Le complexe cultuel supérieur (TT 96A)

Bien qu'elles soient aujourd'hui fermées au public, les pièces constituant la chapelle de surface étaient à l'origine les seules accessibles aux parents et amis du défunt, et c'étaient là que se déroulaient les cérémonies qui avaient lieu lors des grandes fêtes religieuses de la région thébaine.
Ces pièces avaient non seulement un rôle religieux, mais aussi un rôle social, et représentaient une sorte de mémorial pour le défunt. On pouvait y retrouver tous ses titres, toutes les fonctions qu'il avait exercées dans le domaine civil et religieux, représentant ainsi un écho de la faveur dont il avait joui auprès de son souverain pendant sa vie sur terre. L'admiration et l'estime qui étaient censés en résulter apparaissait comme une des meilleures façons d'inciter parents et amis à venir, et à faire les offrandes en faveur d'un si prestigieux défunt… qui avait peut être la faveur des dieux dans l'autre monde et pouvait éventuellement servir d'intercesseur pour l'offrant.
Le complexe souterrain était quant à lui inaccessible une fois les funérailles terminées, ce qui ne veut pas dire que l'accès en était complètement condamné, car on pouvait avoir à rajouter des inhumations après la première. Dans ces pièces strictement privées se trouvait la momie, ainsi que le matériel funéraire et les offrandes déposées lors de l'enterrement.

Toutes les chambres de la chapelle de surface ont été décorées, mais les siècles, l'habitat humain et même animal, ont produit des dégâts considérables, que l'équipe de l'ULB/MANT s'efforce de réparer. Les dommages les plus importants résultent des dépôts de suie et de matières organiques que les experts ont beaucoup de mal à retirer.
Le travail étant en cours, il n'existe pas encore de relevé photographique ou dessiné complet. Toutefois, on peut maintenant proposer raisonnablement une description des principales scènes du programme iconographique.
Voici donc, pour chaque pièce, un plan annoté et une description aussi informative que possible. L'échelle de mesure reste approximative en l'absence de données chiffrées publiées.

La chapelle présente une forme d'ensemble en "T" caractéristique de la XVIIIème dynastie. Une annexe a été ajoutée, portant le nombre de salles à quatre.
Après un petit couloir d'entrée, la première pièce est le hall transversal, perpendiculaire à l'axe principal, qui comporte deux ailes nord et sud d'égale grandeur. Vient ensuite un couloir longitudinal, un peu moins large que le hall. Il débouche dans la salle principale, presque carrée, qui comporte quatre pylônes. Sur le mur arrière s'ouvrent trois renfoncements correspondants à des niches cultuelles, où devaient se trouver des statues. L'extrémité nord du mur Est est percée d'une ouverture donnant sur une pièce annexe mal finie, qui comporte un pilier central.

Le hall transversal

L'entrée depuis la cour mesure environ 2m de long pour 1,50m de large. Elle n'est plus décorée actuellement, mais l'était certainement à l'origine.
Le hall transversal constitue une l'antichambre où se trouvent les scènes en relation avec la vie sociale du défunt. Celui-ci était un personnage important, et il s'agissait ici de le de magnifier afin d'impressionner les visiteurs, comme nous l'avons déjà évoqué.
La pièce mesure environ 15m de long, 2,60m de large et son plafond, comme celui des deux pièces suivantes, est à 4m de hauteur. La salle est divisée en deux zones égales de 6,50m chacune.
Les murs sont tous urplombés d'une frise de khakherous, tandis qu'à leur base se trouve une zone anépigraphe de 1m de haut qui sépare les décors du sol. Les deux sont séparées par deux épaisses bandes rouge et jaune. Une "frise égyptienne" formée de rectangles de couleur entourés de bleu délimite la partie la plus externe de chaque paroi et sépare les khakerous des décors sous-jacents.

1) - Mur ouest

Il se trouve en face de l'entrée, et il est divisé en deux parties par l'ouverture du corridor longitudinal.
La zone jouxtant le passage, directement éclairée par la lumière du dehors, est une place de choix. Dans de nombreuses tombes de l'époque, elle était réservée au souverain auquel le défunt devait sa bonne fortune. Sennefer n'a pas dérogé à la règle, et ce sont deux représentations sur fond doré d'Amenhotep II assis sous un kiosque, dos à l'ouverture, que l'on y trouve. Il s'agissait là de souligner, pour les visiteurs, la proximité de Sennefer avec son souverain, source de prestige. Bien que ces scènes aient grandement souffert, on peut encore se faire une idée de leur belle qualité d'origine.

