Mur est, cÔtÉ nord (P&M 5 et 6)

() Il a été presque complètement décoré par Djehouty ; il manque quelques inscriptions qui ont été rajoutées ultérieurement par Djehoutyemheb, qui fait également des retouches sur les habits des acteurs principaux. On peut diviser la paroi en deux parties : à droite, le défunt et une femme consacrent une énorme pile d'offrandes au soleil levant, tandis qu'à gauche, on trouve deux représentations superposées de couples assis.

East wall - © TT45 Project Mur Est - © TT45 Project

1) - La frise de sommet

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Il s'agit de la traditionnelle frise de khakerou, complétée en bas par une bande de rectangles de couleurs connue sous le nom de "baguette égyptienne".

D'après Mackay, ces khakerou, qu'on ne trouve - en principe - qu'au sommet des murs, figureraient "des roseaux ou des tiges d'une autre plante liées ensemble au sommet et réunies une fois encore juste au-dessus de la base, puis s'évasant sous ce nœud". La "rondelle" que l'on voit dans le bas de l'ornement serait donc un nœud rabattu. Pour Petrie il faudrait voir dans le motif des khakerou un principe de figuration destiné à rendre l'idée de la jonction d'une paroi verticale et d'un toit ; les rondelles représenteraient la section des tiges horizontales de papyrus qui forment le toit.

La baguette égyptienne est constituée d'une série de petits rectangles de couleurs séparés l'un de l'autre par trois épais traits verticaux successivement noir, blanc, noir. Les couleurs des rectangles eux-mêmes se succèdent dans cet ordre : jaune, bleu, rouge, vert. Cette baguette se continue verticalement à chaque extrémité du mur, bordant le décor sur ses côtés.

2) -Partie droite de la paroi

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Elle est subdivisée en deux registres de taille inégale. Les décors sont appliqués sur un fond gris bleuté assez soutenu, comme il est usuel en cette première partie de XVIIIe dynastie.

a) - Registre supérieur

Du côté droit s'accumulent les offrandes posées sur des nattes en papyrus. Naturellement, la superposition est une convention du dessin égyptien destinée à montrer tous les éléments.
En bas, on trouve quatre jarres blanches reposant sur un pied tronconique et surmontées d'une sorte d'arceau (dont j'ignore la signification). À droite est posée une cruche rouge.
Au-dessus se trouve un empilement hétéroclite de pains, légumes, pièces de viande diverses, oignons.
Au-dessus encore, ce sont des pains et des paniers de fruits ainsi qu'une botte de lotus.
Enfin, tout en haut, nous voyons trois vases (il devait en exister au moins un autre) fermés par des bouchons rouges ; deux de ces vases sont en calcite blanche veinée. Chacun est accompagné d'une tige de lotus.

Devant ces offrandes se tient un couple () qui est tourné vers l'entrée de la tombe et rend donc hommage au dieu solaire. Djehouty, dont le nom est clairement mentionné () présente deux braseros. Il est torse nu, mais arbore un large collier floral. Derrière lui, les deux bras levés en signe d'adoration, se tient une femme anonyme qui devrait en principe être son épouse, mais qui pourrait aussi être sa mère. À l'origine, elle était vêtue d'une simple robe collante à une bretelle, mais Djehoutyemheb l'a transformée en une robe à manches bouffantes recouverte d'un châle froncé pour être en accord avec la mode vestimentaire de son époque. Remarquons au passage que la bretelle unique est un artifice de dessin, car on ne la retrouve jamais dans la ronde-bosse. La dame porte un beau collier de perles multicolores ainsi qu'une paire de bracelets ; peut-être portait-elle aussi des boucles d'oreilles, mais une lacune ne permet pas d'en juger. Derrière le couple s'avance un petit personnage portant deux bouquets ().
Le texte qui accompagne cette scène est écrit en hiéroglyphes colorés, mais le travail est incomplet ()  : "Offrir toutes bonnes choses pures et approvisionner les autels avec de l'encens et des oiseaux. Pour Amon en toutes ses places ; pour Osiris [seigneur de] l'éternité ; pour Hathor, maîtresse de la nécropole. Pour faire vivre le propriétaire de cette tombe. Par le scribe Djehouty, supérieur des tisserands d'Amon et intendant de Mery, Grand Prêtre d'Amon". On voit que cette formule assez inhabituelle "le propriétaire de cette tombe" pouvait convenir aussi à Djehoutyemheb, qui n’avait aucune raison de la changer.

