Pharaon des deux terres. L'épopée africaine des rois de Napata Pharaoh of the two lands. The African epic of the kings of Napata
Photos: Musée du Louvre
Du 28 avril au 25 juillet 2022, le musée du Louvre consacre pour la première fois une exposition aux pharaons noirs. Elle est qualifiée d'"exigeante" par les organisateurs tant le public a peu de connaissances sur ces souverains. C'est l'occasion de revenir sur leur épopée, leurs conquêtes et leur histoire, qui ont profondément marqué l'Égypte.
Pendant des siècles les Égyptiens ont colonisé le pays de Kouch, en Nubie (dans l’actuel Soudan). Ils ont imposé leur souveraineté, leur religion et leurs valeurs au peuple et aux rois kouchites. "Et ces rois de Kouch ont fini par adopter à ce point les façons de faire pharaoniques et égyptiennes qu’ils sont devenus en quelque sorte plus pharaons que les pharaons"
déclare Vincent Rondot, commissaire de l'exposition.
En 720 avant J.-C. l’Égypte divisée, fragile, est menacée par les Assyriens. Et finalement, le roi Kouchite Piânkhy, venu de la lointaine Napata, ville sacrée située au pied du Djebel Barkal (Montagne-Pure) va décider de profiter de cette vulnérabilité. Depuis Napata, il lance ses armées à la conquête des villes de la vallée du Nil, jusqu'à Memphis. Une véritable épopée dont on connaît les détails grâce à la stèle triomphale de Piânkhy (présentée à l'expo).
Ses successeurs forment la XXVe dynastie, dite Kouchite. Ils se placent sous la protection des dieux égyptiens (notamment Amon) et produisent des stèles pour réaffirmer les éléments fondateurs de la religion traditionnels égyptienne : "non seulement ils connaissaient bien cette culture égyptienne mais ils ont cherché à revenir à ses sources, à s’informer dans les archives égyptiennes, selon un mode de fonctionnement typiquement égyptien, des textes théologiques les plus anciens, qu’ils font recopier sur pierre. L’art de cette époque
"va se laisser influencer par les plus beaux modèles de l’Ancien Empire, par exemple"
(D. Valbelle). Signalons au passage que les pharaons noirs sont les seuls à porter deux uræi au front, l'un pour Kouch, l'autre pour l'Égypte.
Taharqa (690-664 BCE) est le souverain Kouchite le mieux connu. Grand bâtisseur, il a construit ou augmenté plus de temples, créé plus de statues colossales et laissé derrière lui plus d'inscriptions, qu'aucun autre souverain depuis Ramsès II. Il veut laisser le souvenir d'un homme pieux et bienveillant, d'un brillant stratège militaire, et d'un souverain habile politicien. Il est fait mention de lui dans les Annales assyriennes et la Bible. Et le géographe grec Strabon, qui a vécu quelques 700 ans après Taharqa, le cite comme l'un des grands conquérants du monde antique.
Pendant près d'un siècle, les pharaons noirs règnent sur l'Égypte. Ils en sont chassés, non par les Égyptiens, mais par les Assyriens qui détruisent Thèbes en 664 av. J.-C. Une mise à sac de la ville par les armées d’Assurbanipal dont la férocité destructrice trouve des échos jusque dans la Bible.
Cependant, dans la ville de Saïs, dans le Delta, des princes qui n'avaient jamais reconnu l'autorité des Kouchites, forment la XXVIe dynastie, période de prospérité où le pays renoue avec les traditions anciennes, au point qu'on parle de la "Renaissance" saïte. Psammétique II, second roi de la dynastie, à la tête d'une armée hétéroclite (avec de nombreux Grecs) remontera jusqu'à Napata, qui est détruite en 593 av. J.-C. Le souvenir de cette épopée a traversé les siècles : le thème central de Aïda, l’Opéra de Giuseppe Verdi, évoque les destins tragiques du roi de Kouch Amanislo et de sa fille, réduite en esclavage par Pharaon.
From April 28 to July 25,2022, the Louvre Museum is devoting an exhibition to the Black Pharaohs, which has been described as "demanding" because the public knows so little about these rulers. It is an opportunity to revisit their epic, their conquests and their history, which deeply marked Egypt.
For centuries the Egyptians colonised the country of Kush, in Nubia (in present-day Sudan). They imposed their sovereignity, religion and values on the Kushite peoples and kings. "And these kings of Kush ended up adopting the pharaonic and Egyptian ways to such an extent that they became in a way more pharaohs than the pharaohs" says Vincent Rondot.
In 720 B.C., a divided and fragile Egypt was threatened by the Assyrians, but a Kushite king, Piankhy, who came from the distant Napata, a sacred city at the foot of Jebel Barkal (Pure Mountain), decided to take advantage of this instability. From Napata, he launched his armies to conquer the cities of the Nile valley, up to Memphis. An epic whose details are known thanks to the so-called "triumphal stele of Piankhy (presented at the exhibition). His successors form the XXVth dynasty, called Kushite. They placed themselves under the protection of the Egyptian gods and produced stelae to reaffirm the founding elements of the religion. Not only did they know this Egyptian culture well, but they sought to return to the sources of this culture, to inform themselves in the Egyptian archives according to a typically Egyptian mode of operation of the most ancient theological texts that they had copied on stone. This can also be seen in the art, "which will be influenced by the most beautiful models of the Old Kingdom, for example"
(D. Valbelle). Let us note in passing that the black pharaohs are the only ones to wear two uraei on their foreheads, one for Kush, the other for Egypt.
For nearly a century, the Black Pharaohs ruled Egypt. They were driven out, not by the Egyptians, but by the Assyrians who destroy Thebes in 664 BC. A sacking of the city by the armies of Assurbanipal whose destructive ferocity is echoed in the Bible. However, in the city of Sais, in the Delta, princes who had never recognised the authority of the Kushites, formed the XXVIth dynasty, a period of prosperity in which the country revived its ancient traditions, to the point that it is referred to as the Saite "Renaissance". Psammetichus II, the second king of the dynasty, at the head of a heterogeneous army (with many Greeks) went as far as Napata, which was destroyed in 593 BC. The memory of this epic has survived the centuries: the central theme of Aida, Giuseppe Verdi's Opera, evokes the tragic fates of the King of Kush Amanislo and his daughter, reduced to slavery by Pharaoh.