LES SCENES FUNÉRAIRES DU MUR OUEST

Elles occupent l'extrémité nord de la paroi ouest. Dans cet espace, les prêtres ont concentré un ensemble de scènes significatives, dont certaines sont assez rares.

Il s'agit d'une procession funéraire, ponctuée par des arrêts pour des cérémonies rituelles où dans des chapelles d'offrande. Elle aboutit, au registre inférieur, à l'adoration d'Osiris par Paheri

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Les registres se lisent de la droite vers la gauche.

Mur ouest, extrémité nord : les rites funéraires

1) Le registre supérieur est consacré au halage de la momie

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Un couple de bœufs est attaché au traîneau par l'intermédiaire d'une longue corde nouée au niveau de leurs cornes. Un bouvier les stimule à l'aide d'un fouet. La corde est également tenue par deux paires de porteurs. Entre ceux-ci, un homme tient un brûle-parfums, tandis que trois autres hommes dessinent le signe ka de leurs bras levés.
Le texte dit, sur deux lignes : "Faire un bel enterrement pour le nomarque Paheri ; amener le nomarque Paheri, Juste de voix, vers sa tombe dans la nécropole, en paix (bis) auprès du grand dieu. Aller en paix vers l'horizon, vers le Champ des Roseaux, vers la Douat".

Le traîneau, recouvert d'un dai, emporte la momie de Paheri. Devant et derrière lui, deux pleureuses faisant un signe de deuil jouent le rôle d'Isis et Nephtys, qui veillent sur le défunt comme elles ont veillé leur frère Osiris.
Derrière vient le "lecteur en chef" qui tient en main un papyrus, et qui dit : "En paix (bis), devant le grand dieu !". Deux notables, la tête coiffée de grandes perruques et tenant (de la main gauche pour des raisons de pseudo perspective) de longs bâtons ferment la marche, avec ce texte : "Paroles dites par les suivants (de la procession) : Se diriger en paix (bis) vers sa tombe de l'Occident, recevoir des cadeaux parmi les Anciens, dans la suite du grand dieu".

2) Le registre inférieur

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Un prêtre tient un grand encensoir, accompagné d'un texte explicite : "Faire l'encensement".
Derrière lui, quatre hommes portent un coffret. Deux petites pleureuses sont représentées en dessous.

Viennent ensuite deux danseurs Mouou, qui accueillant le cortège devant un ensemble de petites chapelles de Basse Égypte (per-nou). Il s'agit d'édifices de plan carré, étroits et élevés, au toit bombé, dont les parois latérales se prolongent au dessus du toit. Les coffrets à shaouabtis du Nouvel Empire, destinés à contenir les vases canopes, adoptent volontiers cette forme. À noter la présence de deux palmiers flanquant une des chapelles.
Les danseurs Mouou peuvent prendre plusieurs aspects différents. C'est ici, chez Paheri, qu'on trouve pour la première fois cette représentation de deux danseurs sans couronne se faisant face. Leurs poignets, un doigt levé, se touchent presque (). Les deux rectangles situés au-dessous des chapelles restent difficiles à caractériser ().

Dans la scène suivante, un homme est tourné dans le sens opposé au cortège (). Il s'agit d'un officiant tenant en main un grand rouleau et qui accueille le cortège fluvial par les mots : "En paix auprès du grand dieu !". Trois prêtres tirent une barque sur laquelle se trouve un coffre haut contenant sans doute les vases canopes, gardé par deux représentations féminines coiffées d'une perruque tripartite devant lesquelles on peut lire "deret", "milan" : il s'agit donc d'Isis et de Nephtys.
Derrière, se dresse une structure rectangulaire couronnée d'une frise de khakérous, de signification obscure, devant laquelle se trouve ce court texte : "le prince Paheri" tandis que s'avance un prêtre lecteur, tenant un papyrus en main ().

3) Sur le troisième registre

Deux hommes avancent en tenant en main deux longues tiges de papyrus. Ils précèdent trois autres personnages qui tirent un traîneau sur lequel est figuré le mystérieux Tekenou sur la nature duquel on continue à discuter. "Vers l'Occident (bis) ! […]" proclament t-ils.
Derrière l'emblème du faucon perché, symbole de l'Occident, un bateau est représenté, probablement une navigation virtuelle si l'on considère la position de l'homme à l'aviron de poupe ().
Derrière, Paheri lui-même est agenouillé devant un autel du dieu Anubis, surmonté d'une frise de khakhérous (). Il effectue une libation d'eau en proclamant : "Arriver auprès d'Anubis, maître de (?) du dieu. Aborder en Abydos, par le nomarque Paheri".
Une barque termine la ligne, avec à son bord quatre hommes et deux pleureuses qui veillent sur le sarcophage ; celui-ci repose sur une base comportant pattes, tête et queue de lion ().