b) - Registre inférieur

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Il est centré par une scène de boucherie ()  : un bœuf gît à terre sur une natte ; un boucher tire de toutes ses forces sur une des pattes avant de l'animal, tandis qu'un autre la tranche à l'aide d'un grand couteau.
À gauche, deux hommes s'avancent. Le premier tient par les ailes deux canards ()  ; le second transporte dans des vases une substance blanche qui a la forme d'une pyramide, peut-être de la graisse (?).
À droite, un homme apporte vers la pile d'offrandes l'autre patte avant de l'animal sacrifié ().

3) - Partie gauche de la paroi

Elle comporte deux scènes proches montrant deux couple assis, tournés vers la droite. Davies les considère comme complémentaires, car l'une a un officiant et pas de légende, tandis que c'est l'inverse pour l'autre.

a) - Registre supérieur

Il n'a subi aucune altération de la part de Djehoutyemheb.
Sur une table d'offrandes à plateau de pierre s'accumulent des pains, des morceaux de viande, des fruits, des légumes et une botte d'oignons (). Sous la table, cinq amphores blanches décorées sont dressées dans un présentoir (). Au-dessus de la table, trois beaux vases accompagnés chacun d'une tige de lotus sont posés sur une natte ().
Le couple est assis sur deux sièges (et non sur une banquette) qui reposent sur une natte (). Le texte d'accompagnement identifie les personnages : "Venir en paix de l'accomplissement des rites d'Amon et recevoir le pain chaque jour. Par le scribe Djehouty, juste de voix (et) sa mère, qu'il aime, Djehouty" (). L'homme est vêtu d'une tunique blanche (qui prend un aspect rose pâle là où elle recouvre les chairs), à bords frangés, couvrant une épaule et d'un pagne simple. Sa main gauche posée sur la poitrine serre une tige de lotus dont la fleur s'ouvre devant ses narines. Le lotus fait non seulement référence au mythe de la création du monde, mais il est aussi, par son parfum capiteux, une invitation à l'amour, lequel est toujours une promesse de renouvellement de la vie. Chaque fois que les défunts ou leurs hôtes portent à leurs narines une fleur de lotus, c'est donc du parfum de l'éternité qu'ils s'enivrent autant que du parfum de la plante. Sur sa perruque est posé un cône funéraire (ou cône festif) représenté sous une forme archaïque. Nadine Cherpion propose d'y voir une représentation purement symbolique des parfums et onguents dont se servait le personnage. En effet, les Égyptiens n'ayant pas de support matériel pour représenter ces entités pourraient avoir choisi ce moyen pour suggérer les bonnes odeurs, chose particulièrement importante pour eux, évoquant la renaissance par la sexualité dans un contexte érotique. Comment d'ailleurs imaginer de placer sur des perruques de réels cônes de graisse parfumée fondant lentement. La perruque aurait été rapidement détériorée, or il s'agissait d'un objet relativement précieux, destiné à durer. Cependant de nombreux auteurs continuent à privilégier la réalité physique du cône d'onguent. Une découverte faite en 2011 mettra peut-être tout le monde d'accord : les anciens Égyptiens, hommes et femmes confondus, utilisaient une matière grasse comme "gel" à cheveu (). En 2012, Joan Padgham propose une interprétation radicalement nouvelle : pour elle, le cône d'onguent est le symbole terrestre du Ba recevant les offrandes. Ces offrandes divines constituent en effet le point central sous-tendant la vie éternelle dans l'Égypte ancienne : la représentation du défunt devant une table d'offrandes est d'ailleurs une des plus anciennes et des plus durables de l'art pictural égyptien. Les offrandes sont faites au Ka pendant l'Ancien et le Moyen Empire, puis de plus en plus souvent au Ba à partir du Nouvel Empire.
Sa mère () accompagne ici le défunt (ce qui n'exclut pas qu'il ait eu une épouse, nous n'en savons rien). Elle est vêtue d'un archaïque fourreau collant à une bretelle, avec un sein discrètement marqué. Elle porte un grand collier ousekh et des bracelets aux poignets et autour des bras, mais pas de boucles d'oreilles. Sa perruque est entourée d'un serre-tête floral d'où semble jaillir une fleur de lotus ; elle aussi est surmontée d'un cône funéraire. Elle serre dans la main droite une fleur de lotus tandis que son bras gauche entoure l'épaule de son fils.

