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Dernière mise à jour : 12-02-2024

La tombe TT 335 du sculpteur Nakhtamon fut découverte par Bernard Bruyère le 16 janvier 1925, juste au sud de la TT 336 de son frère Neferrenpet et au nord de celle de son beau-frère Qen, TT4. Il est d'ailleurs mentionné dans les deux, ainsi que dans la TT 217 d'un autre de ses frères, Ipouy. Actuellement, le rapport de Bruyère datant des années 1924-1925, malgré son caractère préliminaire, constitue la seule source d'informations concernant le complexe funéraire que nous allons présenter.
Ce complexe comportait à l'origine une cour, une chapelle et un système souterrain de caveaux. C'est ce dernier surtout que nous allons examiner car les trois chambres funéraires et leurs décors sont presque intacts. Exemple-type du style dit monochrome, les peintures sont d'une qualité exceptionnelle et font de cette tombe un des joyaux de Deir el-Medineh

Le personnage et sa famille

Par différents recoupements (Bierbrier, Davies), on sait que Nakhtamon vivait à l'époque de Ramsès II, et sa tombe peut être datée d'avant l'an 35 du règne de ce pharaon.
Nakhtamon est fils de Piay comme lui sculpteur dans la Place de Vérité, et de la dame Neferetkhaou, "maîtresse de maison". Outre sa fonction professionnelle, Nakhtamon était aussi prêtre pur (ouab) du culte d'Aménophis 1er divinisé, ce dont il était manifestement très fier.
Nebouemsheset, l'épouse de Nakhtamon, est la fille d'un Pached et de la dame Makhai, propriétaires de la tombe TT 292.
Nous n'allons pas ici détailler les fils et filles du couple, nous les retrouverons au fur et à mesure, mais il faut signaler qu'un des fils s'appelle Piay, comme son grand-père, ce qui a entrainé des confusions, notamment chez Bruyère.

Profitons-en pour souligner toute l'ambiguïté du mot "sn", habituellement traduit par "frère" telle qu'on la constate dans la tombe de Nakhtamon, car nous retrouverons certains des personnages dans d'autres tombes que nous serons amenés à présenter. En effet, "sn" est également employé pour des relations entre personnes de différentes générations (oncle, neveu, ..) que les liens soient directs ou par alliance, mais aussi pour désigner un beau-frère ou même un élève... Ainsi Nakhtamon, fils de Piay, appelle "sn" ses frères biologiques Khonsou, Neferrenpet (TT 336) et Ipouy (TT 217), mais aussi le scribe Ousersatet, qui est son beau-frère (frère de sa femme Nebouemsheset), tandis que Khaemouaset, Tjanouny et Pendoua sont les fils de sa sœur Henoutmehyt qui a épousé le sculpteur Qen (TT 4) - et donc ses neveux. Quant au dénommé Ouadjshemsou, il s'agit probablement d'un neveu par mariage de Nakhtamon (fils de la fille de sa sœur biologique, Sahti, et de l'ouvrier Khabekhnet, dans la tombe TT 2 duquel il est mentionné).
La même ambiguïté existe sur le mot "snt", féminin de "sn", qui ne désigne pas seulement une sœur, mais aussi une épouse, une nièce, une tante...

La cour de la tombe

Pour celle-ci (comme pour la chapelle) nous devons nous fier entièrement à la description de Bruyère tant l'endroit a été bouleversé. La cour est sensiblement carrée (5,70 × 5,90m) et creusée dans la falaise qui l'encadre sur trois côtés. Elle s'ouvrait à l'est par un pylône, surplombant de près d'un mètre les cours environnantes. Du côté nord, elle formait une excroissance de 3m afin d'inclure l'entrée du puits funéraire. Lors de sa découverte, la cour ainsi que la chapelle étaient enfouies sous 1m de déblais et de terre.

L'entrée de la chapelle funéraire se trouve à l'ouest ; elle était précédée d'un péristyle surélevé de 10cm et long de 1,95m sur lequel reposaient deux piliers soutenant un auvent. À gauche de l'entrée, un groupe très abimé a été taillé dans la masse rocheuse : formé d'un homme et d'une femme debout, en marche, il semble n'avoir jamais été achevé ( photo).

