L'institut suisse sous la direction de Horst Jaritz a mené quinze saisons de fouille et de réhabilitation du Temple de Millions d'Années de Merenptah. Situé à Louxor, sur la rive ouest du Nil, ce temple se trouve entre le Ramesseum et le temple d'Amenhotep III.
Ce monument à fait l'objet d'une anastylose, ce qui permet de retrouver son programme architectural et de le situer par rapport aux édifices similaires avant et après le règne. On peut ainsi voir qu'il constitue le lien entre les temples de la XIXe et de la XXe dynastie.
Ce monument a été construit en plusieurs phases qui, à partir d'un plan initial simple, ont amené à des réorganisations, puis à des rajouts de structures innovantes.

Le pharaon Merenptah

Merenptah est le treizième fils de Ramsès II, et c'est lui qui succéde finalement à son père vers 1213 av. J.-C., après le (trop) long règne de ce dernier. Quand il prend le pouvoir, l'Égypte n'est plus ce qu'elle était au temps de la XVIIIe dynastie. C'est un pays affaibli, corrompu, mais qui dispose encore de ressources. Merenptah, âgé probablement d'une cinquantaine d'années lors de son accession au trône, va le diriger pendant dix ans.
Malgré son âge, il doit livrer de durs combats en Asie pendant la troisième année de son règne et faire rentrer dans le rang les principautés syro-palestiniennes toujours promptes à se révolter contre l'occupant Égyptien. Les Libyens sont aussi remis au pas en l'an 5.
Comme son père Ramsès II l'avait fait avant lui, il entreprend de laisser des chroniques de ses victoires sur un mur près du 6ème pylône de Karnak, et sur une stèle fameuse, , datée d'environ 1210-1207 avant J.-C. qui fut découverte en 1896 par Flinders Petrie dans le temple. Elle est aujourd'hui conservée au musée du Caire et c'est une copie (remarquable) qui se trouve in situ.
Le texte est un poème eulogique dédié au pharaon Mérenptah. À la fin du texte, on trouve la description d'une campagne menée par le pharaon en l'an 5 de son règne - vers 1210 av. J.-C - au pays de Canaan avec la hors contexte biblique et la seule mention d'Israël dans les textes égyptiens (merci à Alain Guilleux pour la photo et à son site "").

Lorsque Merenptah décide de faire construire son temple funéraire, il le place tout près de celui d'Amenhotep III, déjà ruiné, dont il va se servir comme carrière, usurpant les noms de son illustre prédécesseur, comme son père l'avait déjà si largement fait avant lui.

Le plan du temple et ses phases de construction

Le plan a été initialement dressé par Petrie en 1896, puis remanié après les fouilles contemporaines.
Le plan originel est simple, réduit au nombre de pièces suffisantes pour le culte mortuaire, sans plus.
Pour réaliser ce plan initial, Merenptah s'est basé sur le temple de Thoutmosis III plus que sur ceux, plus compliqués, de son père Ramsès II ou de son grand-père Sethy I. On peut avancer une explication : le pharaon, déjà âgé lors de son accession au trône, choisit de commencer par un édifice simple, ne comportant que les parties essentielles, pour être sûr de disposer d'un "Temple de Millions d'Années" en état de fonctionner après sa mort. Le règne se prolongeant, des ajouts et modifications ont ensuite été réalisés.

Plan initial

Un pylône ouvre sur une première cour dite de la Présence Royale. Puis, derrière un mur et sur un niveau supérieur, on trouve une cour des fêtes comportant à son extrémité un portique avec des piliers osiriformes engagés devant la façade du temple proprement dit.
L'entrée donne sur une première salle hypostyle, celle de l'union du roi à Amon où le souverain rejoint les barques de la triade thébaine avant leur sortie en procession. Vient ensuite une seconde salle hypostyle où on présentait les offrandes aux barques divines. A l'extrémité ouest enfin, on trouve les chapelles d'Amon, Mout et Khonsou où étaient déposées les barques. Enfin des bâtiments en briques crues, nécessaires au culte, flanquaient le temple à ses extrémités nord et sud.
Tout le mur nord est masqué par des magasins, divisés en trois sections ; on y pénétre par une porte à droite du pylône, qui donne sur une petite cour où l'on devait certainement enregistrer les denrées entrantes.
La partie nord-ouest des magasins abrite le trésor du temple.
Au sud on trouve, donnant sur la première cour, une représentation du palais royal. Ainsi par la mise en place d'une statue royale à la fenêtre d'apparition, on faisait participer le souverain aux cérémonies qui s'y déroulaient. Au sud-ouest on trouve un ensemble de pièces qui devaient servir à l'administration.

