TT 148, la tombe d'Amenemope

La tombe du Troisième Prophète d'Amon Amenemope se trouve sur le versant nord de Dra Abou el-Naga, une zone où la roche est de mauvaise qualité, avec de nombreuses fissures ; l'une d'entre elles est si large qu'elle a fait donner le surnom de "Porte de la fissure" à la tombe. Malgré cela, la situation du lieu était appréciée par les fonctionnaires qui travaillaient dans le temple d'Amon ou pour ses domaines, car la vue est imprenable sur les pylônes du grand temple de Karnak, de l'autre côté du Nil ().
Amenemope est un puissant personnage, ce dont témoigne la taille de sa sépulture (et celle de son père, Tjanefer), descendant d'Ousermontou, un vizir de Toutankhamon ainsi que de pontifes d'Amon, auxquels il est également lié par le mariage.

Nous allons malheureusement rencontrer souvent les expressions "presque tout a disparu" ou "les blocs ont été enlevés", etc. car la plus grande partie du décor est perdue. L'intérêt et la qualité de ce qui persiste dans cette sépulture historiquement importante justifient néanmoins sa présentation sur OsirisNet.

La tombe d'Amenemope date de la XXe dynastie (1186 - 1069 av. J.-C.), avec mention des pharaons Ramsès III, Ramsès IV et Ramsès V. C'est donc sous ce dernier que le décor a été réalisé ou achevé.
Au cours du Nouvel Empire, l'espace de la tombe est devenu un lieu "sacré", et la sépulture privée s'est transformée en un temple privé où le défunt pouvait adorer les dieux pour l'éternité. Ceci est particulièrement net pour cette dynastie et la tombe TT148 en est une bonne illustration.

La mauvaise qualité de la pierre n'a pas découragé les utilisateurs successifs, puisque la cour a été aménagée par dessus des tombes, qui surmontaient elles-mêmes d'autres sépultures de type Saff de la XVIIIe dynastie.
Outre la situation par rapport au grand temple d'Amon, la colline de (Louxor, rive ouest) est le point de départ de la procession de la Grande Fête de la Vallée () ; c'est aussi là que furent enterrés les rois thébains de la XVIIe dynastie et, peut-être, le roi Aménophis I et sa mère la reine Ahmès-Néfertari. Un lieu prestigieux, donc.

La tombe a été habitée pendant très longtemps, ce qui a considérablement nui à la décoration, notamment dans la salle longitudinale, mais les débris accumulés le long de la partie basse des murs ont parfois contribué à les protéger.
Le premier Européen à s'être intéressé à la tombe est Lord Belmore, en 1817, suivi de James Burton en 1825, puis Rosellini en 1829. Le premier relevé d'inscriptions est celui de Heinrich Abeken, membre de l'expédition Lepsius en 1844. Au début du XXe siècle, Gardiner et Weigall signalent qu'une porte en fer a été installée entre 1910 et 1911. La première publication de quelque importance est due à Gaballa et Kitchen, en 1981, mais le relevé complet de la tombe est dû à Boyo Ockinga, et a fait l'objet, en 2009, de la publication qui a guidé notre présentation.

Amenemope :" Troisième Prophète d'Amon " ; "Grand des Voyants de Rê à Thèbes" ; "Grand Prêtre de Mout de l'Icherou" est un personnage connu de la XXe dynastie. Il apparait dans la tombe TT 158 de son père Tjanefer, qui l'a précédé dans sa fonction, avec le titre de "Père Divin", ainsi que dans une inscription de l'an 3 de Ramsès IV à Karnak. TT 148 reste néanmoins notre principale source d'information sur le personnage.

Épouses :Tamerit "Supérieure de la troupe musicale d'Amon" et Tamit "Chanteuse d'Amon"

Grands-parents paternels : Amenhotep, "Prophète d'Amon" et Henoutmete (r), "Supérieure de la troupe musicale d'Amon".

Parents : Tjanefer, " Troisième Prophète d'Amon " ; "Grand des Voyants de Rê à Thèbes" ; "Premier Prophète de Mout" et Nefertary, "Supérieure de la troupe musicale d'Amon".

Beaux-parents, du côté de Tamerit :Ramsesnakht, "Grand Prêtre d'Amon" et Adjedtat, "Supérieure de la troupe musicale d'Amon"

Beaux-parents du côté de Tamit : Siese, "Grand Prêtre d'Onouris à Thinis" et Tayouenesh, "Supérieure de la troupe musicale d'Onouris"

Enfants : Ousermaaatrenakht, "Premier prophète de Mout à Karnak" et Moutemeouia, "Supérieure de la troupe musicale de Mout"

Frères : Amenhotep, "Quatrième prophète d'Amon" ; Ousermontou, "Prêtre-Sem dans le temple de Nebmaatrê (Amenhotep III) " ; Amenemone, "Père Divin d'Amon dans Karnak" ; Bakenkhonsou, "Supérieur du bétail des autels d'Amon" ; Penparê, "Père Divin d'Amon dans Karnak".

Sœurs : Ta (henout) pameter, "Supérieure de la troupe musicale de Montou", épouse de Djehoutyhotep ; Henouttaouy, "Chanteuse d'Amon", épouse de Bakenkhonsou.

Beaux-frères : Djehoutyhotep, "Premier prophète de Montou à Ermant", mari de Ta (henout) pameter.
Bakenkhonsou, "Collecteur principal des impôts et supérieur du bétail du château d'Ousermaatrê-Meryamon (Ramsès III) ".

