TT55, la tombe de Ramose Vizir d'Égypte

Situation de la tombe

HISTOIRE DE LA TOMBE

La tombe thébaine n° 55 (dite "tombe de Stuart") est située au pied de la colline de Cheikh Abd el-Gournah, non loin du temple mortuaire de Ramsès II - le Ramesseum. Outre sa qualité exceptionnelle, elle a une importance historique, car elle date du passage encore controversé entre le règne d' d'Amenhotep III et celui d'Amenhotep IV/Akhenaton.

Il y a deux représentations d'Akhenaton dans la tombe elle-même. Il est intéressant de noter que le couple royal est représenté sans l'une de ses filles. Cela suggère que les décors ont été créés durant les premières années du règne d'Akhenaton. Par ailleurs, la coexistence de styles différents dans ces décors et le flou qui entoure les fonctions exactes exercées par Ramose à cette période, ont joué un certain rôle dans le débat sur une corégence entre les deux souverains.

La persécution du dieu Amon sous Akhenaton a entraîné des dégradations dans cette tombe, comme ailleurs. "Ces dégâts ont été grossièrement rectifiés, en relief profond, et recouverts de plâtre liquide de la manière la plus maladroite qui soit" (Davies). Après la période amarnienne, lorsque les noms et les images d'Akhenaton et de Néfertiti ont été à leur tour effacés, Ramose lui-même ne semble pas avoir subi le même sort, peut-être parce qu'il appartenait à une famille influente.

Peu de temps après, le plafond rocheux de la tombe s'est effondré. Il est possible que les chambres funéraires creusées dans le voisinage à l'époque ramesside soient indirectement responsables de cet effondrement. La tombe étant inaccessible, les reliefs et les peintures sont extrêmement bien conservés. Toutefois, probablement à l'époque ramesside, l'inaccessibilité d'une grande partie de la tombe n'a pas empêché un autre personnage de se l'approprier. Le mur de briques qui délimite aujourd'hui la cour et peut-être aussi les deux bases et les moignons de colonnes en grès qui se trouvent à côté de l'entrée, lui sont dus. Il est possible que ces colonnes aient autrefois fait partie d'un portique.
En outre, c'est probablement lui qui a fait ériger deux murs parallèles en briques crues au milieu de la salle transversale, séparant ainsi des amas de gravats le chemin qui conduit vers la chambre funéraire.
Deux tombes non inscrites ont été creusées dans les parois rocheuses, l'une au nord de la cour, l'autre au sud. Celle du sud (TT 331) date de la période ramesside et est partiellement décorée.

Avant que Henry Windsor Villiers Stuart n'attire l'attention sur la tombe, celle-ci était déjà connue, et la partie supérieure de la porte intérieure avait été repérée. Elle était visible au-dessus d'énormes amas de pierres et de sable, mais malgré cela, personne n'avait poussé plus loin les recherches. Villiers Stuart fut le premier à s'intéresser de plus près à ce site. En février 1879, il reconnut le soleil rayonnant d'Akhenaton et vit apparaître les contours du relief gravé. En 1882, il met au jour une partie considérable du mur sud. En 1884-85, Gaston Maspero autorise de nouvelles fouilles révélant des parties du mur sud. Mais tous ces travaux furent réalisés sans précaution et conduisirent à la destruction des débris qui avaient glissé au sol.

En 1904, A.E. Weigall, aidé par Robert Mond et avec le soutien du Metropolitan Museum de New York, travaillent sur le site entre 1924 et 1927. Ils dégagent un passage autour de la nef sud, puis Mond entreprend une exploration systématique et enlève les énormes amas de déblais. La direction des travaux sur le terrain est confiée à Walter B. Emery. L'entrée, la cour et la grande salle hypostyle sont mises au jour. Le mur d'entrée est reconstruit et douze répliques de colonnes sont érigées dans la salle sur les bases et les restes des colonnes d'origine. Notons que Davies doute de la validité de cette reconstitution : "...toutes les colonnes de la grande salle avaient des fûts unis à partir du col vers le bas et il n'y a aucune preuve convaincante que celles de la nef aient différées en quoi que ce soit, puisque tous les détails décoratifs qui se trouvent sous les cols peuvent provenir des colonnes de la salle intérieure." En outre, la chambre funéraire a été mise au jour et divers fragments trouvés lors des travaux peuvent été recollés.
En 1927-28, le Service des Antiquités charge l'ingénieur Émile Baraize de construire un toit plat avec de nombreuses surfaces vitrées pour laisser passer la lumière. Il ajoute également une treizième colonne en grès pour éviter les chutes de rochers en surplomb.

ARCHITECTURE

Tombs north of Ramose Tombes au nord de celle de Ramose

Tombs south of Ramose Tombes au sud de celle de Ramose

Le complexe funéraire n'a pas été achevé en raison des circonstances politiques.
Un large escalier de 25 marches taillées dans la roche menait à la grande avant-cour de la tombe. Une rampe centrale était destinée à la descente d'un sarcophage. La forme de l'avant-cour était irrégulière car l'architecte a choisi de respecter les tombes antérieures (par exemple TT342 et TT346). L'enceinte de la cour d'origine n'est plus visible aujourd'hui.

