LE CAVEAU G

On descend donc dans le second caveau orienté à angle droit par rapport au premier par quatre marches, et on se retrouve ainsi 1,70m en dessous du niveau d'origine. Les parois du petit couloir descendant étaient décorées du temps de Lepsius par des images de Inerkhaou et de son fils Hor-Min à gauche et à droite de Ouabet et d'une petite fille, tous pénétrant dans la tombe; toutes ces images ont presque totalement disparues aujourd'hui.

Il existe un décalage dans l'orientation du caveau (voir plan page 1) qui fait que les parois ne sont pas alignées -comme elles devraient l'être- sur un point cardinal précis. Nous adopterons donc pour plus de simplicité les points cardinaux théologiques pour les descriptions. De ce fait l'entrée sera considérée comme étant plein Est, la paroi de droite est au sud, celle de gauche au nord et le fond du caveau est à l'ouest.

La pièce est voûtée, tapissée de briques crues enduites et peintes. La voûte presque ogivale était renforcée à son sommet par une poutre longitudinale courant du mur Est au mur ouest. Elle était formée de deux troncs de palmier liés par une corde. Disparues aujourd'hui, elles avaient néanmoins laissé l'empreinte du bois et des cordes dans le mortier du temps de Bruyère ().

La décoration du second caveau est, sur toute la hauteur, une superposition de scènes du monde funéraire disposées en trois registres. Celte imagerie polychrome, agrémentée de légendes hiéroglyphiques est empruntée aux vignettes du Livre des Morts (LdM) et place les défunts de la tombe dans un milieu tout différent de celui de la première salle.

Paroi Est (théologique)

Inerkhau-East wall-Berlin Museum Inerkhaou-caveau mur est-Musée de Berlin

Elle fut découpée puis rapportée à Berlin par l'expédition prussienne de Lepsius… On peut comparer l'image ci-contre (Berlin, merci à JJ-Hemmes) à celle des Denkmähler () avec l'aspect actuel de la paroi ().
De part et d'autre de la porte ogivale étaient représentés, en grande taille, Ahmes-Nefertari et son fils Djeser-ka-Ra / Amenhotep I, protecteurs de la communauté des artisans. L'exécution soignée des peintures est un excellent exemple de l'art ramesside de la XXe dynastie. C'est ainsi que la transparence des vêtements (tuniques à amples manches) laisse entrevoir la carnation des personnages. Tous deux sont debouts sur un mastaba et font face à l'entrée.

Le roi porte les attributs du pouvoir en main. Sa tête est coiffée d'une perruque (représentée bleue, mais ce n'est pas le casque Kepresh, elle reproduit la couleur du lapis lazuli) associée à un bandeau comportant deux uraei (trois avec le côté masqué). Aux pieds, il porte des sandales à bouts recourbés qui rappellent un peu les poulaines du Moyen-Age. Son devanteau est richement orné, ainsi que le collier Ousekh autour de son cou (). Au-dessus de la tête du souverain nous trouvons un soleil rougeâtre encerclé par un double uraeus.

La reine Ahmes-Nefertari, ("mère royale, Grande Épouse royale") encore une fois avec la peau noire, porte une ample robe plissée, serrée à la taille par un long ruban multicolore. Ses poignets et ses biceps s'ornent de bracelets, un large collier souligne son cou ; sa tête est recouverte par une coiffe composite qui associe une corniche rouge supportant deux cobras et un vautour (images de Nekhbet, déesse vautour tutélaire de Haute Égypte et de Ouadjit, déesse cobra tutélaire de la Basse Égypte). Le tout est posé sur la dépouille de vautour dont nous avons parlé plus haut ().

Sur le tympan mutilé se trouvait une déesse, ailes déployées. L'effondrement de la poutre l'a malheureusement défigurée.

Paroi nord

Elle est organisée en trois registres et quatorze scènes. La paroi doit se "lire" de l'est vers l'ouest car les défunts poursuivent leur chemin descendant depuis l'entrée vers la paroi ouest où se tient Osiris. Le parcours ascendant débutera lui sur la moitié gauche de la paroi ouest à partir de Ptah, le démiurge, et se dirigera vers l'Est en empruntant la paroi sud.

Les deux registres du haut concernent la vie dans le monde funéraire () et sont inspirés du Livre des Morts (LdM), celui du bas concerne le culte familial rendu aux défunts ().