La chapelle

Son entrée se trouve au centre de la façade. Par une ouverture de 1,15m de long, on pénètre dans ce qui reste d'une pièce de 3,95m de largeur nord-sud pour 2,95 à 3,30m de profondeur, et une hauteur de 2,25m. Les parois ont perdu tout leur revêtement suite à un incendie : il n'en reste absolument rien.

Le puits funéraire

Il s'ouvre dans un appendice qui prolonge la cour vers le nord (). À son embouchure, il mesure 0,93 × 1,70m et descend à 7m sous terre, ce qui en fait l'un des plus profonds de Deir el-Medineh. Le puits, partiellement chemisé de briques, se dirige d'est en ouest dans la roche. Il a été foré selon la technique de l'escalier continu partant de la cour jusqu'aux caveaux. Une fois le travail dans ceux-ci achevé, la quatrième paroi du puits (correspondant aux marches) fut construite et comblée, devenant à son tour une paroi lisse (). Les dégagements modernes ont rétabli partiellement le système, sauf que c'est par un escalier de bois qu'on descend maintenant jusqu'aux caveaux.
À 3,30m du fond, les carriers ont décidé d'agrandir le puits dans le sens de la longueur (vers l'ouest) avec comme conséquence la création, au-dessus de l'embrasure d'entrée, d'un panneau de 0,95m, incliné de 30°, suivi d'une section verticale de 1,10m de haut. La portion verticale ne porte plus, en haut et à droite, que quelques traits d'un texte hiéroglyphique autrefois disposé en colonnes verticales sur fond blanc.

TLe panneau incliné conserve les restes, difficiles à voir, de deux registres (). C'est finalement sur le dessin des carnets originaux de Bruyère, mis en ligne par l'IFAO, qu'on peut se repérer le mieux (voir ci-contre).

Registre supérieur

Une déesse aux seins tombants, signe de fécondité, est agenouillée de manière très curieuse devant la montagne thébaine. Par manque de place, l'artiste a choisi de laisser les jambes dans un plan tandis que le reste du corps est placé perpendiculairement, de face, regardant vers l'observateur. Il s'agit de Nout, qui tient entre ses mains le disque symbolisant le soleil qui va entrer à l'ouest dans la Douat (le monde souterrain) et dont elle va assurer la gestation nocturne pour pouvoir le remettre au monde le lendemain. Habituellement, la déesse expulse plutôt de ses bras le disque rayonnant à l'aube, comme dans la tombe de Nebenmaat, TT219 (). Un dieu dont le corps est engainé dans un suaire se tient debout devant la déesse, sur un hiéroglyphe maat biseauté, deux fouets nekhakha à la main. Il pourrait s'agir d'Osiris.

Registre inférieur

Nakhtamon, dont le nom a disparu, et son épouse "Sa sœur, la maîtresse de maison Nebouemsheset", dont le nom reste lisible (, floue) sont agenouillés, bras levés, devant l'entrée de la tombe, qui est en même temps celle du monde inférieur. À droite se trouve une représentation de l'ennéade : dans un disque luni-solaire échancré se tiennent deux dieux momiformes dont les noms ont disparu.

L'entrée

Elle est haute de 1,85m et large de 0,75m. Elle était fermée par une porte en bois dont les charnières se trouvaient du côté nord, ce qui explique pourquoi cette face de la paroi n'a pas été décorée.
Le côté sud de l'entrée, lui, porte un décor de 0,70m de large, en deux registres superposés.
Le registre du haut est coiffé par le signe hiéroglyphique du ciel. La barque solaire vogue sur le Nil du monde inférieur (on voit les étoiles) vers l'orient. Le jeune soleil, encore en devenir, est représenté par le scarabée Khepri.
Le reste de la paroi est occupé par une grande image d'un défunt tourné vers l'entrée, bras levés, récitant un hymne mal conservé au soleil levant. Ce genre d'adoration au soleil se trouve classiquement sur les montants de porte des chapelles ramessides. Il n'est pas sûr que Nakhtamon ait été nommé, car le nom qui apparait à la fin du texte est celui de Piay.

Nous entrons alors dans le complexe funéraire souterrain, formé de trois pièces. Il était inaccessible aux vivants une fois les funérailles terminées. Les deux premières, A et B, sont sur le même niveau (à 20cm près). Ce sont des salles d'accueil où est évoquée la nombreuse famille du défunt et où étaient déposées les offrandes le jour des funérailles. La troisième salle, C, en contrebas, correspond au caveau funéraire proprement dit.