L'ENTRÉE DE LA TOMBE

On peut encore lire les titres du défunt sur les jambages latéraux extérieurs (, ). Dans l'épaisseur de la paroi du côté gauche, nous trouvons Benia en adoration, tourné vers l'extérieur, récitant un hymne à Amon . Il est pieds nus, porte une perruque et deux pagnes superposés. Le titre de "Enfant du Kap" est répété à de nombreuses reprises, tout comme son nom de cour, Pahekamen, traduisant l'importance qu'avaient pour lui ce titre et ce nom, symboles de son intégration dans la société égyptienne.
Remarquons que l'hymne n'est pas comme habituellement dans les tombes privées de Thèbes destiné à Rê ou Rê-Horakhty, le soleil auquel le défunt demandait à être associé dans son périple cosmique quotidien. Cependant, nous ne savons rien de la représentation qui se trouvait sur la paroi opposée : peut-être (et même probablement) cette invocation au dieu solaire se trouvait-elle là.

LA SALLE TRANSVERSALE

La salle mesure un peu plus de 7m au total, sur une largeur de 2m, avec un plafond à 2,50m. Elle est divisée en deux parties, nord et sud, par l'entrée sur le mur est et, juste en face, par l'ouverture conduisant à la salle longitudinale sur le mur ouest.

Mur est

()

1) - Côté nord

À droite, à côté de l'entrée
Benia présente deux braseros sur lesquels des canards sont en train de rôtir pour le dieu. Devant lui, des offrandes sont accumulées sur des nattes.
Sur la natte du bas, des laitues romaines alternent avec des guéridons sur lesquels se trouvent des canards et, au-dessus, des pains et des côtes de boeuf ; sur la natte médiane on retrouve des pains, un cuisseau de boeuf, une grande botte d'oignons et des fruits dans des paniers ; enfin sur la natte du haut s'alignent six élégants pots d'onguents alternant avec des fleurs de lotus.

Dans la zone médiane ()
Neuf porteurs d'offrandes occupent trois sous-registres ; six sont tournés vers la droite et sont donc à rattacher à Benia debout, tandis que les trois autres, tournés vers la gauche, alimentent la table d'offrandes de Benia assis à gauche (, , ).

À gauche, près du mur ouest

Benia est assis devant une autre table d'offrandes, une main tendue vers celle-ci, l'autre repliée sur la poitrine serrant un tissu plié. Devant le défunt, aussi grande et même un peu plus que les trois registres de serviteurs, se trouve une table d'offrandes surchargée : pains, viandes, paniers de fruits, canards, bottes d'oignons.
Au sommet, une composition où l'artiste a mêlé des fleurs de lotus avec un panier de fruits jaunes (), tente de manière dérisoire de rappeler l'image symbolique du soleil qui se lève entre les deux collines de l'horizon, comme dans le hiéroglyphe Gardiner N 27
Sous la table on trouve de hautes laitues (variante romaine) ainsi que des jarres rougeâtres contenant sans doute du vin.

2) - Côté sud

La paroi comporte deux scènes de taille inégale. La première, qui occupe environ 1/3 de la surface, montre Benia devant une table d'offrandes ; la seconde montre certaines activités profanes du défunt.

a) - Le premier tableau, à côté de l'entrée

()

La représentation est quasiment symétrique de celle de l'autre côté. Benia, dont la moitié supérieure du corps a disparu, lève les bras devant un amoncellement d'offrandes posées à terre sur des nattes avec au sommet quatre vases séparés par des tiges de lotus. On remarque les martelages du texte par les Atonistes.

b) - Le second tableau

Il s'agit de la seule scène de la tombe n'ayant pas un caractère funéraire. Guksch, dans sa description princeps de la chapelle, pense que c'est "en raison de la monotonie de la vie qu'il menait", ce qui semble une explication quand même un peu faible…
Benia, dos à dos avec sa représentation dans la scène précédente, surveille l'entrée dans les bâtiments du Trésor des produits de luxe qui sont sous sa responsabilité. Il tient dans sa main gauche une canne à extrémité bifide, symbole de son autorité, tandis que sa main droite serre une pièce de tissu repliée ().
Devant lui se trouvent trois registres consacrés à des produits de luxe :

Registre supérieur ()
Trois serviteurs apportent des paniers contenant des pierres semi-précieuses : lapis lazzuli (bleu foncé), turquoise ou malachite (bleu clair). Les biens précieux sont déposés devant Benia : de l'ébène, des défenses d'éléphant, des anneaux d'or (jaunes) et d'argent (blancs) et deux coffres en bois.