b) - Registre inférieur

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Djehoutyemheb a voulu faire un acte de piété envers ses propres parents comme le proclame l'inscription en hiéroglyphes monochromes rouges qu'il a fait tracer au-dessus de son image : "Par son fils, qui fait vivre son nom (celui de son père) , le supérieur des tisseurs de lin du temple d'Amon, Djehoutyemheb, juste de voix" ; au-dessus du couple, on lit : "L'Osiris, le supérieur des tisseurs de lin dans le temple d'Amon, Ounnefer, juste de voix. La maîtresse de maison, la chanteuse d'Amon, Isis".
La composition de la scène est superposable à celle du dessus. On remarque que le peintre ramesside a rajouté des étrésillons aux sièges de la XVIIIe dynastie. Ounnefer est torse nu et reçoit le bouquet que lui tend son fils. La robe d'Isis a été retouchée pour l'adapter au canon ramesside. Aucun des deux personnages ne porte de cône festif. Devant eux se tient leur fils Djehoutyemheb, dont le pagne a également été retouché, qui tend un bouquet à son père.

Mur nord (P&M 7)

() Le décor semble d'inspiration purement ramesside, pourtant différents signes, notamment la frise de khakerou, les retouches à certains vêtements… montrent qu'il a été commencé par Djehouty. On trouve deux registres superposés, celui du bas légèrement plus petit que celui du haut. Ils sont construits sur le même modèle : un couple est assis du côté gauche tandis que du côté droit, des officiants pratiquent divers rites. Les textes, tracés en noir sur fond jaune, sont entièrement consacrés à Djehoutyemheb et ne semblent pas se substituer à d'autres textes préexistants.

1) - Registre supérieur

a) - Le couple assis

Texte : "L'Osiris, supérieur des tisseurs de lin du temple d'Amon, Djehoutyemheb, juste de voix, fils du noble, supérieur des tisseurs de lin fin du domaine d'Amon, Ounnefer, juste de voix. Sa sœur, la maîtresse de maison, la chanteuse d'Amon, Bakkhonsou". On sait que le mot "sœur" peut désigner non seulement la sœur biologique, mais aussi l'épouse, la nièce…
Le couple est assis sur des sièges en bois jaune, partiellement peints en blanc. Djehoutyemheb tient un sceptre sekhem et une botte de trois papyrus dont les ombelles se dirigent vers lui. Bakkhonsou enlace son mari de son bras gauche tandis que sa main droite serre une fleur de lotus en bouton ; cette fleur en bouton et le papyrus sont des symboles de la nouvelle gestation du défunt dans le marécage primordial assimilé au liquide amniotique.

b) - Les officiants

Devant le couple on trouve un premier personnage, crâne rasé, une écharpe lui barrant la poitrine, vêtu d'un long pagne qui remonte sur les reins. Il tient en mains un vase avec lequel il fait une lustration sur une petite table sur laquelle reposent des offrandes ; en dessous, deux vases fermés par des bouchons végétaux sont posés sur de petits dressoirs. Le texte d'accompagnement dit : "Deux fois pure, (Ô) Ptah-Sokar-Osiris (qui réside) dans la Chetyt, le souverain de Ta-djeser. Qu'il donne le souffle, de l'eau fraîche, de l'encens et toutes offrandes deux fois pures pour mon père, le supérieur des tisseurs de lin du temple d'Amon Djehoutyemheb. Par le prêtre ouab de Khonsou, Ousernemtet (?) ". Rappelons rapidement que les premiers ramessides avaient tiré les leçons de l'épisode amarnien qui avait vu la victoire finale du clergé d'Amon : ils honorent (largement) le grand dieu thébain, mais tentent de contenir la puissance de son clergé en marquant leur dévotion à d'autres divinités, en particulier au dieu solaire Rê d'Héliopolis, mais aussi à Ptah de Memphis (seul ou en association avec Sokar et Osiris). Sokar (ou Sokaris), dieu faucon de la région Memphite, est une divinité qui apparaît déjà dans les Textes des Pyramides de l'Ancien Empire. C'est un dieu chtonien (= de la terre) et funéraire, qui intervient dans les métamorphoses nocturnes du défunt dans le monde souterrain (où il circule dans sa barque Henou) aboutissant à sa renaissance. Le plus souvent Sokar est dit maître de la chapelle Chetyt et toute chapelle dédiée à Sokar est appelée Chetyt.