4) Le registre le plus bas

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a) - Osiris

Les scènes de funérailles se concluent par la représentation en majesté d'Osiris, assis sur son trône cubique bas, portant en main les deux instruments de son pouvoir : le sceptre Heqa et le fouet Nekhakha. Il est désigné comme "Osiris-khenty-imentyou, le grand dieu, maître de l'éternité". Il s'agit donc d'Osiris, Maître des Occidentaux (= les morts).
Devant lui se tient Paheri en position d'adoration, consacrant l'amoncellement d'offrandes accumulées devant le dieu (), et ce texte : "Le nomarque de Nekheb, Paheri, Juste de Voix, il dit : Salut à toi, dieu auguste, maître de la terre, grand dans le nôme de This, splendide en Abydos ! Je suis venu vers toi, mon dieu, en paix ! Donne-moi la paix ! Tes offrandes sont à toi. Écoute ma voix, je suis un de tes adorateurs".

b) - Derrière cette scène se trouvent deux sous-registres superposés

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Dans le demi-registre supérieur, deux hommes précédés d'un prêtre officiant tirent un traîneau très semblable à celui du registre supérieur, supportant cette fois le sarcophage ().
Ils se dirigent vers un jardin planté de palmiers et de sycomores qui entourent un bassin rectangulaire (). À noter la présence, très curieuse, au-dessus des palmiers, de ce qui semble être un jeu de damier, avec ses pions caractéristiques.
Puis viennent dix chapelles ayant la forme du per-nou déjà vu (). Trois sont ouvertes, contenant une divinité à tête de canidé et deux divinités anthropomorphes.

Dans le demi-registre inférieur, on retrouve tout d'abord un rectangle cloisonné, probable représentation d'un lieu où se tiennent deux des mystérieux danseurs Mouou, qui portent ici leur haute couronne caractéristique, faite de roseaux tressés ().
Viennent ensuite deux femmes agenouillées devant des bassins (?), qui font l'offrande de vases globulaires.
Derrière elles, on retrouve une représentation d'Osiris "le grand dieu", debout sous un édifice léger, tourné en sens inverse du premier ().
La représentation terminale montre un espace rectangulaire, coiffé d'une frise de khakérous. Il comporte quatre hommes sans bras se faisant face deux à deux (). La signification de cette scène reste problématique. Dans la , ils sont désignés comme "Dieux gardiens des grandes portes".

MUR EST

et
Il n'y a ici que deux scènes, qui semblent compléter les scènes de la partie centrale de la paroi ouest. Elles représentent des activités en intérieur alors que celles de l'autre paroi se déroulent en extérieur. La première est un grand banquet auquel participent de nombreux ancêtres, parents et amis. La seconde est une scène d'adoration accompagnée d'une longue inscription qui résume le programme funéraire de toute la tombe.

1) Partie nord

Mur est, extrémité nord

a) - Paheri et son épouse

Ils sont représentés en grande taille, assis sur des sièges bas dont les pieds ont la forme de pattes de lion. Ils reposent sur une natte ().
Paheri est vêtu d'un pagne, sa tête surmontée d'une perruque soigneusement détaillée. En main il tient un morceau d'étoffe replié. Autour de son cou s'étale un large collier Ouser.
Sa femme Henouterneheh l'enserre étroitement. Elle est vêtue d'une robe moulante de lin a bretelles qui laisse le sein dénudé. Elle porte sur la tête une perruque tripartite qu'enserre un bandeau. De ce dernier naissent deux fleurs de lotus, l'une ouverte, l'autre en bouton. Il s'agit d'un symbole de renaissance.
Sous son siège, une scène très vivante, comme les affectionnent les Égyptiens : un petit singe apprivoisé, attaché au fauteuil, est en train de manger un fruit qu'il prend dans un panier devant lui.

