La tombe TT 3 de Pached (ou Pachedou)

La tombe thébaine n°3 est l'une des plus belles de la nécropole thébaine. Elle frappe l'observateur par sa symétrie axiale, l'originalité de son décor et sa disposition dans l'espace, qui en font un véritable petit traité de théologie. C'est l'une des tombes à décoration polychrome de la nécropole du village des ouvriers de la tombe royale à Deir el-Médineh (article OsirisNet). Sur la base d'une analyse stylistique, la tombe est datée du début du règne de Ramsès II (±1279 à 1213 av. J.-C., XIXe dynastie).

Ouverte dans les années 1830 par Ibrahim Pacha puis en 1900 par Howard Carter, elle est l'une des tombes les plus anciennement découvertes de la nécropole thébaine.

Pached et sa famille

L'artiste égyptien est un personnage éminemment discret, souvent anonyme. Il travaille dans une civilisation où l'art et l'artisanat ne sont guère séparés, et n'espère pas atteindre l'immortalité par son oeuvre, puisque celle-ci, non signée, est également cachée dans la profondeur des caveaux.

Vingt-deux personnes sont représentées ou nommées dans TT 3. Pour beaucoup, leurs rapports précis de parenté avec Pached ou son épouse, Nedjemetbehedet, restent obscurs.

Exceptionnellement, pour la TT 3, la documentation fait un peu ressortir Pached au milieu de ses confréres ; ce qui ne veut pas dire que nous avons une connaissance précise de sa vie et de sa carrière !

Menena

Pached est le fils d'un certain Menena, "serviteur d'Amon", qui travaille probablement dans le temple de Karnak, au milieu d'un flot d'employés, de serfs ou d'esclaves qui s'occupent de dizaines d'entrepôts et de magasins.

Pached semble avoir eu, au début de sa carrière, un poste semblable à celui de son père : "serviteur de l'atelier d'Amon dans la Ville du Sud", c'est-à-dire Thèbes. Puis il rejoint l'équipe de la Tombe en devenant "Serviteur dans la place de Vérité". Mais il gardera toute sa vie son attachement à Karnak et à Amon et fera même inscrire sur son sarcophage : "carrier d'Amon à Ipet-Sout (Karnak)".

Pached est ainsi au service de la tombe royale sur la rive ouest et au service du temple de Karnak sur la rive est. Il connut une belle ascension sociale par son mariage et par son propre talent.

Tchay

Le père de l'épouse de Pached se nomme Tchay et qu'il est "chef de péniche d'Amon", c'est-à-dire qu'il commande un de ces gros bateaux de charge relevant de Karnak, sur lesquels on transporte depuis les carrières les pierres nécessaires aux constructions et aux embellissements des temples d'Amon.

Pached a t-il une ou deux tombes ?

Le nom de Pached était courant à Deir el-Médineh à cette époque, et c'est ainsi qu'on trouve trois tombes dont les propriétaire s'appellent ainsi : TT 292, TT 323, TT 326. Mais, à ce jour, il n'a pas été prouvé qu'il y en ait eu un qui ait possédé deux tombes. En particulier, l'attribution de la TT 326 au propriétaire de la TT 3 est peu probable, d'autant qu'aucun objet funéraire ne peut lui être attribué avec certitude, malgré ce qu'affirment certaines sources.

Plan de la tombe

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une légende pour les deux images

La tombe de Pached n'a d'abord été connue que par son caveau funéraire. Bernard Bruyère dégage sa superstructure lors de la campagne de fouilles 1924-1925 de l'IFAO, et découvre une tombe complète, sur le type des tombes à spéos de Deir el-Médineh. Etablie sur les ruines de tombes plus anciennes, elle est orientée selon un axe est-ouest, comme la plupart des tombes situées sur ce flanc de la montagne et à l'image de la course du soleil comme du parcours symbolique du défunt dans l'au-delà. L'axe général de la partie souterraine de la tombe présente toutefois une incurvation vers le sud pour une raison sans nul doute géologique.

Les superstructures de la tombe

La tombe se compose en surface d'une vaste cour en terrasse et d'une chapelle creusée à flanc de colline.

La cour

Elle s'étend en grande partie sur l'emplacement de , dont la chapelle située vers le sud a été respectée. La cour est vaste (60 m²), à peu près rectangulaire et alignée sur les points cardinaux. Il n'en reste que le mur ouest, adossé à la colline. Cet espace a peut-être été utilisé au cours d'un épisode du culte funéraire impliquant la présence d'un bassin, lié au chapitre 62 du Livre des Morts, "Boire de l'eau dans la nécropole."

La chapelle

Il n'en reste rien. D'une surface de 4 m², on y accédait par un couloir de 2,25 m de long, avec lequel elle formait un T. Comme toujours à Deir el-Medina, la chapelle était coiffée d'un pyramidion. Sans doute inachevée, elle semble curieusement n'avoir jamais été décorée, sauf un élément étonnant : sur la paroi nord du couloir, une esquisse en blanc sur fond gris montrait un homme debout sortant de la chapelle et adorant un dieu assis face à l'ouest, alors que les dieux font habituellement face à l'est en contexte funéraire (dessin de Bruyère, FIFAO 3.3).
Sur la paroi ouest de la chapelle se trouvait, à 60 cm du sol, une petite niche de 30 cm de côté.

