Plusieurs médias ont rapporté qu'une équipe d'égyptologues et de chimistes avait reconstitué le "paysage olfactif" de la tombe de Kha et Merit (TT8) datant de la XVIIIe dynastie. L'équipement funéraire de Kha et Merit a été découvert en 1906 par Ernesto Schiaparelli. Il est de nos jours conservé au Museo Egizio de Turin. Il constitue l'ensemble funéraire non royal le plus complet et le mieux préservé jamais découvert en Égypte. Schiaparelli a eu la sagesse de limiter ses recherches à quelques objets, laissant la plupart intacts, ce qui permet aux chercheurs contemporains d'étudier ces objets avec des techniques non invasives qui ne pouvaient pas être prévues à l'époque. Dans un de ces articles, intitulé "Archéologie de l'invisible : Le parfum de Kha et Merit" par Jacopo La Nasa & al qui vient d'être publié dans le Journal of Archaeological Science (JAS), les chercheurs ont montré que les composés volatils émis par les matières organiques contenues dans les récipients peuvent être analysés et détectés directement dans les musées par un spectromètre de masse transportable (SIFT-MS).
Cette publication a été immédiatement critiquée sur le forum EEF NEWS par Dora Goldsmith, chercheuse en égyptologie à la Freie Universität Berlin (le sujet de son doctorat est "L'archéologie de l'odeur en Égypte ancienne). Elle écrit : (...) l'article n'est qu'une description de ce que la technologie SIFT-MS peut offrir pour l'analyse des résidus organiques, et ne donne aucun aperçu du patrimoine olfactif de la tombe de Kha et Merit (!). En raison du règlement interne du Museo Egizio de Turin, l'équipe de chimistes chargée des analyses n'avait pas la permission d'ouvrir les récipients scellés. Malheureusement, la plupart des pots de la tombe de Kha et Merit étaient hermétiquement fermés avec un tissu de lin, leur contenu n'était donc pas disponible (...) Ainsi, les auteurs se retrouvent avec les résultats extrêmement généraux suivants : les pots contiennent "des huiles ou des graisses", "de la cire d'abeille" ou "non spécifique". Que les parfums de l'Égypte ancienne contiennent des huiles, des graisses et de la cire d'abeille, nous le savons depuis le début de l'égyptologie. Par ailleurs, il est souvent fait référence aux auteurs grecs classiques quand on parle des parfums de l'Égypte antique. Or les Grecs n'avaient qu'une connaissance limitée des recettes de parfums égyptiens et la signification culturelle de ces parfums leur échappait presque complètement. Ainsi, je voudrais appeler à la prudence quant à l'utilisation des sources classiques pour faire des déclarations sur la culture olfactive des Égyptiens, en particulier à la XVIIIe dynastie."
Dans la tombe de Kha de Merit, les créations florales et les provisions alimentaires auraient également pu constituer une autre source d'odeurs. D'ailleurs, les auteurs ont réussi à détecter une odeur de poisson dans un bol. Étonnamment, alors que leur article prétend porter sur les odeurs, les auteurs ont omis de mentionner l'importance de la puanteur du poisson dans l'Égypte ancienne. Sur cette archéologie de l'odeur, vous trouverez de nombreuses références sur la page Academia edu suivante : https://fu-berlin.academia.edu/DoraGoldsmith
Ce n'est pas la première fois que les composés odorants fournissent des informations importantes sur l'Égypte ancienne.
En 2014 par exemple, des bandelettes en lin ont été prélevés sur des corps vieux de 6300 à 5000 ans, dans les plus anciens cimetières égyptiens connus. Les chimistes y ont retrouvé des molécules volatiles attestant de la présence d'agents d'embaumement aux propriétés antibactériennes, ce qui montre que les Égyptiens ont expérimenté la momification environ 1500 ans plus tôt qu'on ne le pensait.
