LE PASSAGE ENTRE LES DEUX SALLES

Au centre du mur ouest une ouverture va nous conduire dans la salle longue. Les montants latéraux et le linteau portent encore une fois des formules d'offrande du type "une offrande que donne le roi…" avec une offrande alimentaire au mort. Les formules partent en sens opposé à partir du milieu du linteau. Elles sont très endommagées, tout comme les décors dans l'épaisseur du mur ().

LA SALLE LONGITUDINALE

Cette pièce a un axe est-ouest, et forme un angle droit avec la précédente. Elle mesure approximativement 3m de long pour 1,5m de large et une hauteur de 2,5m. Ces petites dimensions ont considérablement restreint les possibilités décoratives et Benia a dû faire des choix drastiques. Il n'a retenu que deux thèmes majeurs par mur, séparés par une ligne verticale bleue, tandis que le fond (ouest) est occupé par une niche contenant trois statues.

Mur sud

1) - Côté gauche

Sur cette partie gauche, nous pouvons distinguer quatre registres, montrant la déesse de l'Ouest, la procession funéraire et le pélerinage en Abydos.

a) - La déesse de l'Occident

()

Elle occupe la hauteur de trois registres. Elle arbore sur la tête le signe hiéroglyphique de l'Ouest. Elle est vêtue d'une longue robe moulante blanche, dont le style archaïque est encore souligné par le modelé de la bretelle. D'une main elle tient le signe de vie ankh et de l'autre un sceptre ouas. Son rôle est d'accueillir le mort dans la nécropole.

b) - Les deux registres du haut

Ils montrent la procession funéraire vers la déesse.

Sur le registre supérieur, quatre hommes tirent le sarcophage () jusqu'à la tombe représentée, du côté droit, par un bâtiment blanc à porte marron (, , ).
Le cercueil repose sous un dai, posé sur un traîneau (). De chaque côté, il est veillé par deux femmes, les deux grandes pleureuses qui jouent le rôle d'Isis et Nehphtys veillant sur leur frère et époux Osiris ; elles sont souvent désignées par le mot "djeret", "milan" (selon la légende, Isis, transformée en ce rapace, aurait battu des ailes afin de redonner le souffle de vie à son défunt mari Osiris puis de se poser sur son phallus afin d'engendrer son héritier Horus).

Sur le registre inférieur, des porteurs d'offrandes transportent vers la tombe des objets que le défunt a choisis parce qu'il les trouve indispensables pour l'au-delà : un miroir, un grand collier, des pagnes chendyt de lin et bien sûr des aliments ().

c) - Les deux registres du bas

Ils sont consacrés au pélerinage en Abydos, aller et retour. Pélerinage tout théorique mais qui, par la magie sympathique des représentations, est absolument "réèl". En se rendant ainsi à la ville sainte d'Osiris, le mort exprime son souhait de devenir un Osiris lui-même et de partager le sort du Grand Dieu, notamment toutes les fêtes données en son honneur.

Sur le registre supérieur, le défunt se rend en Abydos. La cité étant située au nord de Thèbes, le voyage se fait au fil du courant, contre le vent dominant venant du nord. Un bateau tracteur, dont la voile et le mât sont invisibles car rabattus, tire celui où se tient Benia (). Il est mû par des rameurs sous la direction d'un personnage représenté, fouet à la main, au-dessus de la cabine de pont. Le défunt est assis sous un dais, tenant un fouet à la main, comme on le voit dans le hiéroglyphe Gardiner A51 du mort bienheureux (). Benia est seul, ce qui est inhabituel : d'habitude, l'épouse accompagne son mari. Il s'agit d'un argument supplémentaire pour penser que Benia n'était pas marié. On trouve un cas similaire dans la tombe .

Sur le registre inférieur, c'est le voyage retour. Nous retrouvons Benia sur le même esquif () tandis que ce sont maintenant deux bateaux qui le tractent, voiles déployées, pour remonter le courant jusqu'à la nécropole de Thèbes ; l'action du vent doit être complétée par celle de nombreux rameurs ().

