TT178, la tombe de Neferrenpet encore appelé Kenro

La tombe date de la XIXe dynastie, plus précisément du règne de Ramsès II (~ 1279-1213 av. J.-C.) ; elle est caractéristique de l'époque ramesside, mais possède la double particularité d'être achevée et de posséder des statues particulièrement raffinées, qui ont été stuquées avant d'être peintes. Le propriétaire, qui se fait appeler Neferrenpet ou Kenro, est un très haut fonctionnaire, puisqu'il est "Scribe en chef du Trésor du domaine d'Amon-Rê".

SITUATION ET ASPECT DE LA TOMBE

La tombe est située Sud de la région de el-Khokha (cf , dessiné par Kampp). Son entrée se trouve au Sud-Est d'une cour prévue initialement pour la tombe inachevée de Nefermenou (TT365, époque de Thoutmosis III) qui est située dans le mur Nord. Le mur Ouest de la cour comporte aussi l'entrée de la tombe de .
Les deux tombes TT 296 et TT 178 sont de même époque et de facture proche ; TT178 est plus "animée", mieux organisée et elle semble un peu plus ancienne.
La disposition des chambres principales, taillées dans le roc, est caractéristique du Nouvel Empire sous le règne de Ramses II : un hall rectangulaire (salle A) dessert la chapelle (salle B), au bout de laquelle (au Sud, "Ouest rituel") se trouvent des niches avec quatre statues.
Fait exceptionnel, la décoration est terminée, et même les statues, dégrossies dans le calcaire, ont été recouvertes de stuc, peintes et décorées.

On pénètre dans les souterrains menant au caveau par un puits de 4,8mètres, au coin Sud-Est de la deuxième chambre. Il est probable que seules les chambres I et II sont attribuables à Kenro et à son épouse. Les autres pièces et passages sont beaucoup plus tardifs. La description complète des souterrains se trouve en fin de texte.

NEFERRENPET ET SA FAMILLE

Sur les 105 paragraphes écrits de cette tombe, son nom figure 95 fois : 86 fois en tant que Kenro, 19 fois en tant que Neferrenpet ; à sept reprises il est question de Neferrenpet appelé Kenro (Nfr-rnpt Dd (w) n.f KnrA), et quatre fois comme Kenro appelé Neferrenpet (KnrA Dd (w) n.f Nfr-rnpt). Sauf pour la lecture de textes mentionnant Kenro, nous utiliserons le plus souvent Neferrenpet qui semble être son nom officiel.

Neferrenpet avait un rang très élevé : il était "scribe principal du trésor du temple d'Amon-Ra", et il gérait les services sacerdotaux dans le sanctuaire. Il était aussi "scribe des offrandes divines dans la maison d'Amon". Sa femme Moutemouia, toujours à ses côtés, était "chanteuse d'Amon", elle fut sans douté inhumée dans la seconde chambre mortuaire qui était complètement terminée.
Les noms de la parenté de Neferrenpet sont inscrits sur les murs de la chapelle ainsi que sur les statues. Son père était Piay, prêtre pur d'Amon à Karnak, sa mère s'appelait Ouiay.

DÉCORATION DE LA TOMBE

La chapelle est complètement terminée; c'est un bel exemple de qualité picturale à l'époque ramesside, ainsi que du raffinement, de l'harmonie et de la disposition équilibrée des motifs décoratifs. Seule la zone relatant les activités des ateliers et entrepôts a fait l'objet de moins d'attention et pourrait témoigner d'une fin de décoration hâtive.

Le décor est appliqué sur une détrempe disposée sur une couche de plâtre blanc. La frise du haut (au sommet des murs principaux) sur un moulage courbe, est particulièrement soignée (vue ). Tout autour de la salle, elle consiste en une alternance de trois khakhérous, une tête d'Hathor, trois autres khakhérous, et une représentation d'Anubis avec l'oeil Oudjat d'Horus. C'est une forme de cryptogramme indiquant la vie dans sa plénitude renouvellée.

Les scènes se présentent en deux registres sur les murs des deux chambres, séparés par des bandes intercalaires. Les registres eux-mêmes n'occupent que la moitié de la hauteur murale (voir ci-contre).