Dans toute cette partie du caveau Inerkhaou est vêtu de manière identique. Il porte une ample robe fortement blousante et frangée vers le bas, avec de larges manches. Il est coiffé d'une perruque frisottée et frangée aux extrémités, descendant en biais vers l'avant. Il ne porte aucun bijou.

1) - Registre supérieur

Scène I

() Elle est située au contact de la paroi Est. Le défunt regarde vers le fond du caveau. Debout il rend hommage à son propre oiseau-Ba perché sur sa tombe, qui lui rend son salut. Ce faucon à tête humaine est très finement dessiné, surtout le visage. Cet "oiseau", le "Ba vivant", représente une forme immatérielle de l'être que l'on nomme habituellement "âme", faute de mieux comprendre le concept. Son rôle est extrêmement important puisque c'est lui qui circule entre le monde des vivants et le monde souterrain. Il pourra ainsi revoir la maison de son temps de vie, sentir le doux souffle de la brise du nord, …, et les ramener à la momie dans son caveau. Inerkhaou précise dans le texte ce qu'il attend : "Paroles pour se transformer en Ba vivant, entrer et sortir, et rester aux places qu'il aime, pour le Ka de l'Osiris, chef d'équipe dans la place de Vérité, Inerkhaou, Justifié et (pour) sa soeur (= ici, sa femme) , la maîtresse de maison, chanteuse d'Amon, Ouab (et) "

Scène II

() Il s'agit du défunt rendant hommage au dieu Ptah, dieu créateur qui porte en main ses insignes habituels : le sceptre Ouas, la croix Ankh et le pilier Djed. Il se tient sur le signe biseauté qui désigne Maat (voir ). Ptah, dieu des artisans, a toujours eu des relations particulières avec les travailleurs de Deir el Medineh. Le texte contient le début du § 82 du LdM : "Paroles pour prendre l'image de Ptah, manger du pain, boire de la bière"

Scène III

()

Il s'agit d'un tableau en vingt colonnes où chaque partie du corps du défunt est consacrée ou assimilée à une divinité différente, laquelle est nommée et représentée en bas de colonne. Cette section est inspirée du § 42 du LdM.

Scène IV

() Cette petite représentation est comme un résumé des chapitres des transformations auxquelles le défunt aspire. Elle est directement inspirée du § 86 du LdM : "Formule pour prendre l'aspect d'une hirondelle". L'hirondelle est particulièrement chère aux artisans de Deir el Medineh et n'est quasiment jamais présente dans d'autres tombes. Ici elle est perchée sur un tertre matérialisé par des bandes rouges concentriques.

Scène V

() Enfin le registre se termine vers la paroi du fond où nous retrouvons Inerkhaou à genoux rendant hommage au soleil levant matérialisé par le signe Akhet, deux collines entre lesquelles se lève l'astre. C'est la représentation de l'horizon en Égypte ancienne. On remarque le signe de vie Ankh qui enserre le hiéroglyphe, ainsi que deux lions qui se tournent le dos. Ils sont désignés par le texte (dérivé du § 17 du LdM) comme "Ra". Ils sont une représentation valant pour "hier" et pour "demain".

2) - Registre médian

Revenons vers l'entrée et examinons les scènes qui se déroulent vers le fond du caveau.

Scène VI

() Il s'agit d'une représentation d'une déesse tenant un signe Ankh dans la main droite, que Lepsius avait pu identifier à Hathor grâce au texte aujourd'hui disparu. Elle est tournée vers la paroi où se tenait originellement la reine Ahmes-Nefertari.

Scène VII

La scène suivante représente Inerkhaou, debout, les bras levés en signe d'adoration. Un immense serpent, dénommé Sata (= littéralement "fils de la terre"), lui fait face ().
Ces reptiles jouent un rôle ambigu dans la mythologie égyptienne. Tantôt, ils incarnent les forces hostiles, dangereuses et incontrôlables, adversaires sournois du monde créé; tantôt ils sont les formes embryonnaires d'êtres divins, voire même des plus grands dieux tels qu'on peut les imaginer avant le déploiement de la création de l'univers. Sata appartient à cette dernière catégorie, et le § 87 du Livre des Morts (à laquelle cette image pourrait servir de vignette mais qui ne correspond pas au texte reproduit ici) l'assimile clairement au soleil nocturne, qui se régénère dans l'Au-delà avant de renaître au matin. C'est pourquoi Inherkhaou lui adresse un hymne et le vénère, tel un grand dieu.

