La tombe mastaba de Nikaouisesi

Le mastaba de Nikaouisesi est situé dans le secteur nord-est de la nécropole de Saqqarah, près de la limite du plateau, juste au nord de la pyramide de Teti, premier roi de la VIe dynastie. Il occupe une place de choix dans le cimetière de Teti, touchant presque le grand au nord (voir le plan ci-contre). La tombe fut découverte dans les années 1979-1980 par une équipe de l'Organisation des Antiquités de l'Égypte (qui deviendra le SCA puis maintenant le MSA) sous la direction du Dr Mahmoud Abder-Raziq. En 2000, ce monument important fait l'objet d'une publication commune par le Centre Australien d'Égyptologie (ARCE) et l'Université de Suez en Égypte.

Le mastaba de Nikaouisesi est ouvert au public

.

La présentation de ce beau monument sur OsirisNet a été rendue possible grâce à l'amabilité et à l'aide du Pr Kanawati. Elle associe la qualité d'un texte et de dessins basés sur la publication de l'ARCE à des photographies en couleur (dont la publication est dépourvue) provenant de cinq sources (liste page 8), parmi lesquelles nous remercions tout particulièrement Christian Mariais, qui a fourni des centaines d'images de toute la chapelle de surface.

LE COMPLEXE FUNÉRAIRE

Bien que beaucoup plus petit que celui de Kagemni, il comporte tout de même cinq pièces, dont quatre décorées en relief peint, ainsi qu'une entrée, un serdab et une cour intérieure d'où un escalier monte vers le toit.
Trois puits ont été creusés dans le sol du mastaba : le puits funéraire principal s'ouvre dans la chambre V, un puits plus tardif dans la chambre III, enfin il existe un troisième puits dans la cour intérieure dont l'entrée est recouverte par le dallage moderne. Il existe deux chambres funéraires : la première, la plus profonde, est celle de Nikaouisesi et contenait lors de sa découverte des restes humains ainsi qu'un assez grand nombre de petits objets ; la seconde, plus tardive, est en rapport avec le puits de la chambre III. Par ailleurs, un grand nombre d'autres puits funéraires ont été creusés à l'avant du mastaba et sur son côté ouest, comme le montre le plan publié en 1987 dans .

Nikaouisesi, sa famille, et autres

Un grand nombre de personnes sont nommées dans la chapelle, mais il n'y a pas d'épouse ; par contre, plusieurs personnages de noms différents sont désignés comme "Son fils ainé". Par ailleurs, 38 autres personnes sont citées, peut-être des collègues et des subordonnés de Nikaouisesi, tandis que 7 restent anonymes. Enfin, trois chiens sont également nommés : "Bai", "Baq, "Idi".

1) - Nikaouisesi

On ne trouve pas trace de lui dans le reste de la nécropole. Un homme portant ce nom est représenté, avec d'autres fonctionnaires, sur un relief de la chaussée d'Ounas. Un autre Nikaouisesi a exercé la fonction de directeur de la Haute Égypte, et figure dans un décret royal de Teti concernant le temple de Khenty-Imentyou en Abydos. Toutes ces occurrences pourraient désigner notre personnage.
"Isesi", la forme abrégée du nom, ne se trouve qu'une fois (chambre IV), accompagnée de la mention "son beau nom".
Il semble que Nikaouisesi est né, et très probablement que sa carrière a débuté, sous le règne d'Isesi, et qu'il a secondairement ajouté le nom de ce souverain (dans un cartouche) à son premier nom, Nikaou.

Nikaouisesi porte 16 titres :

"Celui de la chambre"
"Directeur des deux ateliers"
"Directeur des deux maisons de l'or"
"Directeur de la Haute Égypte"
"Directeur de tous les travaux du roi"
"Prince héréditaire"
"Gardien des parures de tête"
"Embaumeur d'Anubis"
"Gardien de Nekhen"
"Comte"
"Chef des grands"
"Hts d'Anubis"
(Le sens de Hts est incertain ici)
"Prêtre lecteur"
"Ami unique"
"Trésorier du roi de Basse Égypte"

Datation :

S'il y a peu de doute que Nikaouisesi a fait aménager son mastaba sous le règne de Teti, il est plus difficile de fixer la date de son décès. Sous l'image de chasse aux oiseaux des marais, dans la pièce I, se trouve une inscription tracée à l'encre noire : "La onzième année, le premier mois de la saison de l'inondation, le vingtième jour. Enterrement dans la nécropole du prince héréditaire, le trésorier du roi de Basse Égypte, Nikaouisesi". Il n'y a pas de nom de souverain, mais il ne peut s'agir que de Teti ou de son fils Pepy I.

2) - Ses parents

On ne sait absolument rien sur son père et sa mère, qui ne sont même pas nommés dans le monument.

3) - Sa femme

Aucune épouse n'est mentionnée dans la décoration survivante, mais on ne saurait exclure qu'elle l'ait été dans les parties disparues. Néanmoins, son absence dans la scène canonique de chasse dans les marais est très surprenante et laisse perplexe, d'autant que le grand nombre de "fils ainé" portant des noms différents suggèrerait l'existence de plusieurs femmes. Peut-être étaient-elles toutes décédées lorsque Nikaouisesi a été enterré.

