La tombe TT 45 a été taillée à l'époque d'Amenhotep II (1427-1400 avant J.-C.) pour Djehouty, un fonctionnaire de rang assez modeste. Quelque deux siècles plus tard, vers la fin du règne de Ramsès II (1279-1213 avant J.-C.), un nouvel occupant, Djehoutyemheb, prend possession des lieux (Kampp situe la réutilisation un peu plus tard, au cours de la XXe dynastie). Il s'agit d'une récupération légale et le nouvel occupant respecte de nombreuses inscriptions et vignettes de son prédécesseur ; c'est probablement lui qui creuse la plus grande partie de la salle longitudinale. Cette double occupation permet une intéressante comparaison entre les techniques et les thèmes en vogue à l'époque ramesside (et leur médiocre qualité d’exécution) et ceux de la première partie de la XVIIIe dynastie.

DÉcouverte, localisation de la tombe et gÉnÉralitÉs sur le dÉcor

La tombe fut découverte par Mond durant la saison 1903-04. Il la nettoya, puis publia la plupart des textes. Quelques années plus tard, Norman de Garies Davies reprit l'étude du monument qui, dans l'intervalle, avait subi l'assaut de pilleurs. Sa femme Nina se chargea de peindre les scènes pariétales avec plus ou moins de bonheur.
La tombe TT45 se trouve au pied de la colline de Cheikh Abd el-Gournah (), un peu au sud de la tombe bien connue (ouverte au public) de Khaemhat, TT57. Magnétiquement, elle est quasiment orientée nord-sud, mais la décoration rétablit l'orientation est-ouest symbolique () ; c'est cette orientation symbolique que nous suivrons dans la description des parois.

Elle présente un plan en T, classique pour l'époque, mais est restée inachevée, tant au niveau du creusement de la salle longitudinale que dans la décoration de la salle transversale, la seule a avoir été peinte. Les décors de la première phase d'occupation par Djehouty sont limités à la partie droite (nord) de cette salle, et n'étaient parfois qu'esquissés, le propriétaire suivant se contentant de les achever à la mode ramesside. Dans la second phase, à l'époque ramesside, ce sont toutes les surfaces restantes qui sont décorées, et des ajouts et commentaires qui complètent ce qui préexistait.

Les deux propriÉtaires successifs

Djehoutyemheb a "récupéré" pour son usage le monument funéraire initialement réalisé pour Djehouty environ deux siècles plus tôt ; le mot "usurpé" n'est pas vraiment approprié et il faut lui préférer celui de réoccupation (légale). Aucun lien familial n'unissant les deux personnages, on peut supposer que, outre leurs noms en relation avec le dieu Thot, c'est leur fonction de responsables des étoffes dans le temple d'Amon qui fournit la raison (et peut-être la légitimation) pour le réemploi du tombeau. Signalons qu'à proximité de la TT45 se trouve la tombe TT133 de Neferrenpet qui était lui aussi chef des tisserands dans le Ramesseum.

1) - Djehouty

Ses titres les plus complets sont fournis par un cône funéraire :  "Scribe de la table d'offrande de Mery, Grand Prêtre d'Amon ; Supérieur de tous les tisserands d'Amon ; Intendant de la maison de Mery, Grand Prêtre d'Amon". Mery est le propriétaire de la tombe TT 95.
Sa mère porte le même nom que lui, Djehouty, une habitude fréquente à la période thoutmoside, comme pour d'autres noms théophores. Sont nommés aussi trois fils, Panakhtenopet, Ouserhatnakht, Ounnefer et trois petits-fils, Amenemopetnakht, Panebenopet et Souti dit Khensniouaâ ; par contre, il n'est fait aucune allusion à son épouse.

2) - Djehoutyemheb

Djehoutyemheb, n’établit aucune filiation en ligne directe entre lui et son prédécesseur ; il est d'ailleurs invraisemblable qu’entre les deux propriétaires il y ait un rapport généalogique vérifiable, puisque huit générations les séparent. Djehoutyemheb n'a pas non plus introduit de formule de filiation fonctionnelle, comme l'a fait Senemiah dans sa .
Djehoutyemheb s'occupe lui aussi des ateliers de tissage, puisqu'il est "Supérieur des tisserands du temple d'Amon et plus précisément "supérieur des tisseurs de lin fin du temple d'Amon".

Le père de Djehoutyemheb, Ounnefer, était lui aussi supérieur des tisseurs du temple d'Amon.
Sa mère se nomme Isis. Son épouse, Bakkhonsou, était "chanteuse de la triade thébaine" (la triade thébaine est formée du dieu Amon, de sa parèdre Mout et de leurs "fils" Khonsou).
Outre son père, sa mère et son épouse, Djehoutyemheb mentionne cinq filles, toutes chanteuses d'Amon (Tyemheb, Nakhtmout, Henouttaoui, Ourneferet et Isisneferet) ainsi que quatre petites-filles, dont trois sont chanteuses et une servante (Irneferetmout, Iakhmout, Dinimouti et Aset) et quatre fils (Panakhtenopet, Ouserhatnakht, Ounnefer et Panesouttaoui.

Djehoutyemheb a fait preuve d'une grande retenue et de respect par rapport au décor précédent de Djehouty.

À aucun moment il n'a tenté de masquer l'identité de son prédécesseur ; il a même laissé subsister sur le mur est une grande représentation assise de Djehouty et de sa mère. Sur les zones déjà décorées, il a surtout mis un certain nombre de choses au goût ramesside et complété les légendes. Les vêtements par exemple ont fréquemment été retouchés en blanc pour suggérer la superposition des tissus et l'aspect bouffant des manches, comme c'était devenu la mode à son époque (voir image ci-contre). Par contre il a fait disparaître les scènes incomplètes et ainsi le mur nord, dont les dessins n'étaient pas achevés, lui est finalement entièrement consacré ainsi qu'aux membres de sa famille.
L'aile gauche de la pièce, qui n'avait pas été décorée à la XVIIIe dynastie, est de type ramesside, ce qui se voit, par exemple, au niveau de la frise qui surplombe le décor : à la classique frise de khakerou de la XVIIIe dynastie () succède une frise plus complexe montrant Djehoutyemheb et son épouse en adoration devant Anubis (aile sud, murs est et ouest, ), ou une alternance de tête de la déesse Hathor et de quelques khakerou (mur sud, , ).
Globalement, la qualité d'exécution des peintures est moyenne, nettement meilleure pour la première phase de décoration que pour la phase ramesside. En tout état de cause, ce ne sont pas des Maîtres qui ont décoré cette chapelle…

Cour, facade et entrÉe

La petite cour qui précède l'entrée se trouve en contrebas, mais son plan d'origine a été complètement bouleversé par les aménagements modernes. Mond signale l'ouverture d'un puits qui n'a pas été recherché après lui.
Rien ne subsiste de la façade de la chapelle. Au niveau de l'entrée, Davies décrit les restes d'un personnage habillé à la mode ramesside, tourné vers l'extérieur et suivi d'une femme portant un sistre. Nous n'avons pas de photos de ces représentations actuellement à l'état de traces.

Nous allons donc maintenant décrire la salle transversale de la chapelle.