East wall; door to the inner room Mur est et porte vers la salle longitudinale

Entrance and west wall Entrée dans la tombe et mur ouest

La disposition de la tombe est conventionnelle, mais ses dimensions et sa décoration élaborée sont bien plus impressionnantes que d'habitude, ce qui s'explique par le rang élevé du propriétaire. Seuls trois murs de la salle transversale sont décorés, tandis que le mur nord-est et le reste de la tombe ont été laissés anépigraphes.
Cette salle a été transformée en une grande salle à colonnes. Quatre rangées de huit colonnes papyriformes soutenaient autrefois le toit. Il n'en reste que les bases arrondies ou des moignons de fûts. L'axe de la salle longitudinale est souligné par les restes d'un mur de briques (). Dans la salle adjacente, il y avait autrefois huit colonnes, plus petites que dans la salle transversale, qui sont maintenant détruites. (). Trois niches ont été ébauchées dans cette pièce.

La descente vers le sloping passage en pente comporte un escalier avec une rampe centrale ; elle commence dans l'angle sud-ouest de la salle transversale et se dirige vers l'ouest. Après trois virages - en direction du nord, de l'ouest et du nord - on atteint la chambre funéraire (pour savoir ce qu'est un sloping passage, voir sur ce site).

La chambre funéraire

Il s'agit d'une pièce impressionnante, à quatre piliers, dont le grand axe court d'est en ouest, à environ 4,5m sous le sol de la chapelle.
Le plafond de la nef centrale est voûté, les nefs latérales ont un plafond plat. Le mur du fond est percé de trois ouvertures. Chacune présente un encadrement en saillie et une corniche (). La porte centrale mène à une pièce plus éloignée. Davies décrit avec précision les chambres et les niches achevées ainsi que celles qui étaient prévues : "La porte de droite, également pourvue d'un rouleau et d'une corniche au-dessus du linteau, est incomplète, l'intérieur n'étant enfoncé que de quelque 3 pouces (environ 7,6 cm)".

D'autres salles étaient prévues dans les murs latéraux du hall, près de ces deux portes ; elles aussi bénéficient d'une corniche à gorge au-dessus de la porte. Celle de gauche n'est qu'ébauchée. Celle de droite (sud) méne à une petite chambre dont les murs sont très irréguliers, sauf dans la partie supérieure près de l'entrée ().

Au bas des murs latéraux se trouvent deux de ces petites niches souvent taillées dans les chambres funéraires pour contenir des briques ou des figurines rituelles. Elles protègent le défunt (voir par exemple , avec la formule 151 du Livre des Morts). Ces niches semblent avoir été utilisées, puis ultérieurement scellées par une dalle. Il y a également un loculus assez profond dans l'angle nord-ouest de la salle : il est grossièrement taillé et était peut-être destiné à accueillir un cercueil de type tardif, en forme de berceau, réalisé en poterie, qui repose encore dans la salle ().
L'axe de la porte orientale comporte une corniche si grande qu'il s'est avéré plus facile de creuser une fente et d'y insérer des pierres façonnées que de la tailler dans la roche (). Une petite pièce à l'intérieur a un plafond voûté et une porte au-delà devait mener à une pièce plus profonde. Mais la porte cintrée de cette dernière, ainsi que celle de la pièce intérieure, n'est dégagée que sur la moitié de sa hauteur... Parmi les quinze petites fosses funéraires qu'on trouve au niveau supérieur, les deux situées devant la seconde porte pourraient être contemporaines, destinées à accueillir des parents décédés pendant la construction.

DECORATION

West wall, southern part Mur ouest, partie sud

Ce n'est qu'au pied de la montagne de Cheikh Abd el-Gournah que le calcaire est si ferme et si fin qu'il a été possible de sculpter des reliefs dans les tombes qui s'y trouvent. Mais là aussi, il a fallu combler des trous et des fissures et parfois même insérer des plaques de calcaire. La tombe de Ramose est donc l'une des rares tombes privées à présenter des reliefs. De plus, ils sont ici extraordinairement soignés et finement travaillés. L'absence de couleurs sur les reliefs est remarquable. Certains personnages montrent déjà une esquisse préliminaire au niveau des yeux. Cependant, on peut supposer sans risque de se tromper que les reliefs étaient prévus en couleur, comme c'était l'usage. Cette supposition est confirmée par des fragments de motifs de plafond et de textes. La représentation des rites funéraires était également prévue en relief. Cependant, les travaux sur ce thème ont dû être abandonné par manque de temps. Aujourd'hui, on peut voir la juxtaposition de reliefs peints et de peintures, qui se fondent entre eux. La juxtaposition des parties est si bien faite que l'observateur remarque à peine la différence. Le mur nord n'est que nivelé, mais autrement complètement inachevé ().