Registre médian

Deux hommes apportent un coffre, un second se trouve à leurs pieds ; sans doute servent-ils à ranger certaines denrées précieuses. Un troisième homme apporte des anneaux d'or ().
Devant Benia, un personnage agenouillé procède à la pesée de l'or () : il s'agit de vérifier que les quantités de métal brut et travaillé soient identiques !

Registre inférieur
Le registre du bas montre deux scribes qui notent tout (), tandis que derrière-eux s'avancent deux porteurs de paniers de pierres semi-précieuses.

Mur sud

Il est occupé par une fausse porte surmontée d'une corniche, encadrée sur chacun des deux côtés par trois images de Benia agenouillé présentant des offrandes diverses, surtout du pain et de la bière.
Représentations du côté gauche : , , .
Représentations du côté droit : , , .

À la différence de la stèle du mur nord et des fausse-portes de la plupart des autres tombes thébaines, celle-ci a été sculptée directement dans la paroi. Ensuite elle a été peinte en rose moucheté pour imiter le granit, un matériau onéreux et difficile à travailler, parfois utilisé pour la confection de véritables fausse-portes.
La petite bande verticale centrale représente l'ouverture, le point de contact avec le monde de l'au-delà. C'est de là que le Ka de Benia est censé sortir à l'appel d'un récitant pour profiter des offrandes. Comme la porte d'une habitation elle est surmontée d'une natte roulée qui forme un petit bourrelet, une représentation classique depuis l'Ancien Empire.

Les inscriptions de la stèle sont disposées en six colonnes formant trois paires.
Les textes commencent au milieu des trois montants horizontaux et se continuent d'abord horizontalement puis vers le bas ; ils sont écrits de droite à gauche du côté gauche et inversement du côté droit. Sur le panneau supérieur, nous trouvons, courant donc dans les deux sens : "Une offrande que donne le roi à Osiris…", quasiment symétrique. Le montant central à gauche puis verticalement : "Le bienheureux auprès d'Amset (et) d'Osiris, l'enfant du Kap, le supérieur des travaux, Benia dit Pahekamen, Juste de voix". La partie droite est identique, mais Amset est remplacé par Hapy.
Le montant le plus interne reprend également la formulation, mais il n'y avait pas la place de mettre le titre "supérieur des travaux" ; Douamoutef est cité à gauche et Qebsenouef à droite : ainsi sont invoqués les .
Au pied de la fausse-porte s'ouvre le puits funéraire.

Mur nord

Son organisation générale rappelle celle de la paroi sud où se trouve la fausse-porte. Ici Benia a choisi de faire peindre une stèle à fond jaune, avec un cintre blanc (). Elle est entourée de chaque côté par trois images le représentant agenouillé, en train de présenter des offrandes.
Représentations du côté droit : , , .
Représentations du côté gauche : , , .

Lorsque le propriétaire avait les moyens de faire graver une vraie stèle, celle-ci était généralement placée à l'extérieur de la chapelle, à proximité de l'entrée. On y trouvait inscrit des hymnes et souvent une adresse directe aux visiteurs, leur demandant de prononcer à haute voix le nom du propriétaire, et de réciter la formule d'offrande ou de réaliser une petite libation. Elle promettait en contrepartie une récompense au bienfaiteur : longue vie, nombreux enfants, … parfois aussi elles menaçaient ceux qui oseraient s'attaquer au monument.

Mur ouest

1) - Partie sud

Elle est occupée par deux tableaux de tailles sensiblement identiques, séparés par un trait vertical, mais qui appartiennent à une seule et même scène.

a) - Tableau de droite

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Benia est assis sur un siège à dossier, aux pieds léonins. Ses pieds sont posés sur un repose-pieds. Il est vêtu d'un pagne doublé d'une jupe longue transparente et d'une tunique à bord supérieur frangé qui ne couvre que l'épaule gauche. Il tient toujours en main sa canne et une pièce d'étoffe pliée.
Devant lui des offrandes alimentaires sont empilées sur des nattes, tandis que sur un guéridon des tranches de pain sont disposées verticalement, un type de représentation qui rappelle l'Ancien Empire. De l'autre côté de la table, un homme - qui aurait dû être le fils du défunt - présente ces offrandes. Le texte qui l'accompagne est une formule d'offrande invocatoire banale.

b) - Tableau de gauche

Séparé du précédent par un trait vertical, il est consacré au banquet funéraire, une scène fréquente à l'époque. Il est divisé en deux registres de hauteurs différentes.