Scène VIII

Le défunt à genoux, mains levées, adore quatre chacals noirs marchant vers lui, cravatés d'une banderole rouge qui entoure les quatre cous et dont les pans retombent en deux groupes de quatre réunis.
Les chacals ne présentent qu'une seule silhouette complète, celle de l'animal le plus proche. Les trois autres sont indiqués par le débordement progressif du contour des membres et du corps. Il n'y a que deux paires d'oreilles sur les quatre têtes échelonnées vers la droite.
Il s'agit des quatre chacals Sab qui tirent la barque de Ra dans le monde souterrain. Le texte au-dessus des chacals comporte une prière qui demande à ce que le défunt soit conduit dans la barque Ouia vers Khefet-her-neb-ankhet, un lieu mythique. Il demande aussi les offrandes alimentaires réservées aux Bas de Ro-setaou (la nécropole) dans la grande salle Ousekhet des justifiés.
Le texte au-dessus d'Inerkhaou cite les membres de la famille. Ce texte permet de rattacher la tombe TT299 à notre Inerkhaou, fils de Hay.

Scène IX

() Elle représente la cérémonie de l'ouverture de la bouche telle qu'elle aurait du être réalisée le jour des funérailles (si par malheur cela n'avait pas été le cas, cette représentation y suppléerait). Devant un autel supportant un vase à libations et deux pains, un prêtre coiffé d'un masque à tête de faucon tient en main une herminette qu'il applique sur la bouche (puis sur les autres ouvertures du visage). La cérémonie se pratique sur la momie (plus exactement le sarcophage interne). Celui ci comporte un fond blanc sur lequel on a tracé des bandes rouges rappelant les bandelettes, image classique en cette XXème Dynastie.
Le rituel était commenté par le § 23 du LdM : "Formule pour ouvrir la bouche de l'Osiris Inerkhaou justifié. Ta bouche est ouverte. Ta bouche a été ouverte par Ptah avec ce ciseau en métal du ciel. Horus ouvre ta bouche. Il ouvre tes yeux pour toi."

Scène X

()
Ce qu'il reste d'Inerkhaou est assis sur un siège à pattes de lion, une main tendue vers le signe hiéroglyphique Ka qui se dresse devant lui sur un pavoi. Cette scène est mutilée par arrachage de la portion centrale. Elle offre des difficultés d'interprétation car le défunt aurait du être représenté faisant des libations et des offrandes à son Ka. Le texte d'accompagnement ne correspond pas à la vignette : "Formule pour apporter de la nourriture des champs d'Ialou, pour se mouvoir au milieu des dieux qui s'y nourrissent".

Scène XI

A l'extrémité de la paroi est représenté le signe hiéroglyphique valant pour l'ouest, l'Amentit (un faucon sur un mât, avec une plume cérémonielle), accompagné de ce texte : "formule pour commencer le chemin vers le bel horizon (le royaume des morts, dans lequel on entre par l'ouest) , pour advenir parmi les dieux qui sont là".

3) - Registre inférieur

Il s'agit d'un registre continu ne comportant pas de délimitation physique mais où l'on peut néanmoins distinguer trois subdivisions nettes.

Scène XII

() Il s'agit de la scène à l'extrême droite qui montre le couple de défunts assis devant une table d'offrandes et regardant vers l'entrée (et donc aussi la sortie!). La femme appuie sa main gauche sur l'épaule de son époux, dans un geste de protection.

Scène XIII

Le défunt est assis, tourné vers l'entrée, sur une chaise à pieds de lion, tenant le Sekhem dans sa main gauche ramenée sur la poitrine, tendant la main droite ouverte la paume en dessous vers un guéridon chargé de fard pour les yeux ().

Ce fard est renfermé dans un grand coffret blanc divisé en dix-huit cases ornées d'un œil-oudjat droit, peint en rouge. On peut aussi penser qu'il y a dix-huit petites boîtes ou sachets semblables superposés en trois rangs de six ou encore que le dessus du guéridon est vu selon la perspective égyptienne pour montrer sa décoration qui est essentielle dans le rite représenté ici.

Onze personnes s'avancent vers le défunt ou vers son effigie ().