RAMOSE ET SA FAMILLE

Ramose

Bust of Ramose wearing the vizier's robe - Granodiorite. Überseemuseum, Bremen Buste de Ramose portant la robe de vizir - Granodiorite. Überseemuseum, Bremen

Ramose devient vizir dans les dernières années du règne d'Amenhotep III et occupe toujours cette fonction sous Amenhotep IV/Akhenaton. C'est ce que suggèrent les inscriptions de Bigeh et de Sehel ainsi que des inscriptions sur pot provenant de Malqatta. À Soleb, il est représenté avec son collègue Amenhotep lors de la fête Sed de la 30e année d'Amenhotep III. Une représentation de lui est également connue dans le temple mortuaire d'Amenhotep III. Ramose n'était apparemment pas vizir de tout le pays, mais il n'est pas possible de déterminer précisément qui, de lui ou d'Amenhotep, était vizir de Haute ou de Basse-Égypte. Ramose a probablement suivi Akhenaton à Amarna, bien qu'aucune tombe à son nom n'y ait jamais été découverte. Il est même possible qu'il ait conservé son poste de vizir à Thèbes pendant une courte période sous Akhenaton. Si Ramose a jamais occupé le poste de vizir à Amarna, ce ne fut que pour une brève période. Aucun de ses proches n'est mentionné ici, à l'exception de son neveu Ipi. À Amarna, on connaît un linteau de porte lui appartenant et on sait qu'il a écrit de Memphis une lettre au roi, qui se trouvait déjà à Amarna.

L'épouse et la parentèle de Ramose

L'épouse de Ramose se nomme Meryt-Ptah, ce qui pourrait renvoyer à une origine memphite ; elle est intitulée "parure du roi, chanteuse d'Amon, favorite de... (Hathor ou Mout ?)". Il semble qu'ils n'aient pas eu d'enfants. Sa mère se nommait Ipouya, "favorite d'Hathor" et son père Neby/Heby, "superviseur du bétail d'Amon dans le district nord", titre lié à Memphis, "superviseur du double grenier d'Amon dans les nômes du Delta, et scribe".
Le nom du père est écrit "nb (Nebi") dans la tombe de Ramose. Il s'agit probablement d'une formulation incorrecte du nom. Peut-être par erreur, le hiéroglyphe ֚"ḥb" (Gardiner W3) n'a pas eu le dessin intérieur én losange, de sorte que le hiéroglyphe se lit "nb" (Gardiner V30). Cette hypothèse est étayée par un cône funéraire d'une tombe d'un dénommé Hebi aujourd'hui à Florence. Il était "compteur de bétail d'Amon dans les nômes de Haute et Basse Egypte". La similitude des titres permettent de supposer qu'il s'agit bien du père de Ramose.

Le frère de Ramose

Le frère de Ramose s'appelle Amenhotep - pas le vizir ! - il est "le prince et noble, confident du dieu bon (le roi), surveillant de tous les artisans du roi, sincèrement aimé de lui, grand intendant du roi dans le nôme Memphite, surveillant de la double maison de l'argent et de l'or, chef de la fête de tous les dieux dans le nôme Memphite, vrai scribe du roi, aimé de lui, aimé du seigneur d'Égypte, dont la position est le résultat de ses capacités, que le roi a placé plus haut que ceux qui étaient plus grands que lui."
Il a été suggéré que la mère de cet Amenhotep était une dame Tutuja, première femme de Neby/Hebi.
L'épouse d'Amenhotep se nomme May, "chanteuse d'Amon, favorite de la dame d'Égypte", leur fille Meryt-Ptah est l'épouse de Ramose.

Titres portés par Ramose

Administratifs:

"vizir, gouverneur/maire de la ville, surintendant des documents, surintendant des travaux sur les grands monuments, administrateur de l'Égypte du Sud et du Nord, bouche qui donne satisfaction dans tout le pays, régent de tout le pays."

Judiciaires:

"juge, juge de la haute cour, bouche de Nekhen (Hierakonpolis), prêtre de la justice, juge dans la décision des affaires, dispensant la justice, rendant la justice quotidiennement et la présentant au palais de son seigneur, celui qui fait le bien et déteste le mal".

Sacerdotaux :

"Superviseur des prêtres de l'Égypte du Sud et du Nord, superviseur des temples de tous les dieux, le plus grand des voyants, sur les secrets des écrits sacrés, chef des offrandes aux dieux, au courant des secrets des deux déesses serpents, connaissant les mystères de tous les dieux, connaissant les mystères de l'On du Sud (Hermonthis/Ermant), connaissant les secrets du monde souterrain, entrant dans les secrets du ciel et de la terre, prêtre-sem, dirigeant tous les fonctionnaires (lit. tous les pagnes-šndyt)".

Ne sont pas mentionnés les titres honorifiques ainsi que les titres liés à la royauté, à la bureaucratie et au peuple.