4) - Ses fils

Trois noms nous sont parvenus, tandis qu'un quatrième est perdu ; souvent on trouve associé à la mention "son fils" les qualificatifs de "l'ancien" et "l'ami unique".

Nikaouisesi

, qui porte le même nom que son père, est mentionné à plusieurs endroits.

Nikaouteti

apparaît dans l'entrée.

Meryisesi, qu'on retrouve chambre I, porte les titres de ""Préposé aux secrets de la maison du matin" et de "Prêtre lecteur en titre".

Nom perdu

 : le personnage qui se tient entre les jambes du défunt dans la scène de chasse aux marais.

Sur la façade, à gauche (ouest) de l'entrée, Nikaouisesi-junior est désigné comme "le noir, l'ancien", tandis que dans l'épaisseur du mur d'entrée, c'est Nikaouteti qui est identifié comme tel. Il est presque certain qu'il s'agit du même personnage et que le nom Nikaouteti a été attribué secondairement.

Le mastaba de Nikaouisesi et ses voisins

Le mastaba se situe entre celui de Kagemni et celui de Hesi, qui nous ont tous deux laissé des biographies décrivant leurs carrières sous Isesi, Ounas et enfin Teti. Kagemni devait être un peu plus âgé que Hesi, car il commence sa carrière sous Ounas, alors que la promotion de Hesi a lieu sous Teti.
Il est probable que Nikaouisesi était un peu plus vieux que Hesi, car la construction du mastaba de ce dernier est postérieure : il utilise le mur ouest du mastaba de Shepsipuptah, qui lui-même utilise le mur est de Nikaouisesi (voir dessin ci-contre).

Actuellement, le mastaba est donc en contact avec ceux plus tardifs de Shepsipuptah et de Hesi, tandis que ses faces sud et ouest restent dégagées. L'entrée se situe sur sa face sud et donne sur une "rue" étroite dirigée est-ouest (vue à droite) juste derrière le mastaba de Kagemni. Ceci n'implique aucune relation particulière entre les deux monuments, mais laisse supposer que l'emplacement du monument de Nikaouisesi a été défini lors du premier plan d'occupation du cimetière, tôt dans le règne de Teti.

Le monument est presque carré, comme ceux qui l'ont précédé ; il mesure 12,60m (est-ouest) et 13,30m (nord-sud) pour une hauteur estimée de 3,85m.
Comme celui de Kagemni, il a été entièrement construit en blocs de calcaire de bonne qualité, bien appareillés. Les mastabas plus tardifs utilisent des briques en terre crue pour leurs murs extérieurs ; certains sont même construits entre des monuments préexistants pour en diminuer le coût.

Le vaste espace intérieur est principalement dévolu aux cinq pièces, au serdab et à la cour, tandis que l'épaisseur des murs (environ 1m) a fortement diminuée depuis la première partie de la Ve dynastie (voir par exemple le mastaba de Ty). Les murs extérieurs et la plupart des murs intérieurs présentent une architecture en sandwich : entre deux murs parallèles en pierre de 35 à 40cm est ménagé un espace de 15 à 40cm qui a été bourré de gravats (terre, pierres grossières, éclats résultant de la taille des blocs, etc.)

Comme chez Kagemni, il existe un escalier qui mène sur le toit ; dans le mastaba voisin plus tardif de Mererouka, cet escalier est absent, mais se retrouve dans les pièces ajoutées ultérieurement pour son épouse Watetkhethor (voir ). Comme ces deux monuments, le mastaba de Nikaouisesi possède un puits funéraire qui descend depuis le sol d'une pièce, et non depuis le toit ; étant donné qu'il existe tout de même un escalier vers celui-ci, on peut penser que le monument représente une transition entre deux styles. Enfin, nous avons signalé que l'essentiel de l'intérieur est dévolu aux pièces et non aux murs, ce qu'on retrouve chez Mererouka, tandis que c'est l'inverse chez Kagemni.
Il semble bien qu'un pavement calcaire ait été réalisé sur toute la surface, et que la construction se soit faite par dessus. Lors de la restauration du monument, ce pavement a lui aussi été partiellement restauré, et il est parfois difficile de repérer l'original.
Les chambres I à IV ainsi que le serdab étaient très certainement recouvertes d'un toit fait de grandes plaques calcaires. On ne sait pas si celui de la pièce V a jamais été posé. Lors de la restauration, deux des dalles originelles ont été réutilisées (mais pas forcément replacées au bon endroit).

La décoration de l'entrée et de la façade est de très haute qualité, comparable à ce que l'on retrouve de mieux dans les monuments du règne de Teti. Les reliefs de l'intérieur, moins visibles, sont de qualité inférieure (et même franchement médiocres dans la chambre IV), un fait souvent constaté, même dans le mastaba somptueux de Kagemni. Parfois, il s'agit de simples gravures.
Figures et inscriptions de la façade sont réalisées en relief dans le creux, qui accroche la lumière différemment selon l'heure de la journée. Le reste du décor est en relief levé. Tous les décors intérieurs sont divisés en registres, ceux du haut, moins visibles dans ces pièces qui ne bénéficiaient que du maigre éclairage des lampes à huile, sont de moins bonne qualité que ceux du bas, autre constatation classique.