C'est d'abord un Sem à longue perruque, le torse nu barré d'une écharpe en sautoir, le dos couvert d'une peau de panthère, les hanches et les jambes cachées par une longue jupe blanche plissée à tablier triangulaire frangé au bord. Il brandit dans la main droite un "Ouret hekaou", bâton courbé et annelé, terminé en tête de bélier, qui est l'instrument rituel pour l'ouverture de la bouche. Dans la main gauche pendante il tient un encensoir à tête de faucon. Ses pieds sont chaussés de sandales de papyrus.
Derrière lui, deux par deux, des hommes au torse nu, à la longue jupe blanche, coiffés de perruques, pieds nus, font de la main gauche levée à hauteur du visage un salut rituel. Les deux premiers ont la main droite vide et pendante ouverte devant le corps, les autres portent des gerbes de papyrus ou des lotus liés en boucle. Deux femmes tenant des flacons ovoïdes à long col terminent le défilé.

Pour onze personnages figurés en représentation sont mentionnés dans le texte d'accompagnement treize hommes et huit femmes, parmi lesquels on remarque deux graveurs. L'un d'eux, Neb-Nefer, fut probablement plus tard le chef de travaux bien connu.

Tous les gens portant le titre sa=f ou sat=f ne peuvent être des fils et des filles du défunt. Ce sont seulement des gens d'une génération au-dessous, qui cependant pouvaient, en raison du petit nombre de foyers d'artisans, avoir des liens de consanguinité entre-eux et avec le mort.
Ceux qui n'ont aucune indication de parenté sont probablement de même génération que le défunt et l'on en peut déduire qu'Inherkhaoui fut contemporain de Hor-Min, Neb-Nefer, Nefer-hotep, etc… ce qui n'est pas négligeable pour la datation de la tombe.

Scène XIV

() Une autre grande scène à nombreux personnages termine ce registre et contient quelques détails réalistes d'intimité familiale qui, s'ajoutant à l'harmonie de la composition et au soin de l'éxécution font de cet ensemble un tableau des plus réussis ( et ).

Les défunts reçoivent de la part d'un premier personnage, un "prêtre Ouab dans la place de beauté" (= la Vallée des reines), Ken, qui tient une statuette d'Osiris et un coffret à Oushebtis. Ce dernier porte le titre mais pas le nom d'Inerkhaou par manque de place. Devenu des Osiris, les défunts auront besoin de ces serviteurs funéraires pour leur éviter d'accomplir eux-mêmes des tâches pénibles dans l'Au-delà.

Vient ensuite un second homme présentant une aiguière puis un troisième. Le troisième homme est sans doute le graveur Mesou; il tient l'aiguière Hes, avec laquelle il effectue une libation, ainsi qu'un encensoir et il a le torse barré d'une écharpe; sa jupe est plus riche et il porte des sandales. Derrière eux, une femme, chanteuse d'Amon, porte un flacon effilé contenant peut être une huile parfumée ou un baume d'onction.
Remarquons le guéridon supportant un pain (?) rond (Bruyère dit "une tarte aux figues et aux gousses d'acacia" et Sigrid Hodel-Hoenes parle d'un "panier de figues").

Inerkhaou, assis face à l'est (théologique), a le menton orné d'une courte barbe carrée des vivants. Ses pieds sont chaussés de sandales. Il porte la longue robe blanche à devanteau ballonné. Son épouse, qui l'entoure des deux bras, siège comme lui sur une chaise à pieds de lion. Elle a aux oreilles des boucles d'ivoire.

Inerkhaou joue avec une mèche de cheveux d'une de ses filles qui se tient debout, toute nue, et donne un pigeon blanc tacheté de noir à une de ses sœurs plus jeune assise aux pieds de son père.
Un petit garçon debout, sans vêtements ni bijoux, pose ses mains sur les genoux de sa mère.
Enfin une dernière fille nue se tient debout près du siège de la femme et garde en mains un oiseau, pigeon ou huppe et un jeune oiselet.
Les jeunes filles vues par leur profil droit ont sur la tempe une mèche de cheveux analogue à la volute des Sem et des enfants royaux. Leurs autres cheveux sont coupés en trois mèches plates sur le front et une mèche en volute sur le sommet du crâne. Seules les filles ont des boucles d'oreilles, des colliers, des bracelets et des périscélides. Le petit garçon, coiffé comme ses sœurs, sauf la mèche temporale, ne porte aucune parure.

Devant le couple formé par Inerkhaou et son épouse sont représentés trois enfants en bas âge; un quatrième est figuré derrière eux. Conformément aux conventions égyptiennes, et quel que soit l'âge réel qu'ils aient eu au moment de l'exécution de cette peinture, ils sont représentés nus et portent une mèche caractéristique, mais sont parés de bijoux (boucles d'oreilles et/ou collier).