Les infrastructures

Elles comprennent un puits funéraire couplé avec une descenderie, qui permettaient l'accès au caveau. Le puits, construit en belle maçonnerie de briques crues avec liant et crépi d'argile, a été partiellement restauré. De forme rectangulaire (1,60 m x 0, 65 m), il était profond de 3,90 m à l'est et de 5 m à l'ouest. Ses parois étaient percées de petits orifices carrés, servant d'échelons lors de l'enterrement. Creusé en dernier lieu, il était utilisé uniquement pour l'inhumation du défunt et le stockage de son mobilier funéraire. Le fond du puits aboutit dans la rampe d'accès antique, creusée pour les besoins des travaux. Cette descenderie était comblée après les funérailles.

Aujourd'hui, la descente vers le caveau funéraire se fait par une première volée de marches, modernes, creusées dans la roche depuis la cour (pached3_dm_2531). Le visiteur arrive ensuite, sans le savoir, dans la rampe antique à présent aménagée en escalier. Sur une longueur de 2,20 m, il traverse le puits d'est en ouest (pached3_dm_2535). La descente terminée, il se trouve dans une cavité naturelle de la roche, haute de 2,60 m où un passage plus bas est aménagé, qui accueillit en 1900 une porte métallique (pached3_dm_2536). Enfin, un premier tunnel voûté (1,27 m de long, 0,67 m de large) mène à une "antichambre".

L'antichambre est une sorte de vaste caverne (5 m x 3,4 m), à l'aspect grossier, aujourd'hui maçonnée pour des raisons de sécurité. Une autre descenderie est ébauchée dans la paroi nord et devait mener à une autre salle qui n'a même pas été commencée.

Décoration et inscriptions

⚠⚠ ============================= Nota les décors des tombes ramessides, surtout celles de Deir el-Médina, ont un certain nombre de points en commun qui permettent immédiatement de les identifier comme ramessides. Voir : Décor des tombes de la période ramesside. ⚠⚠ =============================

Le tunnel et le caveau de la TT3 possèdent un mur de briques, construit au contact de la cavité rocheuse. Le mur est couvert d'un crépi de boue séchée (mouna). On y pose un enduit blanc et brillant. L'enduit est le support de la couche picturale, à laquelle il procure une surface lisse, de la transparence et de la luminosité. Il fait aussi partie intégrante de la décoration : les parties blanches des figures sont simplement "non peintes", laissées en blanc (PSD pached_sb_34).

En entrant dans le caveau, on est immédiatement frappé par trois choses :

1- La conservation incroyable des couleurs et la polychromie

La première impression en entrant dans le caveau de Pached est l'exceptionnel état de conservation des parois, et un foisonnement de couleurs vives qu'on retrouve dans les autres caveaux polychromes de Deir el-Medina.

2 -Le "fond jaune"

Le jaune est la couleur prédominante. Pourquoi le jaune ?
À cette époque, les défunts fortunés emportent avec eux dans leur tombe un exemplaire du Livre des Morts (LdM) écrit sur papyrus. Les ouvriers de la tombe ne pouvaient pas se permettre ce luxe. Ils ont alors décidé que les parois de leurs caveaux seraient assimilées à des feuilles de papyrus pour servir de support au texte d'un immense Livre des Morts déroulé, dont le fond sera jaune. Les hiéroglyphes peints en noir se disposent en colonnes séparées par des traits verticaux. Dans la tombe de Pached, il existe deux tailles de signes - 5,5 cm et 9 cm -, les plus petits étant préférés pour copier les longs extraits du Livre des Morts

En premier lieu, les peintres tracent en rouge des esquisses servant de guides et destinées à être camouflées, puis ils posent la couleur sous forme d'à-plats. Le "fond" jaune est en fait peint autour et non pas en-dessous des figures. ces dernières sont composées de couleur et de zones laissées en blanc.

Les contours sont tracés en dernier lieu, pour terminer la figure. Les contours intérieurs et extérieurs sont en général noirs, mais ils peuvent être rouges (ici, le ventre et la gorge des faucons, le plissé des pagnes) ou blancs sur fond foncé (plumage sombre du faucon du tympan est, décoration des trônes des parois ouest et nord).
Des grilles pour la reproduction des figures ont peut-être été utilisées pour les compositions très géométriques de la tombe de Pached.

3 -Les inscriptions

Les textes ont donc envahi parois et plafonds. Peints en dernier, ils constituent l'élément essentiel du décor. Mais les scribes ne se valent pas. Le scribe de Pached possède son métier, habile à la fois sur papyrus et sur la paroi, mais trop pressé : l'écriture est hâtive et parfois négligente, avec des coulures de peinture noire. On voit des textes se terminer au milieu d'une phrase, par manque de place, ainsi que des erreurs de copie et des colonnes mal tracées.