TRANSCRIPTION DES MOTS ÉGYPTIENS

Position du problème

Sur le site, un nom qui désigne la même personne, le même dieu, le même lieu, peut être écrit de façon différente, ce qui peut déconcerter le lecteur. Aménophis III est pourtant le même roi qu'Amenhotep III ; Ahmose, Ahmosis, Ahmes et Iahmes désignent la même personne ; Thèbes et Ouaset se rapportent tous deux à Louxor ; Chou et Shou représentent le même dieu, etc.
Il y a plusieurs explications à cela.

1)- L'absence de voyelles dans l'écriture

L'Égyptien ancien est une langue consonantique, c'est-à-dire que seules les consonnes sont notées dans son écriture. Il faudra attendre le dernier état de cette écriture, le copte, pour voir apparaître les voyelles en même temps qu'un alphabet.
Par ailleurs, avant de pouvoir traduire un texte, il est nécessaire de le translittérer, c'est-à-dire le transcrire en utilisant des symboles alphabétiques.
Parmi les signes de cet alphabet conventionnel, il en existe cependant quelques uns appelés semi-consonnes qui ont tantôt la valeur d'une consonne, tantôt celle d'une voyelle : ȝ ˁ ỉ (j) y et w.

Ainsi ȝ et ˁ se prononcent approximativement "a" ; ỉ (parfois remplacé par j) et y se prononcent "i" ; w se prononce "ou".
Toujours pour palier à cette absence de voyelles, il est d'usage d'intercaler "é", "è" ou simplement "e" pour faciliter la prononciation et la lecture. Par exemple le mot translittéré "nfr" ("beau", "bon"…) s'écrira habituellement "nefer" ou "néfer".

2)- Les écoles et les habitudes

La phonétique de l'égyptien ancien reste mal connue et la transcription est souvent susceptible d'interprétation… Ce qui a donné naissance à différentes écoles chez les égyptologues. Les éditeurs aussi ont leurs habitudes. Ainsi, dans ses consignes aux auteurs, la célèbre revue américaine KMT précise que les auteurs doivent appliquer les 'conventions de la maison' ("conform to 'House style'") pour les transcriptions.

3)- Égyptien ? Grec ? Arabe ? Anglais ?

Dans un grand nombre de cas, ce sont les mots grecs et non égyptiens qui sont traditionnellement utilisés pour désigner les personnes, les divinités ou les lieux. Or les différences entre les noms égyptiens et leurs équivalents grecs peuvent être considérables : par exemple, peu de gens ont entendu parler de la ville de Mennefer, mais beaucoup plus la connaissent sous son nom grec de Memphis.

L'essentiel de la littérature est en anglais et certains anglicismes peuvent se glisser dans les pages françaises. Ainsi le nom du dieu Chou (Shu ou Shw en anglais) est-il régulièrement rendu en français par Shou.

La transposition de mots arabes donne également lieu à des variantes ; par exemple on peut trouver ouadi ou wadi, gebel ou djebel…

4)- Incohérence

Aux problèmes intrinsèques de traduction, aux choix subjectifs des auteurs, on peut rajouter parfois l'incohérence. Par exemple, si tous les auteurs francophones sont d'accord pour utiliser "Amon" pour désigner le dieu maître de Thèbes (nom grec ; le nom égyptien est Ouaset ou Waset), aucun ne parle d'Amonhotep mais d'Amenhotep. Et en anglais, on trouve "Amun", "Amen" ou même "Amon".

Voici quelques cas fréquents

Pour rendre le nom du dieu soleil, on trouvera en français Ra, Ré, Rê et en anglais Ra ou Re.

Le nom de la déesse de l'équilibre, de l'ordre juste du monde, se trouve sous la forme Maat, Maât, Ma'at. Difficulté supplémentaire, il ne faut pas confondre le nom de la déesse (Maât avec un M majuscule) avec celui du principe qu'elle incarne (maât avec un m minuscule).

Le nom du dieu Thot (ou Thoth) est grec ; son nom égyptien est ... Djehouty ! Et lorsqu'on parle de la tombe de Djehoutymes par exemple, elle pourrait tout aussi bien être appelée tombe de Thoutmosis ou de Thotmes. Par contre le retour aux sources égyptiennes ne s'est pas fait pour les rois Thoutmosides (Thoutmosis I à IV) et on n'a jamais vu mentionner cette lignée comme celle des Djehoutymes-osides.

La triade Khoufou, Khafrê et Menkaourê ne parle qu'aux initiés, alors que si on utilise les équivalents grecs de leurs noms, Khéops (ou Chéops), Khephren (ou Chephren) et Mykérinos, nombreux sont ceux qui savent qu'on parle des rois bâtisseurs des Grandes Pyramides du plateau de Guiza (ou Guizeh, Giza…).

Personne n'est d'accord pour savoir si le nom du second souverain de la XIXe dynastie doit s'écrire Séti, Séthi, Séty ou Séthy I. Et le troisième de ces rois, faut-il continuer à l'appeler Ramsès II ou utiliser son nom égyptien, (Pa)Ramessou ?

Sans qu'on sache pourquoi, un "o" remplace parfois le "e" dans la translittération, et on peut trouver que c'est Djoser ou Djeser qui a fait bâtir la pyramide à degrés sur le site de Saqqara (Saqqarah, Sakkara…). Le mot qui signifie "paix", "repos", en principe rendu par "hetep" peut parfois être remplacé par "hotep".

Amenhotep ? Aménophis ?
Le cas Amenhotep versus Aménophis mérite une mention spéciale car il est basé sur une erreur :
"Aménophis ou Amenhotep ?
L'usage du nom Aménophis pour désigner plusieurs rois de la XVIIIe dynastie (et une personne divinisée) que d'autres ouvrages dénomment Amenhotep est déconcertant. En fait, ce nom signifiant "Amon est satisfait" (Imen-htp) et était prononcé à peu près Amenhote(p) ; la forme Aménophis repose sur une erreur dans la transmission de l'oeuvre de Manéthon par les Grecs. Puisque Aménophis transcrit en réalité le nom divin (et privé) "Amon à Opet", que les égyptologues rendent souvent par Amenemope, il est préférable d'appeler ces rois de la XVIIIe dynastie Amenhotep". Jan Quaegebeur, Dossiers Histoire et Archéologie N° 101, p. 10, janvier 1986