  • Registre supérieur

    Partie gauche
    Les parents de Benia sont assis côte à côte et l'épouse enlace les épaules de son mari. Sous le siège de sa mère se trouve un miroir à manche papyriforme. Le nom égyptien du miroir est 'ankh', le même qui sert à désigner la vie. Ainsi, le miroir doit être compris non seulement comme un instrument de toilette, mais aussi comme un puissant symbole : c'est un "donneur de vie". L'identité des personnages est fournie par le texte qui les surplombe: "Son père bien aimé, Irtenena, Juste de voix et sa mère bien-aimée Tiroukak, Juste de voix".
    Devant le couple se trouve une accumulation d'offrandes sur une natte et de pains sur un guéridon au pied duquel se trouvent des jarres de vin et des laitues.

    Partie droite

    Elle est divisée en deux sous-registres consacrés à la musique. Tous les participants sont des hommes.
    Le sous-registre du haut comporte un flûtiste, suivi de trois personnages qui battent des mains (). Ces derniers ont un rôle important dans la musique égyptienne en remplaçant les percussions et en donnant également le rythme aux autres musiciens.
    Le sous-registre du bas comporte un harpiste et un luthiste. Il n'y a pas de texte d'accompagnement du type "chant du harpiste".

  • Registre inférieur ()
    Les invités au banquet funéraire sont représentés par cinq hommes anonymes assis sur des tabourets. Leur statut par rapport au défunt est représenté par leur taille : ils sont plus grands que les serviteurs, mais moins que les parents de Benia, qui comptaient beaucoup plus pour lui.
    Devant eux, un serviteur dépose des offrandes sur une table basse en bois à trois pieds.

    2) - Partie nord

    a) - Benia

    Il supervise l'apport d'offrandes pour sa tombe. La représentation du défunt est quasiment symétrique de celle de la partie sud, nous n'y revenons pas ().
    Ce genre de scènes se trouve habituellement sur le mur est, le mur ouest étant habituellement réservé à des scènes funéraires. Manque de place sur le mur est ? Volonté du défunt d'assurer, de "sacraliser" son statut d'ici-bas pour le retrouver dans l'au-delà? Nous ne le saurons jamais.

    b) - Les porteurs d'offrandes

    Ils se répartissent sur trois registres. L'homme qui marche en tête est toujours vêtu d'une tunique à manches qui descend à mi-mollet, tandis que les autres porteurs n'ont qu'un simple pagne.

    Registre supérieur
    Deux boeufs de taille et d'espèce différentes sont tenus par des cordes. L'animal noir appartient à une espèce à bosse, peut-être un zébu (). Derrière l'animal à pelage blanc et roux, un porteur tient deux plats en argile scellés l'un sur l'autre par de la cire blanche (). Dans la tombe de Rekhmirê, à peine plus tardive, ces plats contiennent du miel.

    Registre médian
    Le chef de file apporte une tige de lotus entourée de liserons () ; il est suivi par deux hommes qui portent de hauts vases avec un bouchon blanc par l'intermédiaire d'une palanche (). Toujours à l'aide de palanches, sont apportés des fleurs, des chapelets de canards et des poissons (). La présence de poissons est rare dans les scènes d'offrandes, sans doute parce qu'il s'agit d'un aliment peu prestigieux. Notons qu'un Tilapia a été mis bien en évidence () : ce poisson a non seulement un rôle alimentaire, mais aussi symbolique ().

    Registre inférieur
    La procession des porteurs se poursuit (). Elle aboutit à un empilement de denrées sur des nattes. On remarquera la présence d'une petite troupe d'oies vivantes (). Les peintres aimaient représenter ces scènes animalières qu'ils ont souvent rendues avec un grand souci du détail : proches de la nature, ils en connaissaient les variations les plus subtiles.