A- Partie sud (gauche)

Sennefer se tient debout devant le trône, brandissant les deux cannes sacrées d'Haroeris (Hor-sa-aset, Horus-fils-d'Isis) et probablement de sa parèdre Tasetneferet-Hathor, divinités tutélaires de la région de Qous d'où était originaire Nou, le père de Sennefer.

Derrière lui, nous trouvons plusieurs registres où s'accumulent des biens divers, identifiés dans le texte comme étant "des présents de Nouvel An", que le défunt offre à son roi. En haut, des fruits (ou des grains) s'entassent sur plusieurs tables. En dessous, on trouve un sphinx et une stèle, tous deux blancs, des vases, des éventails en plumes d'autruche, ainsi qu'une statuette en or (?) représentant peut-être la mère du roi, la reine Meryt-Ra-Hatchepsout. Puis viennent diverses statues assises et debout du souverain. La partie basse du registre est perdue.
Le texte au-dessus de Sennefer dit : "Paroles dites : 'Présenter des cadeaux pour le Nouvel An, le début de l'éternité qui se poursuit dans l'infinité, et toutes sortes de beaux cadeaux dédiés qu'il a présentés à Sa Majesté, Vie-Santé-Force, par le prince, le comte, grand confident du seigneur des Deux Terres, le loué du dieu bon, qui fait des choses utiles pour son Horus dans le cours de chaque jour, le maire de la Ville du Sud, en charge du gouvernement de Thèbes, directeur du bétail d'Amon, directeur des greniers d'Amon, directeur des jardins d'Amon, Sennefer, juste de voix.' "

À gauche de ces registres, nous retrouvons Sennefer debout devant une représentation des jardins d'Amon. Il tient cette fois en main une composition complexe, comportant deux grands bouquets de papyrus, associés à une structure en cloche multicolore dont la nature échappe. Il s'agit de l'offrande au souverain du fruit des récoltes des jardins sous son contrôle.
Le texte d'accompagnement dit : "Présenter les parfums des marais et des fleurs, et offrir toute sorte de plantes parmi les plus raffinées du verger ; celui que Sa Majesté a recréé pour son père Amon-Ra, seigneur du trône des Deux Terres, pour la vie, santé, prospérité de Sa Majesté. C'est le prince, le comte, le directeur des greniers d'Amon, le directeur du bétail, le directeur des jardins d'Amon, Sennefer, juste de voix, qui présente toutes ces plantes choisies du jardin de Sa Majesté dans le cours de chaque jour, afin de les offrir au temple d'Amon, chaque jour".

Ainsi, c'est la fonction de "directeur des jardins d'Amon" que Sennefer a choisi de représenter du côté sud du mur ouest tandis que sur le mur opposé, au nord, il choisira la tâche d' "inspecteur des greniers d'Amon".

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De nos jours, le jardin est dans un état déplorable, en raison notamment des erreurs des premiers égyptologues qui, dans leurs essais de nettoyage, n'ont réussi qu'à ternir les couleurs et à enfoncer la suie encore plus profondément dans le gypse. Il en résulte de grandes difficultés pour les restaurateurs actuels, même si la tâche n'est pas impossible comme on peut le voir sur cette de bâtiments et de vignes.
Heureusement, nous disposons d'une copie réalisée au XIXème siècle par Rosselini. C'est de celle-ci que nous nous sommes servis pour l'image survolée ci–dessus.
L'arrangement de la scène est conforme à la perspective égyptienne classique (l'aspective), les bâtiments, portes, arbres, … apparaissant comme posés à plat sur la paroi.
Le jardin est entouré par un mur, probablement en briques crues, surmonté de petits arceaux en tuiles. L'entrée principale, à laquelle on accède par un canal, se trouve à droite, au centre d'une façade d'entrée qui devait être monumentale. Dans la réalité, elle s'ouvrait en face du canal, et la porte devrait pivoter de 90° sur la gauche. La porte est entourée de textes sur les jambages et le linteau, ce dernier étant surmonté par un disque solaire aux ailes largement déployées. La partie inférieure du mur d'enceinte comporte deux poternes d'accès, qui devaient servir pour les activités usuelles quotidiennes. Curieusement, on ne trouve pas leur équivalent sur la partie supérieure (absence ou oubli ?).

Le visiteur accédait ensuite à une large cour plantée de vignes, qui a peut-être inspiré les artisans qui ont décoré le plafond des pièces souterraines. Au fond de cette cour se trouve une représentation peu explicite de ce qui est peut-être un entrepôt (voir dessin de gauche). On voit le mur extérieur en briques percé de deux fenêtres avec encadrements et balustrades. Les trois pièces du dessus devaient se trouver à l'arrière et être contiguës.

