La tombe amarnienne TA 03 de Ahmès (Ahmose) - groupe nord

Il s'agit d'une petite tombe, de plan cruciforme, avec deux corridors plutôt étroits, sans salle à colonnes. Malgré la simplicité de ce plan, la chapelle a été taillée avec soin et précision, mais seules l'entrée et la paroi ouest de la salle longitudinale ont reçu un décor. Celui-ci comportait notamment, à l'époque du relevé qu'en a fait Norman de Garis Davies, de belles esquisses préparatoires, qu'il a restaurées et qui sont encore visibles de nos jours.

Les titres du personnage - sa famille

"Scribe Véritable du roi"
"Flabellifère à la droite du roi"
"Intendant du domaine d'Akhénaton"
"Chef de la salle d'audience du seigneur du Double-Pays"
"Celui qui place ses pas dans ceux du seigneur du Double-Pays"
"Chancelier royal"
"Premier Compagnon parmi les Compagnons"

Certains de ces titres sont honorifiques, mais d'autres correspondent probablement à des fonctions effectives.
Par ailleurs, nous ignorons tout de la vie et de la famille d'Ahmès.

La faÇade de la tombe

Elle n'est pas décorée, sauf les montants et le linteau de la porte d'entrée. Ils ne sont plus visibles aujourd'hui derrière la cage métallique qui protège l'entrée (). Nestor L’Hôte avait déjà relevé le décor () ; certaines inscriptions étaient presque effacées à l'époque de Davies.

Sur les deux jambages, le texte est constitué par des formules d'offrande de type "hetep di nesou (offrande invocatoire) " à Akhénaton et Aton par l'intermédiaire de leurs cartouches. Elles sont répétitives, aussi ne donnerons-nous qu'un exemple (jambage droit, colonne 1) : "Une offrande que donne le roi à Aton (représenté par les deux cartouches de son nom didactique) et à Neferkheperourê-Ouaenrê (=Akhénaton). Puisse-t-il accorder que je place mes pas dans les siens en toute place où il se rend. Pour le Ka du scribe véritable du roi, son aimé, le chef de la salle d'audience, l'intendant du domaine d'Akhénaton, celui à la longue durée de vie, Ahmès, juste de voix".
À chaque extrémité du linteau, Ahmès debout rend hommage à la triade divine représentée par les cartouches du roi, de la reine et de l'Aton, accompagnée d'une prière d'adoration : "Adorer l'Aton vivant et embrasser la terre devant le Dieu Parfait (=Akhénaton) [titres du défunt]".

Le corridor d'entrÉe

L'entrée s'ouvre au sud-ouest. De chaque côté du petit couloir se trouve une représentation d'Ahmès, tourné vers l'extérieur, les bras levés en adoration. Il porte dans le dos deux symboles de ses fonctions, placés tête-bêche : un flabellum et une hache de guerre, attachés entre eux et suspendus à l'épaule par une sangle.
Du côté est, la brièveté du texte laissait un espace vide. Il a été comblé par une superposition de rectangles colorés (bleu, vert, rouge : , à droite).
Ahmès récite deux hymnes au soleil, qui sont des abrégés du Petit hymne à Aton.

1) - Mur est : hymne au soleil couchant

"Le scribe véritable du roi, qu'il aime, le flabellifère à la droite du roi, le chef de la salle d'audience, l'intendant du domaine d'Akhénaton, celui à la longue durée de vie, Ahmès, juste de voix.
Il dit : Tu te couches en beauté, Ô Aton vivant, seigneur des seigneurs, qui contrôle le Double-Pays, quand tu as accompli ton parcours dans le ciel, en paix, avec le monde entier qui jubile devant toi, et fait adoration à celui qui l'a créé, embrassant la terre pour celui à qui ils doivent la vie.
Ton fils bien-aimé, le roi de Haute et Basse Égypte, qui vit de Maât, Neferkheperourê-Ouaenrê a dirigé le pays tout entier et les terres étrangères dans tout ce que tu entoures par ton apparence, afin que les rites soient faits aussi bien à ton lever qu'à ton coucher.
Ô dieu qui vit de Maât devant les yeux des gens, c'est toi qui as fait cela, quand aucun autre n'avait déjà fait cela ; c'est de ta bouche qu'ils sont sortis. Veuille m’accorder d'être favorisé auprès du souverain chaque jour, sans interruption et un bel enterrement dans ma vieillesse dans les falaises d'Akhetaton. J'ai passé mon temps de vie dans la joie, ayant placé mes pas dans ceux du Dieu Parfait dans tous ses déplacements, moi qu'il aimait du temps que j'étais à son service. De ma jeunesse jusqu'à ce que j'obtienne le statut de dignitaire, en paix, il m'a fait grandir. Qu'il est heureux celui qui suit le roi, il est en fête chaque jour."