Devant les deux époux, ce qui reste d'une table d'offrandes probablement surchargée et en haut, le rectangle quadrillé appelé "pancarte" par les égyptologues () qui comporte une liste nominative des denrées et leurs quantités (un ou deux) : différentes sortes de pains et de gâteaux, du miel, du vin, des viandes…

L'inscription au-dessus des personnages proclame, en grands hiéroglyphes : "Le nomarque, le supérieur des prêtres de la déesse Nekhbet, celui qui satisfait excellemment son maître, le scribe Paheri, Juste de Voix. Son épouse qu'il aime, dans la place de son coeur, la maîtresse de maison Henouterneheh, Juste de voix."

b) - L'officiant qui présente les offrandes

En principe, il s'agit du fils aîné de Paheri, Amenmes (). Il porte la peau de panthère caractéristique du Prêtre-Sem dont il remplit la fonction. Il dit : "Pour vos kas, une offrande funéraire. Elle est pure !". La formule est reprise dans une courte inscription devant le couple : "Prendre part au repas de toutes bonnes choses pures". Entre le fils et ses parents devait se dresser une grande table chargée d'offrandes diverses ; cet endroit a été démoli pour l'ajout, bien plus tardif, de nouvelles pièces.

c) - Le registre inférieur

La cohorte de serviteurs, apportant des produits divers, est en grande partie mutilée par le creusement de la chambre annexe. Ces produits sont consignés par le scribe Paheri, frère du défunt. Derrière celui-ci se trouvent des aides ; vient d'abord Irhatsen (ou) qui porte un rouleau de papyrus et dans le dos un objet inconnu. Il est suivi de Teti qui porte les sandales du scribe. Derrière lui, le "suivant qu'il aime dans la place de son cœur, Khaout" porte son bâton et son tabouret. Il est suivi par "celui qu'il aime dans la place de son cœur, Ipou".

2) Partie médiane

Derrière Amenmes, les invités au banquet qui font eux aussi face à Paheri et son épouse.

a) - En bonne place, deux couples superposés représentés en taille intermédiaire

().

En haut, le prestigieux grand-père maternel de Paheri, "le chef des marins, Ahmes, fils d'Abana, Juste de Voix auprès du grand dieu" et son épouse Ipout. Sous son siège, un chien attaché, entièrement martelé.

En dessous, nous trouvons le couple formé par le père de Paheri, Atefroura et par son épouse Kem.
Ces deux couples sont représentés de manière solennelle, sur le même mode que Paheri et Henouterneheh eux-mêmes : grande perruque, bracelets et colliers Ousekh pour les hommes ; longues robes moulantes découvrant le sein pour les femmes. Tous deux sont assis devant une table d'offrande bien garnie de viandes, pains et légumes.

b) - Les autres invités au banquet, de moindre condition

Ils sont représentés sur quatre niveaux : les hommes sur les deux rangs supérieurs, les femmes sur les deux rangs inférieurs. Ils sont vêtus de manière identique, mais sans bracelets. Tous portent sur la tête un "cône d'onguent", dont on pense qu'il n'était pas vraiment porté mais utilisé comme symbole pour désigner les parfums et onguents distribués aux invités (N. Cherpion).
Ils tiennent en main pour la plupart une fleur de lotus ouverte vers le visage, symbole de renaissance. Certains ont voulu y voir aussi une représentation d'une substance hallucinogène qui, couplée au vin, aurait permis aux participants de se mettre dans un état considéré comme propice à la communication avec le monde des dieux. Cependant les analyses chimiques n'ont jamais retrouvé d'agent stupéfiant dans les fleurs de lotus. Il s'agit d'un bien curieux banquet, où personne ne mange mais où on consomme du vin et probablement des psychotropes, afin de se mettre dans un état second. Lise Manniche a insisté sur le caractère symbolique de ces scènes.

c) - Les relations de parenté

Elles sont indiquées à côté de chaque personnage, et le rattachent en général à Paheri lui-même : "son frère" (avec toute l'ambiguité qui entoure le mot "sen", qui peut aussi signifier le beau-frère, l'oncle, le cousin, voire l'élève) ; "le fils de la sœur de sa grand-mère", etc… mais dans les deux rangs inférieurs des parents de Kem sont nommés : "son fils", "sa fille"…

Les deux rangs des hommes

Dans le rang supérieur, le premier personnage, Herary, est frère de Paheri. Un serviteur lui offre une coupe à boire en métal (). Derrière lui, Teti, cousin au second degré de Paheri, "courtisan". Le troisième personnage est un oncle "frère de sa mère", Meky (). Celui ci refuse la coupe que lui tend le serviteur, lequel insiste et lui déclare : "commande-moi quelque chose et je te laisserai seul".