Oncles et tantes : Amenemope, "Père Divin et supérieur du bétail de l'autel d'Amon", époux de Sekhmet "Chanteuse d'Amon" à Karnak ; Baketamon, "Chanteuse d'Amon" ; Sherytrê, "Chanteuse d'Amon" ; Houtiay, "Supérieure de la troupe musicale d'Amon", épouse de To ; Taynedjemet, "Chanteuse d'Amon", épouse de Nebsoumenou, "Maître des écuries de la Résidence, Intendant du domaine de Khonsou".
Enfin signalons un oncle maternel, Amenmose, "Père Divin d'Amon, Collecteur en chef des impôts et Maire de Thèbes".

La tombe est précédée par une cour. Elle présente un axe sud-est / nord-ouest, mais comme il est de coutume, nous considérerons que l'axe central est orienté symboliquement, c'est-à-dire est-ouest, rejoignant en cela les scribes antiques.
La tombe présente un plan en "T", avec une salle transversale divisée en deux ailes nord et sud, puis un petit couloir, qui s'ouvre à la partie médiane du mur ouest, conduit à la salle longitudinale, qui se termine par une ouverture menant à une chapelle. Au bout de la salle longitudinale s'ouvrent deux passages donnant accès à des chambres funéraires souterraines, un au nord donnant sur une chambre unique et un plus important au sud, qui dessert plusieurs chambres. Un passage secondaire conduit de la chapelle dans le passage principal.

La tombe TT 148 est une des rares de la XXe dynastie a avoir été décorée en reliefs peints et pas simplement en peintures. Nous l'avons dit, la roche est de mauvaise qualité, ce qui a nécessité l'adjonction de blocs de parement en pierre (ils ont disparu) et l'usage d'une abondante quantité de plâtre, formant une couche épaisse dans laquelle les reliefs ont été sculptés après séchage de l'enduit. La peinture ne suit pas toujours les contours du relief () et il existe de nombreuses maladresses et salissures, notamment dans certaines zones difficiles à atteindre. Néanmoins, la qualité d'ensemble du travail reste de haut niveau.
Le fond des murs est blanc et, vu la taille de la porte d'entrée et celle de la salle transversale, le visiteur devait avoir une impression de luminosité en entrant. Les couleurs utilisées dans le décor sont le blanc, le noir, le rouge, le jaune, le vert et le bleu, ainsi que leurs variantes. Elles furent employées avec adresse et discipline et indiquent un véritable sens esthétique chez les concepteurs.

De nombreuses zones fissurées et des crevasses, parfois très larges, ont été bouchées à l'aide de blocs de grès, tandis que de grands blocs de calcaire ont été utilisés pour les fondations des deux pylônes de la cour. Ces blocs sont des réemplois en provenance de temples royaux. Les plus anciens cartouches trouvés sont ceux de Thoutmosis I et II, mais il y a surtout plusieurs blocs au nom d'Hatchepsout, qui viennent probablement du Temple de la Vallée de la reine (situé à l'Est de Deir el-Bahari). On sait que Ramsès IV a fait construire à proximité au moins un temple, en utilisant lui aussi ces blocs. Le responsable du chantier était le grand prêtre d'Amon Ramsèsnakht, mais il y a toutes les chances que le troisième prophète d'Amon Amenemope ait également supervisé les travaux et prélevé là les blocs nécessaires à sa propre sépulture.

Mesurant 14 × 12,90m, elle a été excavée dans la roche du gebel qui comportait de larges fissures, bouchées dans l'antiquité. Son côté ouest est représenté par la façade, les côtés nord et sud par le gebel, et le côté est par un pylône.
Le pylône comporte deux môles, constitués par une base rocheuse, réservée lors du creusement de la cour et de l'avant-cour, et une partie construite à l'aide de matériaux divers ; leur taille est estimée à 3,45m de large et 2,45m d'épaisseur, la hauteur reste hypothétique (). Une porte fermait l'accès à la cour.
Les murs étaient chemisés, mais on ignore avec quelle sorte de blocs.

Il a été taillé dans le flanc de la falaise. Son extrémité sud (gauche) est très abimée, avec une large fissure communiquant avec la branche sud de la salle transverse ; des travaux de restauration ont été réalisés, comme on le voit sur la photo ci-contre (flêche rouge). Immédiatement à gauche de l'entrée, on trouve sur le mur une excroissance de 1,65 × 0,96m, qui aurait pu servir pour une stèle (photo ci-contre, flêche bleue).
Le côté nord est mieux préservé, et on peut y distinguer les maigres restes d'un texte gravé dans un morceau de plâtre. Des fragments épars du décor ont été retrouvés, notamment une représentation d'Anubis provenant d'un linteau ().
On remarque, à 3,50m de hauteur, une fente linéaire de 10cm de haut destinée aux dalles recouvrant une colonnade courant tout le long de la façade, et peut-être le long des autres murs (photo ci-contre, flêche verte). Une base de colonne ronde a été trouvée à 2,24m du mur de façade, en regard du côté gauche de l'entrée, et une seconde de section carrée du côté nord-est.

Il n'en persiste de nos jours que les contours, avec l'emplacement pour des jambages, un linteau, et des aménagements pour une porte à un battant, s'ouvrant vers le sud (). Elle mesure 3 × 1,20m pour une profondeur de 0,67m. Il y avait certainement un décor sur les parois, mais il a presque complètement disparu. Sur l'embrasure sud persistent neuf lignes fragmentaires d'un hymne solaire faisant référence plusieurs fois à la barque du soleil, au voyage du dieu dans le ciel et au triomphe sur Apophis.