2) - Mur ouest : hymne au soleil levant

Très endommagé actuellement, le texte a pu être restitué, car il existe son pendant dans la tombe de Meryrê :

"Tu te lèves en perfection, Ô Aton puissant, qui donne la vie encore et encore, l'Aton vivant à côté duquel il n'y en a pas d'autre, qui donne la santé aux yeux par tes rayons, celui qui a fait tout ce qui existe ! Tu apparais à l'horizon oriental du ciel et donnes vie à tout ce que tu as créé – à savoir les gens, le bétail, les créatures volantes et chaque sorte de créature rampant sur la terre. C'est quand elles te voient qu'elles vivent et quand tu te couches, elles vont dormir.
Tu as fait que ton fils bien-aimé, qui vit de Maât, le seigneur du Double-Pays, Neferkheperourê-Ouaenrê, qui vit continuellement avec toi - ainsi que la Grande Épouse Royale, maîtresse du Double-Pays, Nefernerouaton-Néfertiti (puisse-t-elle vivre à jamais) à ses côtés – fasse ce qui réjouit ton cœur et voit ce que tu fais chaque matin, (car) c'est en voyant ta beauté qu'il se réjouit. Donne-lui vie, stabilité, puissance, santé et (aussi) tout ce que tu entoures. Il les dirige pour ton Ka. En ce qui concerne ton rejeton, que tu as engendré toi-même […] le sud aussi bien que le nord, l'ouest, l'est et les îles au milieu de la Grande Verte (= la mer) acclament son Ka. Sa frontière sud s'étend aussi loin que porte la brise et sa frontière nord, sur tout ce qu'Aton illumine. Tous leurs chefs sont affaiblis, soumis par son pouvoir divin, lui, le Dieu Parfait, qui apporte la joie dans le Double-Pays et enrichit le pays tout entier. Place-le à tes côtés encore et encore, car il aime te voir. Accorde-lui un très grand nombre de fêtes-sed et des années en paix. Donne-lui ce que ton cœur aime, comme la multitude des grains de sable d'une dune, comme le nombre d'écailles du poisson du fleuve, comme le nombre de poils du pelage des bovidés. Et garde-le ainsi jusqu'à ce que le cygne devienne noir et que le corbeau devienne blanc, jusqu'à ce que la montagne se lève pour marcher et jusqu'à ce que le cours du flot soit inversé, tandis que je suis dans la suite de ce Dieu Parfait jusqu'à ce qu'il décrète un lieu d'enterrement qu'il est seul à donner."

3) - Plafond

Il en persiste une petite partie polychrome ( et ).

La salle longitudinale

Cette pièce longue et étroite est décorée sur sa paroi ouest seulement.
La paroi nord, qui s'ouvre dans la salle transversale, est entièrement occupée par la "porte" dont les montants sont anépigraphes et qui est surmontée d'une corniche à gorge.

Paroi est

La paroi est comporte, près de l'entrée, quelques traces de peinture rouge montrant la famille royale sous le disque solaire. On y trouve également un ensemble unique de 59 graffiti datant de l'époque gréco-romaine. Leur présence est importante, car elle montre que des visiteurs sont venus pendant des siècles dans ces tombes isolées et que, malgré la persécution qui a frappé la mémoire d'Akhénaton, leur souvenir n'a pas été perdu.

Paroi ouest, registre supérieur : visite royale au Grand Temple d'Aton

La scène comporte trois parties : à droite, le couple royal en char, au centre les soldats de l'escorte et à gauche le temple ().

1) - Le couple royal

Il est représenté par un dessin incomplet à l'encre rouge, que Davies a pu restituer grâce à une scène équivalente dans la tombe de Mahou.
Akhénaton et Néfertiti circulent en char. Les deux époux, dont les figures ont été grattées, ont le visage tourné l'un vers l'autre, soit parce qu'ils se parlent, soit pour échanger un baiser. Une petite princesse se tient à leurs pieds.

On notera la grande liberté de style avec laquelle les chevaux - si importants à l'époque amarnienne - ont été représentés, cabrés comme toujours ; il s'agit sans doute de la scène du genre la plus réussie dans toute la nécropole d'Amarna.

2) - L'escorte

Deux cohortes regroupent 43 soldats répartis en quatre lignes ; entre les deux et les précédant sans doute, se tient un joueur de trompette (). La composition de la troupe semble hétéroclite, mais Ahmès, qui exerçait des fonctions militaires, n'a sûrement pas laissé passer d'erreurs. En tête de chaque ligne, on trouve six soldats égyptiens armés d'une lance, d'une hache de guerre et d'un bouclier (flèche rouge) ou six porte-enseignes (). On trouve aussi des archers nubiens (flèche verte), deux Syriens à la barbe pointue portant des lances (flèche bleue), un Libyen avec une plume dans les cheveux et son arc particulier (flèche jaune). Le dernier personnage de chaque rangée (sauf celle du haut), armé d'une harpé et d'un bâton, est manifestement un officier égyptien chargé de faire régner la discipline (flèche blanche).
Ces militaires sont représentés courbés dans une position impossible, presque à 90°, une caractéristique de l'art amarnien.

3) - Le Grand Temple d'Aton

Nous manquons de photos pour cette section. Merci si vous pouvez nous en fournir.