La plus grande partie du jardin, qui se déploie autour de la vigne, présente une disposition géométrique et symétrique, avec des allées bordées d'arbres et d'arbustes de taille et d'espèce variables. Quatre étangs sont symétriquement disposés ; chacun est entouré par une zone marécageuse, et l'artiste a représenté des fourrés de papyrus ainsi que des canards nageant sur l'eau. Deux des mares sont dominées par un pavillon couvert. Des poternes donnent accès à diverses zones du jardin séparées par des murs.

On peut imaginer que se promener dans ce jardin, peut-être une grappe de raisin à la main, devait être un enchantement.

Juste au-dessus du bandeau du bas, se trouve un petit registre comportant une scène de pressage des grappes de raisin ; il se continue par une procession de porteurs d'offrandes qui se dirigent vers le roi. Ce registre, qui a presque disparu, s'étendait peut-être jusque sous le kiosque royal, mais on ne peut plus l'affirmer aujourd'hui.

B- Partie nord (droite)

Cette portion de la paroi est en très mauvais état par rapport à son homologue controlatérale, puisque seules les parties supérieures des extrémités droite et gauche sont préservées.
À gauche, nous trouvons une nouvelle image du pharaon sous un kiosque. À droite, Sennefer est présenté dans ses fonctions de "directeur des greniers d'Amon". La scène a été copiée au début du XXème siècle par Davies, mais incomplètement.

On reconnaît d'énormes pyramides de grain entourées de trois côtés par un mur extérieur double, l'espace entre les deux parois étant rempli de grain. L'ensemble est représenté comme un espace ouvert dans lequel on pénètre par une porte ouvragée (sur laquelle est inscrit le nom d'Amenhotep II) située sur la gauche du dessin. Vient alors un escalier donnant sur une allée centrale qui va jusqu'à l'autre extrémité de l'espace. Les murs latéraux de l'escalier sont décorés chacun d'un long serpent, qui pourrait représenter la déesse des moissons, Renenoutet, ou/et constituer une image apotropaïque du reptile dont la fonction est de combattre les rongeurs susceptibles de s'attaquer au grain.
De chaque côté de l'allée centrale se trouvent deux autres allées parallèles, plus petites, qui sont entourées par les piles de grain que l'artiste a représenté arrondies au-dessus et pointues en dessous de l'allée du haut. En bas, seules des piles pointues sont présentes, et on trouve deux scènes de boucherie au-dessus de l'allée.
L'artiste a symbolisé les grains au sein des piles par des taches brunes, afin qu'il se détache sur le fond jaune.Pour rompre la monotonie, il a également ajouté deux palmiers doum.
Un petit pavillon est représenté sous l'escalier d'entrée, abritant des jarres et des plantes ; sans doute servait-il de zone de repos et de rafraîchissement pour les travailleurs.

Une possibilité, invérifiable, est que cette scène de greniers ait été intégrée dans un ensemble plus vaste destiné à la célébration de la moisson ; c'est du moins ce que suggère la présence du roi en train d'effectuer un encensement au-dessus de braseros d'offrandes en remerciement au dieu pour la prospérité qu'il accorde au pays. Le souverain officie dans un pavillon que l'artiste a représenté au sommet d'une pyramide de grain, et auquel on accède par un escalier raide, que montent trois officiants apportant des offrandes. Les deux scènes de boucherie sont certainement liées à cette cérémonie.

Il ne persiste que quelques arbres entre la scène des greniers et celle du souverain assis près de l'ouverture. On se serait attendu à trouver ici Sennefer tourné vers la gauche, en train d'offrir des produits de la récolte à son roi, ou de lui présenter le rapport sur la récolte de l'année.
Comme du côté opposé, un registre s'étendait certainement en bas de ces tableaux, avec des porteurs d'offrandes se dirigeant vers le pharaon.

2) - Murs nord et sud

Ils sont situés à chaque extrémité de la pièce, et comportent une stèle ainsi que des scènes d'offrande. L'ensemble est dans un état pitoyable, mais les restaurateurs pourront peut-être faire quelque chose ?

De chaque côté des restes de stèle se trouvent trois registres de scènes d'offrande. Une partie conservée du texte de la stèle porte une prière par "Le prince, le comte, la bouche du roi de Haute Égypte et les oreilles du roi de Basse Égypte, le favori du dieu bon, le maire de la Ville du Sud, le supérieur des greniers d'Amon, Sennefer, juste de voix".