Entre la frise en haut de chaque mur (sauf pour le dessus du passage d'entré et et le haut des niches), et la décoration, se trouve le motif égyptien classique en échelle, encadré par deux lignes de couleur turquoise (voir ci-dessus, limite basse).

La séparation entre les deux registres est très décorée. En haut un motif d'échelle, puis une large bande jaune ocre avec du texte hiéroglyphique multicolore, puis une autre bande à motif d'échelle. Toutes ces bandes décorées sont séparées entre elles et des registres par des bandes blanches plus étroites.

Sous le registre du bas, apparaît le même motif, au-dessus d'une large bande d'abord jaune puis rouge, limitée par des bordures noires. Le tout est séparé du sol par un bandeau non décoré de 35-40 cm, qui était peint en blanc à l'origine.

Les scènes ainsi que leurs bordures décoratives ne sont pas forcément limitées par l'extrémité d'une paroi : ils peuvent déborder sur la paroi voisine. C'est ainsi que les limites des registres se trouvent :
1) sur les côtés du passage d'entrée;
2) sur les côtés du passage de la chambre A vers la chambre B;
3) sur les côtés du passage de la chambre B vers la chambre A;
4) à l'extrémité Sud des mur Est et Ouest de la chambre B.
La fin de scène est signalée par des bandes verticales : l'une à motif d'échelle, l'autre bleu foncé, la troisième rouge. La ligne bleu foncé se prolongeant horizontalement (en haut) au-dessus de la bordure rouge; toutes ces bandes colorées sont entourées de blanc. (voir à gauche).

Détail de la frise du haut

En parcourant la tombe on note de légère différences entre les frises.
Le motif de base représente en alternance

Hathor avec un visage humain (vu de face) mais des oreilles de vache; elle porte une lourde perruque retenue par deux bandeaux rouges et une agrafe. La tête surmonte un grand signe "nb", qui lui même surmonte la lettre "t", le tout donnant "nbt" c'est à dire "maîtresse" ou "dame" (Hathor étant la "maîtresse" de la nécropole).

Anubis est sur un mastaba, sa queue pendante, avec une sorte de grand châle rouge autour du cou. Le mastaba (qui vaut pour l'entrée de la tombe) est rouge et jaune, avec des panneaux bleus est coiffé d'une corniche turquoise. Un oeil Oudjat surmonte le tout.

Les trois motifs khékhérou (des faisceaux de roseaux colorés) sont surmontés d'un disque rouge, tandis qu'à leur base se trouve un disque doré.

Les plafonds

La décoration des plafonds est très élaborée. Chaque zone comporte un ou plusieurs motif centraux de facture essentiellement géométrique formant des caissons. En tout il y a huit motifs. Ils sont entourés de bordures colorées et ont une bande de texte centrale. Ils seront décrits en détail pièce par pièce.

État général

La tombe n'a pas subi de gros dégâts bien que les deux pièces aient été occupées ultérieurement Des fractures, à l'Est du mur Sud de la chambre A, ont entraîné des glissements de la décoration sur toute la hauteur (). Le dommage le plus important se trouve sur le mur Ouest de la salle B, où le bouchon de pierre conduisant aux galeries souterraines a été arraché, ruinant le décor de cette zone.
Mais cette occupation humaine a tout de même eu quelques conséquences.
Dans la première pièce, les noirs ont palis, ce sont les jaunes qui ont souffert dans la seconde. Dans les deux salles, bleu et turquoise ont souvent viré au noir, ainsi sur l'Anubis de la frise, et sur les grappes du plafond. La nature cristalline de ces couleurs a entraîné leur combinaison avec la couche de fond, rendant le plâtre friable. On peut le voir par exemple sur le bleu foncé de la collerette de la perruque des dieux, ou sur les colliers (). Le jaune ocre présente le même phénomène, visible sur les plumes d'Hathor et le texte du mur Est de la salle B ().

Des abrasions superficielles dues aux occupations ultérieures sont notables dans la partie Est de la chambre A. Dans l'autre pièce, le dommage le plus évident se trouve près du puits, avec le martelage de certaines scènes : les démons (ainsi que leur noms) ont été éliminés (). Mais contrairement à d'autres tombes thébaines, les visages humains peints ou ceux des statues assises n'ont pas été défigurés.