2) - Côté droit

Benia est assis, tourné vers le fond de la salle, avec devant lui des offrandes empilées sur une table et sur des nattes (, ).
De l'autre côté de la table se trouve un espace vide, sans aucun doute occupé par un prêtre sem sur qui les zélateurs d'Akhénaton se sont acharnés car il devait avoir revêtu une peau de félin (plus de détails sur ce sujet ). Normalement c'est le fils aîné de Benia qui aurait dû remplir cette fonction pour son père. Or Benia n'avait manifestement pas d'enfants, alors qui a pu jouer ce rôle ? Un enfant adoptif ? (il était fréquent pour les gens sans enfants d'en adopter), un serviteur fidèle ? un prêtre professionnel ? Il n'y a ni nom ni mention d'un lien familial pour nous aider.
Au-dessus du prêtre se trouve un tableau (souvent appelé "pancarte") énumérant différentes offrandes et leurs quantités : cruches d'eau ou de bière, pains divers, viandes, miel, différentes sortes de vins, de gâteaux et du natron pour différentes purifications (). Il s'agit, précise le texte d'accompagnement, d'offrandes "provenant des tables d'offrande d'Amon, le roi des dieux, et de Rê-Horakhty".

Mur nord

1) - Côté gauche

Nous trouvons ici une scène quasiment en miroir de celle que nous venons de décrire sur la paroi sud : Benia est assis devant des offrandes qui étaient consacrées par un prêtre sem qui a été martelé (, ).

Au-dessus de cette image disparue, on retrouve la "pancarte" citant les mêmes produits, avec quelques variations orthographiques (). Les décorateurs suivaient les instructions qu'on leur donnait, donc cette répétition a été voulue, soit par Benia lui même, soit par les prêtres qui l'aidaient certainement dans le choix des scènes.

2) - Côté droit

Cette section est séparée de la précédente par une grande ligne verticale bleue. Elle est divisée en trois registres comportant chacun trois scènes. Elle montre la partie la plus importante du rituel funéraire en train d'être réalisé sur la momie le jour des funérailles : le rituel de l'ouverture de la bouche. Il rendait magiquement au mort l'usage de ses sens ; le défunt pouvait de nouveau respirer, voir, entendre, se nourrir des offrandes et parler afin de se justifier devant le tribunal d'Osiris. Il s'agit d'une cérémonie longue, compliquée, avec plusieurs intervenants et comportant - comme sur la - de nombreuses purifications par l'eau, le natron, l'encens… C'est dans que ce rituel est le plus détaillé. On voit sur ce panneau une nouvelle illustration du passage des atonistes : deux des prêtres du registre du milieu et tous ceux du registre inférieur ont été effacés.

Mur ouest

Dans le mur du fond est creusée, à 1,10m du sol, une niche de 1,26m de large et 1m de haut. Elle contient trois statues taillées directement dans la paroi rocheuse () puis peintes de couleurs vives. Les portions de paroi situées au-dessus, en dessous et latéralement ne comportent ni textes, ni dessins. Les statues représentent Benia entouré de ses parents assis sur une banquette calcaire. En bon fils, il voulait ainsi associer ceux qui constituaient sa plus proche (et peut-être seule) famille à son destin dans l'au-delà. Les visages ont été mutilés dans l'antiquité () mais on peut néanmoins affirmer que les deux hommes étaient dotés de barbes. Les perruques sont individualisées et d'un travail soigné.
Benia, à l'instar d'Osiris, est vêtu d'un suaire blanc collant d'où sortent ses mains. Chacun des personnages est nommé dans une colonne par un texte originellement bleu, qui a beaucoup pâli.

LES PLAFONDS DES DEUX SALLES

Les dessins géométriques des plafonds rappellent des pièces de tissu tressées ou des carpettes que les Égyptiens avaient l'habitude d'utiliser soit sur le toit de leurs maisons, soit sur les bateaux pour se protéger du soleil. La tombe étant la maison du mort dans l'au-delà se rapproche ainsi de son habitation terrestre.

1) - Le plafond de la salle transversale

Il est presque intact.
Il est divisé en quatre caissons rectangulaires par de larges bandes jaunes dans lesquelles ont été inscrits des textes en bleu. Ces bandes sont bordées par des lignes blanches et rouges. La totalité du plafond est bordée par un grand bandeau ocre contenant un motif spiralé qui pourrait rappeler une vague déferlante, comme on en trouve dans les représentations minoéennes.
Le motif principal est fait de lignes en zigzag délimitant des formes en losange soit blanches soit ocres ; les blanches contiennent un motif quadrifolié et les ocres quatre points. Voyez les vues ( et ).

Les textes des bandes centrales jaunes sont des formules d'offrande d'une longueur inhabituelle.