La stèle est surmontée par une double scène avec, du côté droit, la fille de Sennefer en train d'offrir du pain au défunt et à Senetnay, avec le texte : "Pain pur du temple de Ptah pour le ka du maire de la Ville du sud, Sennefer, juste de voix, dit par sa fille, sa bien-aimée, Nefertari". Sur les côtés se trouvent des restes de scènes d'offrande et de porteurs.

3) - Mur est

Cette paroi, divisée en deux par l'entrée, a également souffert du temps et des hommes.
De chaque côté se trouvent des scènes d'offrandes aux divinités de la nécropole et au soleil levant.

, Sennefer et Senetnay offrent des braseros à "Amon-Ra de Karnak". Le texte dit : "Faire une offrande de morceaux de choix sur un brasero avec de la myrrhe, de l'encens, et toutes bonnes choses pures à Amon, seigneur des trônes des Deux Terres, dans le cours de chaque jour, de la part de vie-santé-prospérité le roi de Haute et Basse Égypte, Akheperoura, doué de vie. Le prince, le comte, le confident excellent du seigneur des Deux Terres, qui ne répète pas ce qu'on lui a dit, le directeur des greniers d'Amon, directeur des terres arables qui sont référencées, directeur des troupeaux, gardien du bétail d'Amon à Djeser-Djeserou, maire de la Ville du Sud, Sennefer, juste de voix".

, ils font offrande d'autres braseros, cette fois à Osiris Ounnefer (Onnophris des Grecs). Le texte est illisible.

A- Partie sud

Du côté sud, dont il subsiste fort peu, se trouvent deux registres, celui du haut étant lui-même divisé en deux. Tout en haut sont assis Sennefer et Senetnay. Le texte identifiant la femme a toutefois été incorrectement rédigé : "Sa chère sœur (= épouse) la grande nourrice, qui a nourri la personne divine (= le roi) Senetem-iaH" (est une orthographe incorrecte de Senetnay). Sur la photo de droite, on peut se rendre compte du travail des restaurateurs qui ont partiellement nettoyé la dame.

Les registres situés plus bas montrent des porteurs d'offrandes avançant vers deux couples tournés vers l'entrée, dont celui des parents de Sennefer.

B- Partie nord

Quand on s'éloigne de la scène d'offrande qui jouxte l'entrée, l'état du mur se détériore fortement, mais on peut encore distinguer une scène de banquet à l'extrémité nord. Des serviteurs s'empressent auprès des convives qui sont des parents, des collègues ou des amis du couple. Cette scène a fourni des informations intéressantes pour la reconstitution de l'arbre généalogique de Sennefer.
Le mur est divisé en deux registres, dont celui du bas est lui-même subdivisé. Le plus élevé des trois montre la partie inférieure de Sennefer et Senetnay assis, tournés vers la porte. Sous le siège de l'épouse on trouve roux, strié de brun, en train de jouer avec un cuisseau déposé dans le panier posé devant lui.

À la partie haute des deux sous-registres qui se trouvent sous le couple assis, siègent dont s'occupe une servante. Le texte au-dessus d'eux dit : "Son père, le second prophète d'Horus, seigneur de Qous, Nou, juste de voix. Sa mère, sa bien-aimée, Henoutiry, en possession de l'état de bienheureuse (imakhout) ". La personne assise juste devant ce couple est anonyme : la colonne destinée à contenir le texte est vide. Bien qu'on ne puisse les identifier, ce sont sans doute les parents de Senetnay qui se trouvent devant ce groupe.
Dans les registres sous-jacents se trouvent de nombreux hôtes anonymes, chacun servi par une jeune fille.

4) - Le plafond

Il comporte trois grandes bandes longitudinales, courant du nord au sud. Entre elles, un motif géométrique simple. Le texte des bandes comporte, comme d'habitude, les titres du défunt et des louanges quant à sa personne : "Le prince, le comte, le chancelier du roi de Basse Égypte, le grand du palais, vie-santé-prospérité, celui qui est important dans son poste, le favori d'Horus dans son palais, que le roi a promu en raison de sa dévotion, dont l'excellence a créé la position, qui agit justement pour son maître dans le cours de chaque jour, le maire de la Ville du Sud, Sennefer, juste de voix. Grand en faveur et grand d'amour, celui dont le caractère satisfait le maître des Deux Terres, un homme vraiment intègre dans la présence de son seigneur, qui fait des choses bénéfiques pour le seigneur du palais, l'efficient devant le roi, Sennefer, justifié".