIÉ NORD

Cette paroi a été à peine ébauchée et permet mieux encore que la paroi nord de voir comment l'artiste travaillait.
Àvant d'appliquer les couleurs, il calibrait la paroi et mettait en place la scène en traçant en blanc sur la couche de fond jaune quelques lignes d'une esquisse extrêmement sommaire du sujet.
Sur ces lignes blanches, il repassait parfois avec un charbon de bois.
Après avoir campé les attitudes et les objets, il appliquait alors les couleurs par masses, de manière à suggérer le sujet un peu mieux. Il procédait couleur par couleur et non figure par figure ; ainsi, seuls le vert et le blanc ont été appliqués sur cette paroi.
Ce n'est qu'après avoir appliqué toutes les couleurs de base l'une après l'autre qu'il exécutait les demi-teintes les contours définitifs et les détails intérieurs (cf. paroi nord).
Sur deux registres de hauteur inégale, on devine deux couples assis devant une table d'offrandes.
Le couple du bas respire le parfum de fleurs de lotus. En haut, c'est un homme et une femme, reconnaissables à leurs vêtements, qui présentent les offrandes au couple ; en bas, c'est un homme seul.
Au registre inférieur, deux robes chemises, semblables à celle que porte la petite servante sur la paroi sud, sont esquissées aux pieds du couple ; elles indiquent que l'on comptait représenter à cet endroit deux jeunes filles ou deux servantes.
Les tables d'offrandes ébauchées sont approvisionnées de la même manière que sur les autres parois.

La moitié sud de la paroi est a été peinte en jaune, mais n'a reçu aucune ébauche de décor.

PLAFOND ET FRISES DÉCORATIVES

1) - Plafond

Peint sur un fond jaune comme le reste de la tombe, le décor de la voûte évoque une treille chargée de fruits.
Dans les carrés d'un damier tracé à l'ocre rouge et qui représente l'ossature légère de la charmille, l'artiste a inscrit, avec une alternance régulière, tantôt une feuille de vigne, tantôt une grappe de raisin.
Les grappes sont constituées de masses ovales bleues sur lesquelles des points noirs figurent les grains. Chaque grappe est pourvue de deux vrilles peintes en rouge, qui rendent la représentation très naturaliste. Les feuilles, dont les nervures et les contours dentelés sont exécutés en noir, sont d'un vert tendre et divisées en trois lobes, la petite queue qui les rattache au treillage étant peinte en rouge.
À chaque intersection du damier, une petite croix blanche matérialise les liens qui fixent l'un à l'autre les éléments de la tonnelle.
La vigne descend un peu plus bas du côté ouest que du côté est, si bien que les frises de khakherou ne sont pas parfaitement en face l'une de l'autre.

La représentation de cette vigne domestiquée est unique dans la nécropole thébaine. Seule la , la célèbre "Tombe aux vignes" (TT 96) possède un plafond comparable, mais dans cette dernière on a exploité l'irrégularité du plafond pour représenter une vigne sauvage qui part de quelques ceps figurés au bas d'un mur et dont les sarments s'étalent librement sur le plafond en en épousant toutes les irrégularités. Le rendu des feuilles est également fort différent dans chacune des deux tombes.

Le raisin est symboliquement relié à Osiris. En effet la période des vendanges annonce l'arrivée de l'Inondation. Or le début de la crue charrie toujours des matériaux ferrugineux qui donnent une couleur rougeâtre à l'eau. Les Égyptiens ont eu tôt fait d'assimiler le jus du raisin à cette inondation et au sang d'Osiris dépecé par son frère Seth. Chez Sennefer, c'est d'ailleurs à côté du corps du dieu que naît le cep qui va grimper vers le haut de son corps pour s'épanouir sur la voûte.
Le vin produit par la vigne fait d'ailleurs intégralement partie des substances nécessaires à la renaissance du défunt : par l'ivresse qu'il engendre, il libère les pulsions sexuelles que le rituel cherche par tous les moyens à faire réapparaître.

2)- Frises

La tombe 340 comporte de nombreuses frises décoratives. De plus, au bas de la paroi ouest, deux lignes horizontales rouges indiquent qu'on avait prévu de terminer la paroi par un bandeau décoratif aux couleurs alternées comme celui qu'on trouve dans de nombreuses tombes thébaines, mais il est resté à l'état de préparation.

Les parois cintrées (nord et sud) ainsi que la porte d'entrée sont cernées par un motif noir et blanc. Existant depuis l'Ancien Empire, ce motif qui dérive d'une technique particulière de tissage dite "au carton", a ici une largeur inhabituelle (). Ce motif en chaîne s'interrompt brusquement pour se transformer en un motif suggérant des peignes à dos arrondis dotés de longues pointes irrégulières.

Les longs côtés de la pièce (est et ouest) sont séparés de la voûte par une frise de khakherou doublée dans le bas par une bande de rectangles de couleurs connue sous le nom de "baguette égyptienne" ().
D'après Mackay, ces khakerous, qu'on ne trouve - en principe - qu'au sommet des murs, figureraient "des roseaux ou des tiges d'une autre plante liées ensemble au sommet et réunies une fois encore juste au-dessus de la base, puis s'évasant sous ce nœud". La "rondelle" que l'on voit dans le bas de l'ornement serait donc un nœud rabattu. D'après Petrie il faudrait voir dans le motif des khakherou un principe de figuration destiné à rendre l'idée de la jonction d'une paroi verticale et d'un toit; les rondelles représenteraient la section des tiges horizontales de papyrus qui forment le toit.

Enfin, la "baguette égyptienne" est constituée d'une série de petits rectangles de couleurs alternées. Il sont séparés l'un de l'autre par trois épais traits verticaux : noir –blanc -noir. Les couleurs des rectangles eux-mêmes se succèdent dans cet ordre : -bleu -jaune -vert clair -rouge.

3)- Le décor noir et rouge des vases sur les parois sud et ouest

Il constitue ce qu'on appelle le "brown-red-painted style", dérivé du Moyen Empire et de la Deuxième Période Intermédiaire, et caractéristique de l'extrême début de la XVIIIe dynastie. La tombe d'Amenemhat date donc de cette époque et vraisemblablement de la période Ahmosis - Amenhotep I.

La tombe d'Amenemhat pourrait être non seulement la plus ancienne tombe décorée sur le site de Deir el-Medina, mais encore, avec celle de Tétiky (TT 15), une des plus anciennes tombes décorées de toute la nécropole du Nouvel Empire à Thèbes.