Enfin, l'installation d'une porte trop grande pour l'ouverture a entraîné la perte de ce qui restait des trois colonnes de texte à gauche de l'entrée.

LA FACADE

L'état actuel de l'architrave ne permet plus d'identifier aucune trace de décoration.
D'après les photos de 1920, prises lors de la restauration, le montant gauche présentait le couple adorant Osiris, près de cartouches de Ramses II.
Pour mémoire, on retrouve aussi des cartouches à l'entrée des autres tombes de la cour, tombe ramesside et TT365 Nefermenou datant de Touthmosis III.

Des deux côté de l'entrée il y avait des colonnes de texte, dont seules subsistent des traces de trois d'entre elles à droite et d'une à gauche. Elles contenaient les formules d'offrande usuelles ("Une offrande que le roi donne pour…").
Les dieux identifiés sont à gauche Isis, et à droite Amon-Ra, Ptah-Sokar et Hathor.

PASSAGE D'ENTRÉE

A la différence du reste de la tombe ou les décors sont peints, les murs Est et Ouest du corridor d'entrée (comme ceux de l'entrée dans la pièce B) sont en relief dans du stuc, procédé souvent utilisé à l'époque amarnienne.
Les deux murs sont dégradés, le mur Est plus que celui de l'Ouest.
Ils sont consacrés à des scènes d'adoration du soleil (hymne au lever et au coucher) où l'on trouve Ra et Atoum.
En effet, à l'époque Ramesside, on assiste d'une part -conséquence de l'époque amarnienne- à la remontée en puissance des cultes solaires héliopolitains. Mais parallèlement, on insiste aussi sur l'action complémentaire dans leurs périples diurnes et nocturnes des deux grands dieux du monde terrestre et du monde de l'Au-delà, Ra et Osiris, l'un représentant le Ba de l'autre.

Mur est

Neferrenpet et Moutemouia font face à l'extérieur dans une posture d'adoration.
Neferrenpet -à la différence de la représentation du mur opposé- porte une barbe, et une perruque non-ourlée. Il est décoré d'un collier jaune à rangs rouge et bleu foncé.

Moutemouia est coiffée d'une perruque tombant sur ses hanches, un cône de parfum avec des lotus et un très large bandeau fleuri rayé jaune-rouge-bleu-blanc. Elle porte un collier d'or; dans sa main droite abaissée elle tient le collier Menat et trois tiges de papyrus tressées. Ses vêtement sont blancs, souplement plissés, et on distingue le rose de la peau en transparence. Des lignes rouges soulignent les plis.
Le texte d'accompagnement est celui de "l'adoration de Ra".

Mur ouest

Le couple entre dans la tombe. Tous deux portent des vêtements rouges, avec un collier bleu-rouge-blanc et des bracelets d'or. De fines lignes rouges soulignent le dessin et les plis des vêtements. Ils lèvent les bras en adoration.
Neferrenpet est plus grand et de peau plus foncée que son épouse. Son vêtement est ajusté pour faire ressortir son ventre. Sa perruque, les sourcils et les pupilles sont effacés.
Moutemouia, robe nouée sous la poitrine, se tient derrière son mari, bras gauche levé, tandis que dans sa main droite abaissée elle tient une tige de papyrus. Son bandeau est noué derrière la tête, et elle porte en boucle d'oreilles des disques rouges, recouverts partiellement par la longue perruque. Elle est coiffée d'un petit cône de parfum strié.
Le texte d'accompagnement est celui de 'l'adoration d'Atoum"

Plafond de l'entrée

Il est très mal conservé. Sensiblement carré, il est entouré de la bordure rayée propre à cette tombe, avec la séquence colorée : blanc-bleu-blanc-rouge-blanc-bleu-blanc (en allant vers l'intérieur). Ces bordures entourent une zone centrale divisée en deux par une bande de texte. Chacune d'elle est elle-même entourée du motif en échelle.
La composition est faite de rubans jaunes enroulés en spirale avec des rangées de disques rouges, dont le centre bleu-vert est entouré d'un cercle de points blancs. Le centre des spirales est bleu foncé. La zone entre les décorations était à l'origine remplie par des rhombes bleu-vertes. Il n'en reste que des traces.
Le texte va en colonnes de la porte vers la chambre A. Il comporte les formules usuelles : "Une offrande que le roi donne pour Osiris…"