Viennent ensuite deux femmes, tenant d'une main un vase à long col et de l'autre une coupe dans laquelle se trouvent de petits objets arrondis dont j'ignore la nature. Elles sont nommées : "Sa fille, la chanteuse d'Amon Nakhtmout ; sa fille Iretneferetmout" ; "sa" fait ici référence à Bakkhonsou.

Vient enfin "Son fils, le prêtre ouab de Khonsou, Khonsouniouaâ". Lui aussi a le crâne rasé ; d'une main il tient un encensoir et de l'autre il maintient un grand vase sur son épaule.

2) - Registre inférieur

a) - Le couple assis

Les sièges sont différents : tous deux sont munis d'étrésillons, et celui de Djehoutyemheb est peint en noir pour imiter le précieux ébène ; il conserve un dosseret bas alors que celui du siège de son épouse est haut. Bakkhonsou a les fesses calées sur un coussin épais et, comme son époux, ses pieds sont posés sur un repose-pieds en bois. On notera que, de tous les personnages de la paroi, c'est la seule à porter sur la tête un cône funéraire, qui est cette fois dessiné à la mode ramesside. De plus elle tient dans sa main droite une fleur de lotus ouverte, symbole de renaissance. Autre différence, ici Djehoutyemheb porte une perruque courte et frisée, alors qu'elle était longue dans la scène qui se trouve au-dessus.
La table d'offrandes est superposable à la précédente ; en dessous se trouve une jarre rouge à couvercle noir autour de laquelle s'enroule une tige de lotus.

b) - Les officiants

Il s'agit de trois fils de Djehoutyemheb ; un quatrième, Panesouttaouy, est nommé mais non représenté.

Le premier fils, Panakhtenopet, porte la peau de panthère (celle de Seth dépecé) indiquant qu'il s'agit d'un prêtre funéraire, soit prêtre sem, soit prêtre iounmoutef ("pilier de sa mère"), soit prêtre nedjitef ("vengeur de son père"). Ce rôle est en principe dévolu au fils aîné (comme Horus avec son père Osiris). Il fait ici l'encensement et une lustration d'eau devant le couple (). Posé à ses pieds se trouve un grand assemblage de tiges d'oignons en un faisceau terminé par une anse, qui sont offerts aux défunts : ils vont permettre d'acquérir le souffle de vie lors du rituel d'Ouverture de la Bouche et sont en rapport avec la fête Netjeryt, la grande fête de Sokar qui se tient le 26 khoiak. Cette "fête de la divinisation" consiste à restaurer les pouvoirs de Sokar-Osiris momifié et placé dans sa tombe, avant la grande procession de la barque Henou (voir plus loin) le 26 khoiak dans la nécropole. Le rite qui accompagne cette transformation repose sur l'offrande spécifique d'oignons (nous avons déjà détaillé ce sujet dans l'article ).
Texte d'accompagnement : "Faire l'encensement et la libation d'eau (deux fois).Pour son père, le supérieur des tisseurs de lin dans le temple d'Amon, Djehoutyemheb […] Qu'il donne […] des milliers de cruches de bière, de bétail, d'oiseaux, de vases de vin, d'encens, de toutes bonnes choses pures pour le supérieur des tisseurs d'étoffe dans le temple d'Amon, Djehoutyemheb, juste de voix et sa sœur, la maîtresse de maison, la chanteuse d'Amon, Bakkhonsou. Par son fils, le scribe du trésor dans le temple d'Amon, Panakhtenopet".

Le second fils, "son fils, scribe du lin dans le temple d'Amon, Ouserhatnakht" présente au couple un vase et un assemblage d'oignons miniature.

Le troisième fils est désigné comme "son fils Ounnefer, juste de voix" ; il ne porte pas de titre particulier. Il tient d'une main une tige de papyrus et présente de l'autre un vase.