Le pylône et les murs latéraux des deux premières cours sont en briques crues, souvent estampillées au cartouche d'Amenhotep III, tandis que le temple proprement dit et les piliers osiriaques sont en pierre, reposant sur des fondations où l'on retrouve des blocs et même des sphinx à tête humaine ou animale (pillés, eux aussi, sur les monuments d'Amenhotep III).

Avant l'achèvement de ce plan initial, une première modification a lieu

Il s'agit d'aménager trois nouvelles salles de chaque côté de la première salle hypostyle. Pour cela, on abandonne la construction des murs latéraux vers la seconde salle hypostyle, dont les tranchées et une partie des fondations avaient pourtant déjà été réalisées. Puis ce projet est lui-même modifié et deux salles seulement sont élevées.

Une seconde phase débute alors

La façade à piliers osiriaques du temple se voit complétée par deux portiques sur les côtés nord et sud de la seconde hypostyle dont les murs latéraux doivent être rebâtis en pierre pour supporter l'ensemble, ainsi qu'a dû l'être le second pylône.
Puis on continue vers l'est en remplaçant le mur latéral est de la première salle hypostyle, la façade du palais et le premier pylône, tous en briques crues, par de la pierre. Des portiques à chapiteaux lotiformes ouverts sont ajoutés de chaque côté, donc devant la façade du palais d'un côté, tandis que de l'autre côté ces colonnes servent de soutien à des statues royales sur leur piédestal.

Pour tous ces ajouts en pierre, on s'est servi d'éléments en calcaire provenant du temple d'Amenhotep III tant qu'on en a trouvé, ainsi que de grès provenant d'anciens édifices de Thoutmosis III, d'Hatshepsout et d'Akhénaton, tandis qu'on exploite à nouveau les carrières du Gebel Silsileh. À la même époque, on ajoute au coin sud-ouest du temple des pièces pour le culte des ancêtres royaux et au nord-ouest une cour et des pièces pour le culte de Rê ainsi qu'une salle d'abattage du bétail. Cette partie est ensuite remaniée en une pièce à quatre piliers, doublée d'une petite extension vers l'arrière.
Au sud de la seconde cour, l'espace est ouvert et un mur en briques crues, formant une sorte d'excroissance, est greffé sur le mur latéral; ce dernier est doublé par un mur plus externe dont il est séparé par une sorte de déambulatoire.
La cour est centrée par un puits auquel on accéde par un escalier. Ce puits faisant office de lac sacré atteignait la nappe phréatique, et était donc selon l'imaginaire égyptien au contact du Noun, l'Océan primordial. Les prêtres y faisaient leurs ablutions.

Par cette seconde phase de construction, le temple de Merenptah peut être considéré comme un lien entre la XIXème et la XXème Dynastie. L'addition d'un complexe pour le culte de Rê, de pièces pour le culte des ancêtres royaux et l'incorporation de la salle d'abattage dans le temple feront parti du plan initial du dernier des grands Temples de Millions d'Années, celui de Ramsès III à Medinet Habou.

Disparition du temple

C'est l'eau d'une inondation dévastatrice du Nil, qui jettera à bas la quasi-totalité de l'édifice ; lui aussi servira ultérieurement de carrière. Le temps, l'eau et le sel achèveront le travail de destruction, et presque aucun des blocs en pierre originaux de l'édifice n'a été retrouvé.

Voici maintenant quelques photos du site. Comme vous le constaterez, si les archéologues
ont fait de leur mieux il faut tout de même beaucoup d'imagination pour reconstituer les lieux.
Le musée et surtout les réserves sont nettement plus intéressants.

De nombreuses pièces intéressantes furent retrouvées lors des fouilles, en particulier d'exceptionnels blocs gravés provenant du temple d'Amenhotep III, d'une qualité inégalée avec toujours leur polychromie, des sphinx (dont certains à tête de chacal), des statues couchées d'Anubis… Leur nombre et leur qualité a permis la réalisation d'un petit musée sur place.