L'actuelle el Kab répond à l'ancienne cité de Nekhen, ville autrefois très importante, puissante capitale du 3e nome de Haute Égypte.
Au nord-est de la ville, on trouve une colline en grès truffée de tombes qui datent pour l'essentiel du Nouvel Empire. Parmi celles-ci, la plus renommée est celle de Paheri qui date du milieu de la XVIIIème Dynastie, sous le règne de Thoutmosis III.

LA CHAPELLE

Avec sa forme en tunnel, elle mesure environ 8,30m de long 3,80m de large et 3,50m de hauteur en son milieu.
L'excavation originale comportait : une plate-forme devant l'entrée, où le puits funéraire était creusé ; une façade sculptée maintenant très ruinée ; une chambre oblongue à toit arqué, entièrement décorée en sculptures et peintures et finalement une niche au fond, contenant trois statues.

Plus tard, une nouvelle entrée a été creusée dans la paroi est, à travers les sculptures. Deux chambres grossièrement taillées, avec un puits funéraire ont ainsi été ajoutées ().
Le sol de la chambre principale a également été ravalé, laissant des masses mal dégrossies dans les coins.

La façade de la tombe a été rapportée dans la colline, avec de chaque côté deux montants qui portaient des colonnes verticales de hiéroglyphes aujourd'hui largement détruites ( et ). De plus, comme on disposait encore sur la droite d'un espace haut et large : on y a rajouté une représentation dans le creux de Paheri agenouillé (1) adressant une prière à la déesse locale Nekhbet.

Le travail dans la tombe est de belle qualité, quoique le grès ne permette pas la finesse d'exécution qui est atteinte dans les tombes en calcaire de la région thébaine. Toutes les figures et les hiéroglyphes sont sculptés en relief levé et peints. Seuls les petits hiéroglyphes et ceux du mur du fond sont à peine incisés et remplis de peinture bleue.

La chambre principale a la forme d'un tunnel à plafond voûté, les deux parois des extrémités présentant à leur partie supérieure un aspect en tympan.
À droite, sur le mur sud (2) on trouve une représentation de Paheri tenant un bâton; il est surplombé par un bateau évoquant le pélerinage rituel en Abydos.
Sur le mur est (4), on trouve des représentations de banquet et d'adoration des Dieux, et sur le mur ouest (3) deux portions avec d'abord les représentations du propriétaire s'occupant des travaux agricoles : récoltes, chasse, pêche, chargement des bateaux… et à l'autre extrémité l'accomplissement des rites proprement funéraires.
Le mur du fond (5) est couvert d'une très longue inscription ; il est centré par une grande niche contenant trois statues (6).
Les chambres latérales sont d'exécution postérieure à Paheri et ont détruit focalement la paroi.

HISTORIQUE DE LA DÉCOUVERTE

La tombe avait déjà été repérée par les savants de l'expédition d'Égypte en 1799. Cortaz en donne une description touchante : la tombe est "comme un livre que les anciens Égyptiens nous ont laissés pour nous instruire d'une grande partie des habitudes et des travaux qui composaient chez eux l'économie de la vie civile".
En 1825 James Burton copie les scènes des deux murs de la chambre principale. Champollion et Rossellini, puis Robert Hay et Wilkinson ont travaillé à el Kab. Les publications les plus significatives furent ensuite celles de Lepsius et Brugsch.
Les mutilations qui touchent la plupart des représentations de personnages sont dues aux Coptes. Par ailleurs la présence d'enduits de recouvrement sur les scènes des murs latéraux de la chambre principale montre que des craquelures étaient déjà apparues au moment de la réalisation de la tombe et corrigées par des applications de mortier. La tombe a également eu à souffrir de tentatives de pillage par découpage des silhouettes, mais les images d'origine ont pu être reconstituées.
Une autre cause de dégradation du monument est le martelage quasi systématique des visages (au moins les nez) et enfin on signalera la quantité invraisemblable de graffiti qui couvrent les parois, la plupart datant du XIXe siècle.

LE NOMARQUE PAHERI

Quoi qu'il soit de coutume d'écrire le nom du nomarque "Paheri", les hiéroglyphes qui le désignent sont , où soit "Pahery". Nous utilisons indifféremment l'un ou l'autre.

La tombe de Paheri nous donne, associée à celle de son ancêtre , des renseignements suffisamment précis pour reconstituer, sur six générations, la vie de la famille de ce puissant prince provincial.

Son grand-père maternel était le célèbre Ahmès fils d'Abana dans la tombe duquel on trouve des inscriptions historiques uniques pour comprendre la période confuse des débuts de la XVIIIème Dynastie et de la chute des Hyksos.