L'analyse des odeurs est encore un domaine sous-exploré de l'archéologie. Pourtant non seulement les odeurs peuvent nous révéler des pans méconnus sur les civilisations passées, mais elles pourraient aussi ajouter une dimension olfactive aux visiteurs dans les musées. Mais reconstruire des odeurs anciennes n'est pas facile. La dégradation et la décomposition peuvent être source d'odeurs nauséabondes, très éloignées de celle qu'avait l'objet ou le produit original, qui donnent une fausse idée de ce que les scientifiques appellent le "paysage olfactif" original d'une tombe. La question qui se pose dès lors est de savoir si les visiteurs voudraient vraiment faire l'expérience de l'ensemble du paysage olfactif d'une tombe ancienne. Le débat reste ouvert.
Several media outlets have reported that scientists have reconstructed the smellscape of the 18th Dynasty tomb of Kha and Merit (TT8). The burial assemblage of Kha and Merit was discovered in 1906 by Ernesto Schiaparelli and is now preserved at the Museo Egizio in Turin. It constitutes the most abundant, complete, and well-preserved non-royal Egyptian burial assemblage ever found. Schiaparelli limited his investigations to a few non-unique items, leaving most of the assemblage untouched. His decision has enabled contemporary scholars to study such exceptional archaeological finding with non-invasive approaches that could not be foreseen at the time. In an article entitled "Archaeology of the invisible: The scent of Kha and Merit" by Jacopo La Nasa & al just published in the Journal of Archaeological Science (JAS), researchers have showed that the volatile compounds emitted by organic materials contained in vessels can be analyzed and detected directly in museums by a transportable mass spectrometer (SIFT-MS).
This publication was immediately criticized on the forum EEF NEWS by Dora Goldsmith, a PhD researcher of Egyptology at the Freie Universität Berlin (the topic of her PhD is "The Archaeology of Smell in Ancient Egypt". She writes: (...) the article is merely a description of the potential the technology SIFT-MS can offer for the analysis of organic residues, and does not give any insight into the olfactory heritage of the tomb of Kha and Merit (!) Due to the internal museum regulations of the Museo Egizio in Turin, the team of chemists carrying out the analyses did not have permission to open sealed jars. Unfortunately, most of the jars from the tomb of Kha and Merit were hermetically sealed with linen cloth, thus their contents were not available (...) Thus, the authors are left with the following extremely general results: the jars contain “oils or fats”, “beeswax” or “non-specific”. That ancient Egyptian perfumes contained oils, fats and beeswax is something that we have known since the beginning of Egyptology. All currently available data considered, the Greek knowledge of Egyptian perfume recipes and the cultural significance of Egyptian perfumes seems quite limited. Thus, I would like to call for caution with utilizing classical sources for making statement about the olfactory culture of the Egyptians, especially in the 18th Dynasty."
In the tomb of Kha of Merit, floral creations and food supplies would have been another source of smells. As a matter of fact, the authors managed to detect one smell in this regard: that of fish in a bowl. Surprisingly, even though their article claims to be about scents, the authors failed to mention the significance of the stench of fish in ancient Egypt.
On this archaeology of smell, you will find numerous references here: Academia edu page
This isn’t the first time that scent compounds have revealed important information about ancient Egypt. In 2014 for instance, researchers extracted volatile molecules from linen bandages that are between 6,300 and 5,000 years old that were used to wrap bodies in some of the earliest known Egyptian cemeteries. The molecules confirmed the presence of embalming agents with antibacterial properties, showing that Egyptians were experimenting with mummification some 1,500 years earlier than had been thought.
Odour analysis is still an underexplored area of archaeology, though, aside from revealing more about past civilizations, ancient smells could add a dimension to the visitor experience at museums. But reconstructing ancient smells is not easy. Degradation and decomposition can be a smelly business, so the scents from an artefact today do not necessarily match what scientists call the original “smellscape” of a tomb. Whether visitors would actually want to experience the full and potentially unpleasant smellscape of an ancient tomb is still up for debate.