Le second rang comporte des frères de Paheri : Iahmes, Pamiou… Des serviteurs disposent le cône d'onguent ou le parfum sur leurs têtes.

Les deux rangs de femmes

Tout d'abord, on trouve trois filles de Kem. La troisième, Amensatet, probablement déjà éméchée, refuse la coupe tendue par le serviteur qui insiste : "Pour ton ka ! Bois jusqu'à l'ivresse ! Fais un jour heureux ! Ô, écoute ce que te dit ton compagnon, ne soit pas angoissée pour prendre (?) " (). Son compagnon et cousin distant Noub-mehy dit au serviteur : "Donne-moi dix-huit coupes de vin ! Voyez, je dois aimer (boire) jusqu'à l'ivresse. Mon intérieur est aussi sec que de la paille !".

Les musiciens

Au quatrième rang sont représentés les musiciens qui accompagnent le banquet () : harpiste, flûtiste, danseuse tenant deux morceaux de bois qu'elle devait faire claquer l'un contre l'autre, et des chanteuses qui rythmaient la mélopée en claquant des mains.

3) partie sud

Mur est, extrémité sud :
consécration d'offrandes pour les dieux

Elle comporte une représentation en grande taille de Paheri et Henouterneheh faisant offrande aux dieux ().

Paheri est à l'avant, debout, jambe gauche en avant. Il tient en main deux encensoirs avec lesquels il consacre les nombreuses offrandes représentées devant lui.

Derrière Henouterneheh, trois de leurs enfants sont représentés à plus petite échelle. En haut, "sa fille aînée, qu'il aime, Tadytes", au milieu, " son fils, qu'il aime, Amenmes". En bas, "son fils, Rahetep". Les deux premiers sont les plus âgés des enfants survivants.

L'inscription devant Paheri est tracée en grands hiéroglyphes () : "Reposer en paix dans la montagne de l'ouest. Sortir sur la terre pour voir le disque solaire. Ouvrir les chemins pour l'esprit (Akh) parfait qui est dans la nécropole. Qu'il lui soit donné de sortir, d'aller comme un Ba (improprement rendu par âme) vivant. Que lui soient données des offrandes, (à lui) qui est dans le monde inférieur (la Douat). Présenter toutes bonnes choses pures à Ra-Horakhty (litt : Ra-des-deux-horizons), à Nekhbet, déesse du ciel, à Hathor maîtresse de sa montagne, à Osiris, le grand Dieu, à Anubis, maître de la nécropole. Qu'ils donnent de respirer le doux souffle du vent du nord".
Et cela est dit "Pour le nomarque de Nekheb, Paheri, Juste de voix, (pour) son épouse, son aimée dans la place de son cœur, la maîtresse de maison Henouterneheh, Juste de voix.".

Les offrandes sont diverses. On peut remarquer en haut sept récipients pour les sept huiles sacrées rituelles. Ces huiles sont celles utilisées dans le rituel de l'ouverture de la bouche et des yeux pratiqué sur la momie avant sa descente au caveau.

Derrière les offrandes, quatre musiciennes agitent des sistres à têtes Hathoriques. Le bruit de crécelle qu'elles émettent est sensé reproduire le froissement des papyrus et attirer la déesse Hathor, afin qu'elle accueille le défunt en son sein, lui permettant ainsi de se régénérer. Elles tiennent également en main le collier Menat, autre symbole hathorique. Un probable prêtre de Nekhbet tend une tige de lotus, mais la scène est très abîmée.

En dessous, le registre inférieur termine les scènes de banquet ().
Les bouchers dépècent deux bœufs. Le morceau de choix, la patte avant droite (khepesh) est apporté aux convives. Outre son rôle nutritif, le khepesh avait également un rôle dans la cérémonie d'ouverture de la bouche et des yeux. Des côtes de l'animal sont également représentées.
En sus de la viande sont apportés des boissons, une oie vivante, des pains et des fleurs, par un oncle par mariage du défunt, par "le gardien Sennefer" et par "le jardinier Ouhemou".