De sa femme Ipou, Ahmes eut une fille, Kem, qui épousa le scribe Atefroura, un haut dignitaire thébain qui fut le tuteur du prince royal Ouadjmes. C'est notre Paheri lui-même qui fit creuser et décorer une chapelle pour son grand-père. On peut y lire : "C'est le fils de sa fille qui a conduit les travaux dans cette tombe, en faisant vivre le nom du père de sa mère, le scribe des contours, Paheri, Juste de Voix" et aussi " (une prière) pour Ahmes-fils-d'Abana, par le fils de sa fille, qui fait vivre son nom, Paheri, Juste de voix".
Partout dans la tombe cette descendance du côté maternel, considérée comme prestigieuse est mise en avant, incluant tous les ancêtres maternels et les cousins, tandis que le côté paternel est presque entièrement ignoré.

Les titres
Il est remarquable que Paheri ne possède dans sa titulature aucun des titres habituellement portés par les courtisans, par exemple il n'est pas qualifié d'"ami unique" (smr ouat).
Il semble vraiment que Paheri ne se souciait que de ses fonctions de grand propriétaire foncier et de gouverneur jouissant de la confiance du roi. Les titres qui lui sont communément associés sont ceux de nomarque (= prince gouverneur) et scribe. Il est souvent appelé nomarque de Nekheb et d'Anyt (Letopolis ou Esna) soit les deux principales villes du troisième nome de Haute Égypte.
Paheri est aussi scribe responsable du grain depuis Ant (Dendérah) jusqu'à Nekheb. Il était "supérieur des terres à grain du district sud, (celui qui) satisfait le désir de son maître, de Per-Hathor jusqu'à Nekheb". Per-Hathor (littéralement la maison, le domaine, d'Hathor) peut ici être assimilé à Tentyra capitale du sixième nome de Haute Égypte. Paheri est ainsi responsable du grain sur un très vaste secteur.
Comme son père, Paheri porte le titre de tuteur d'un prince héritier du nom de Ouadjmes. Mais il ne peut pas s'agir du même personnage puisque celui-ci est représenté comme un bébé, tandis qu'on voit figurer les enfants et même les petits enfants de Paheri. Il s'agit probablement d'un enfant de Thoutmosis I.
Les deux princes Ouadjmes ont dû mourir en bas âge, puisqu'aucun d'eux n'est monté sur le trône, ou bien il s'agissait de fils cadets du roi.
Paheri porte aussi un titre sacerdotal : il est : "supérieur des prêtres de Nekhbet"", c'est-à-dire chef des prêtres du dieu de sa ville. Nekhbet est la grande déesse tutélaire de la Haute Égypte, déesse vautour souvent coiffée de la couronne blanche, et son nom est souvent associée au titre "la Blanche de Nekheb".

LA FACADE

Sur le mur est, à droite de l'entrée de la tombe, on voit Paheri agenouillé, les bras levés vers le sud. Il est très simplement vêtu d'un pagne court. L'inscription Au-dessus de sa tête est abîmée, mais peut être reconstituée, il s'agit d'une prière à la déesse Nekhbet :
Il dit "Hommage à Toi, Maîtresse de la bouche-des-deux-vallées (nb : un autre nom de la déesse Nekhbet), Maîtresse du ciel […]
Le reste de la façade est très abîmé, notamment les deux jambages qui entourent l'entrée. À l'origine, ils portaient des inscriptions de 3m de hauteur contenant des prières à diverses divinités, prières destinées "au ka du nomarque de Nekheb, Paheri, Juste de voix (voir colonne de gauche, ).
À gauche, les deux colonnes s'adressent à Amon-Rê lui demandant ""les doux souffles du nord" ; le reste est trop abîmé pour être valablement interprété.
À droite, trois colonnes s'adressent à Nekhbet, Hathor et peut être Osiris.
Sur la première […] "Maîtresse du ciel, Henout-taouy, qu'elle donne toutes bonnes choses de son autel pour le ka […]".
Sur la deuxième a peu près la même chose.
La troisième colonne comporte l'image du vautour momifié coiffé de la couronne blanche de Haute Égypte. Certains l'identifient à Kemhes, dieu en rapport avec la cité de Hierakonpolis, située de l'autre côté du Nil.
Un autre dieu a disparu, car la suite de l'inscription demande "qu'ils donnent toutes choses, toutes offrandes pour le ka […]". Au-dessus de ces inscriptions s'en trouvaient d'autres qui sont effacées.

Le passage d'entrée devait certainement comporter des inscriptions, mais celles-ci ont complètement disparu.

LE MUR SUD

Sur la partie est, Paheri est vêtu d'un pagne remontant haut sur les reins, et d'une tunique transparente. Dans sa main droite, une pièce d'étoffe (dont la signification n'est toujours pas bien comprise) et dans sa main gauche un bâton de commandement. Sur sa droite, la colonne hiéroglyphique abîmée complète l'image de sortir de la tombe en proclamant : "sortir sur terre pour voir le disque […]".
On peut supposer que sur le côté ouest de la paroi était symétrique.
Au niveau du linteau on trouve une intéressante représentation d'un bateau dont il est difficile d'imaginer la signification, peut-être une évocation du pèlerinage rituel en Abydos, quoique ce ne soit guère l'endroit où figure d'habitude ce type de scène ().