() Le cortège est accueilli à la porte du temple par les hommes de garde () et les fonctionnaires qui présentent des bouquets et des animaux de sacrifice. Le reste des bêtes attend son triste sort près des abattoirs qui se trouvent sous le temple.
À droite d'une cour, sur une plate-forme, on trouve ce qui semble bien être une stèle à sommet arrondi, comme chez Meryrê () (NB : je ne comprends pas pourquoi Davies veut y voir une représentation du Benben, pierre solaire héliopolitaine très ancienne).
Des statues représentant le roi et la reine sont placées à côté de l'autel principal, qui occupe le centre d'une cour à la périphérie de laquelle se dressent des autels plus petits et des chapelles latérales avec une porte. D'autres statues sont adossées à des colonnes (nous n'avons pas d'image provenant de chez Ahmès, mais on trouve l'équivalent chez Meryrê : ).
L'aspect d'ensemble de cette partie du monument rappelle le sanctuaire du Grand Temple d'Aton tel que Kemp l'a reconstitué (). À droite du sanctuaire sont représentées deux séries de musiciens dont nous n'avons pas non plus de photos.

Paroi ouest, registre inférieur : dans la Maison du Roi

() Seule une petite zone située sur le côté gauche de la paroi a été décorée. Elle est aujourd'hui très abîmée. Le bâtiment représenté est celui connu sous le nom de King's House, la Maison du Roi, un bâtiment qui se trouvait dans la partie centrale du site d'Akhetaton.
Dans l' , nous avons déjà signalé les difficultés pour faire correspondre les constatations archéologiques avec les représentations dans les tombes, qui montrent les bâtiments en plan et élévation. Chez Ahmès, on retrouve la division palatiale la plus courante, en trois secteurs, mais ici la partie antérieure a disparu et ne persistent que les secteurs moyen et postérieur.
Sous le hiéroglyphe du ciel se trouve l'Aton rayonnant qui étend ses mains sur l'édifice () et sur le couple royal en train de manger, centre de l'ensemble de la représentation.
Un curieux détail doit être noté : la voûte céleste repose sur une montagne au pied de laquelle se trouvent un arbre et un buisson (). Davies, reprenant Maspero, en fait un des deux sycomores de malachite qui pousse à l'endroit où le soleil quitte le monde sensible et pénètre dans le monde nocturne (mention dans le Livre des Morts, § 109 et 149). Il est étonnant que ce symbole d'un devenir nocturne du soleil ait été autorisé.

1) - Secteur médian

Akhénaton et Néfertiti sont assis sur des sièges à haut dossier ; celui du roi est décoré du signe de réunion des Deux Terres (le Sema-taouy). Tous les deux sont en train de manger et on notera la taille énorme du morceau de viande que tient la reine (). Deux (et probablement trois) petites princesses les accompagnent ; l'une se tient à cheval sur les genoux de sa mère, l'autre est assise sur un tabouret et il est probable qu'une troisième fille royale se trouvait dans la lacune. Sont également présents divers serviteurs, dont l'un se trouve devant la chaise de la reine et lui tend une coupe (). Derrière Néfertiti se trouvent d'autres serviteurs, des musiciennes et des dames de compagnie.

2) - Secteur postérieur

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Après un hall vient le secteur arrière, qui comporte de nombreuses pièces, dont les fonctions ne sont pas évidentes : antichambres, annexes, réserves. Comme dans le temple, on trouve un peu partout de petites tables chargées de nourriture. À la partie médiane, plusieurs musiciennes jouent de leur instrument dans ce que Davies a appelé "l'appartement des femmes".
La chambre à coucher du roi se trouve en haut, à gauche. Elle contient un lit haut, un matelas, un repose-tête, un marchepied et des guéridons sur lesquels se trouvent de grands colliers et des parfums (symbolisés par un cône d'onguent) ().

La salle transversale

Un court passage après la porte du mur nord conduit à une salle transversale comportant deux ailes, droite () et gauche (). Deux puits funéraires s'ouvrent dans le sol ; celui de droite, le principal, descend à une dizaine de mètres mais ne donne sur aucune salle souterraine. Les deux parois est et ouest situées derrière les puits ont été gravées comme des fausses portes ; en dehors de cela, il n'y a ni décor, ni texte sur l"ensemble des parois.

La niche

L'entrée, qui se trouve dans l'axe de la tombe (), est surmontée d'une structure étrange. Une porte presque identique se trouve dans la tombe de Houya. Ces structures seraient calquées sur les portes des maisons privées avec un système de claustra permettant la circulation de l'air et l'entrée de la lumière.
Les sculpteurs ont fait une erreur en gravant sur le linteau une série de symboles qui auraient dû se trouver au-dessus : colonnes, piliers djed, signe de protection Sa ; ils ont donc été comblés de plâtre, mais celui-ci est tombé, les rendant de nouveau visibles ().

La niche contient une statue assise d'Ahmès directement sculptée dans la roche de la paroi. Elle est très abîmée et, comme la niche, dépourvue de toute inscription. C'est la seule fois, avec les deux représentations dans le corridor d'entrée, que le défunt est évoqué dans sa propre tombe.