Sur la partie nord du plafond : "Une offrande que donne le roi à [Amon - Rê]…et à l'Énnéade qui sont dans leurs temples. Puissent-ils donner un esprit Akh, la force et la justification et toutes choses qui proviennent de leurs tables d'offrande chaque jour, ce qui est dans leur temple, l'entrée et la sortie de Ro-setaou (= la nécropole), de respirer le doux souffle du vent du nord, de boire de l'eau dans les places où l'on boit au bord du fleuve, pour le Ka du Supérieur des Travaux dans Karnak Paheka[men].".

Sur la partie sud du plafond : "Une offrande que le roi donne à Rê, seigneur des cieux, souverain des étoiles, qui se lève dans l'horizon à l'est et se couche en silence le soir dans l'horizon de l'ouest, qui irradie les cieux et la terre de sa beauté. Puisse-t-il donner la vision du soleil dans la nécropole, le Ba pour le ciel, le corps pour la terre, l'odeur de l'encens de la table d'Ounnefer dans le temple pour le Ka du [grand con]fident du [Seigneur des Deux Terres], loué du dieu bon, l'Enfant du Kap, Paheqa[men], Juste de voix".

Le bandeau central : "Paroles dites par le Supérieur des Travaux, Paheqamen, Juste de voix. Il dit : 'Oh ma mère Nout penche-toi sur moi et place-moi sous les étoiles impérissables'".

2) - Le plafond de la salle longue

Il comporte deux caissons portant des motifs différents de ceux de la salle précédente. Il s'agit de lignes zigzagantes rouges entre les mailles desquelles sont disposées des rangées de losanges polychromes dont l'ordre des couleurs varie légèrement.
Tout le plafond est ici entouré par une bande blanche comportant une ligne rouge centrale.
Une seule ligne jaune divise le plafond et comporte une inscription en hiéroglyphes bleus : "Une offrande que donne le roi à […] et à Osiris, souverain de l'éternité. Puissent-ils donner une offrande pour le défunt : pain, bière, viande, gibier, toutes choses bonnes et pures; une libation de vin et de lait, l'entrée et la sortie de la nécropole, de faire partie de l'entourage des dieux, pour le Ka du Grand Confident du Seigneur des Deux Terres, le Supérieur des Travaux, [Pahekamen]". Voyez , et

TROUVAILLES

Dans l'avant-cour les fouilleurs ont retrouvé sous un mètre de déblais une table d'offrandes qu'ils ont replacée au nord. Cette table est anépigraphe, soit que les inscriptions n'ont jamais été réalisées, soit qu'elles se soient effacées avec le temps. Il s'agit d'une table typique du Nouvel Empire reproduisant le hiéroglyphe htp.
Comme pratiquement toutes les tombes égyptiennes, celle de Benia a été pillée dans l'antiquité. Dans les tombes contemporaines, seules celles de et celle de Kha (dont le matériel est au musée de Turin), qui se trouvent à Deir el-Medineh, ont échappé à ce triste destin.

Des cônes funéraires décoraient l'extérieur de la chapelle ; deux d'entre eux ont été retrouvés. Le premier, n°441, porte l'inscription : "Superviseur des travaux, enfant du kap, Paheqamen aussi appelé Benia, juste de voix auprès d'Osiris". Le second cône, n°544, porte : "Enfant du kap, Paheqamen, aussi appelé Benia".

Par ailleurs, quelques objets secondaires en bois provenant d'inhumations postérieures ont été retrouvés, en relation avec les momies secondairement déposées dans la tombe : cinq momies dans le complexe souterrain et seize dans les deux salles du haut.

BENIA EN DEHORS DE SA TOMBE

Il existe deux ostraca au nom de Benia qui concernent probablement le propriétaire de cette tombe. Tous deux font référence à des travaux de construction et portent les titres de notre Benia ainsi que son nom de cour. Le premier a été trouvé à Deir el-Bahari : il s'agit d'une liste de 10 hommes donnés à un certain Benia pour les travaux dans le temple de la reine Hatchepsout. Nous pourrions ainsi expliquer le style de la tombe, sa position dans le contexte de la nécropole et l'absence d'image du souverain.
Le second ostracon est relatif à la construction de la maison d'un particulier sous le contrôle d'un certain Benia.
Il existe un 3ème ostraca portant ce nom, mais sa relation avec notre Benia est douteuse : l'homme semble avoir vécu plus tard et avait femme et enfant.