Salle longitudinale

Nous avons signalé qu'elle est tout à fait originale chez Rekhmirê en raison de son plafond qui monte parallèlement à la surface de la colline, selon un angle de 12°, pour atteindre presque 8m à l'extrémité ouest. La salle a une largeur inférieure à 2m, mais une longueur de près de 30m. Les vastes dimensions des deux parois nord et sud ont permis la réalisation d'un programme iconographique abondant et varié.
Chaque paroi comporte des scènes "profanes" dans sa moitié est et des scènes "religieuses" dans sa moitié ouest, mais on sait que cette distinction est assez artificielle.

Mur est

C'est celui qu'on voit en se retournant après être entré dans la pièce. Il est occupé par l'ouverture d'entrée qui est bordée de deux jambages et surmontée d'un linteau.
Les jambages droit et gauche comportaient chacun quatre colonnes verticales de texte, mais celui-ci a en grande partie disparu ().
Sur le linteau sont inscrites quatre lignes horizontales d'un texte où Rekhmirê montre sa proximité avec les dieux :
"Le vizir, le prince, le confident qui peut approcher la personne du dieu (= le roi), celui qui est dans le cour d'Horus, maître du Double-Pays, le notable à qui les cours se dévoilent, le prêtre-sem, le superviseur de tous les pagnes de cérémonie, le sab, le juge, le défenseur de Nekhen, le prêtre de Maat, le dispensateur de la Maat pour le seigneur du Double Pays, le maire de la Cité (= Thèbes), Rekhmirê. Il dit : C'est Hepet qui desserre les liens qui sont sur ma bouche. C'est le dieu de ma cité qui s'avance en tant que Thot, complètement équipé de mes formules ; il a desserré les liens de Seth qui étaient sur ma bouche afin qu'il puisse s'opposer à Atoum après que Thot les aient mis en place (?). Ma bouche n'est plus fermée, ma bouche est ouverte par Ptah au moyen de ceci, son ciseau de cuivre avec lequel il a ouvert la bouche des dieux. Je suis Sekhem-Outet (déesse inconnue) qui est assis dans le grand Ouest du ciel. Je suis la déesse Sahyt, la grande au milieu des akhou (= les transfigurés) d'Héliopolis. En ce qui concerne ma magie et tous les mots que j'ai prononcés, les dieux se sont levés pour eux, toute l'Ennéade des dieux et toute l'Ennéade des déesses".

Mur sud

Il est divisé en deux grandes parties distinctes (). La moitié est comprend des scènes profanes qui se déroulent dans le temple d'Amon, la moitié ouest comporte toute une série de rites en rapport avec les funérailles et se termine par le couple de défunts assis devant une table d'offrandes.

Partie est (gauche) de la paroi : inspection dans le temple d'Amon

On peut, à visée didactique, diviser la section en quatre zones, comme le montre le dessin ci-dessus, auquel il est conseillé de se référer pour toute cette paroi.
À l'extrémité droite de chaque partie se trouve le vizir, assis ou debout, vêtu de sa robe si reconnaissable (une sorte de sac serré à la hauteur des seins et retenu par des bretelles, frangé à sa partie supérieure) et tenant en mains les insignes de sa fonction (, ). Il est accompagné de ses aides qui se trouvent derrière lui sur trois registres et il est surmonté d'une légende.

Zone 1 : surveillance de la rentrée des biens dans le Trésor d'Amon

Rekhmirê est assis à droite sur un tabouret léger ; il porte la robe de sa fonction et tient une canne et un sceptre kherep (). À ses pieds, disposés sur trois sous-registres, d'autres personnages "flairent la terre" (). Au-dessus de lui, on trouve ce texte : "Le vizir Rekhmirê. Percevoir (la plante) ouaeh et le miel dans le Trésor du temple et mettre sous scellé tous les biens donnés en offrande dans le temple d'Amon, dans le cadre de sa fonction de superviseur des écritures". Trois registres sont situés devant lui, de longueur très inégale du fait de la pente du plafond ().

Premier registre

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Deux paysans "flairent la terre" ; derrière eux se trouvent des sacs dans lesquels ils ont transporté les tubercules de la plante ouaeh qui se trouvent maintenant en gros tas devant eux. D'autres paysans en mesurent la quantité à l'aide de boisseaux et des scribes notent le résultat. Texte : "Recevoir les tubercules ouaeh dans le trésor du temple."
Les tubercules ouaeh sont les rhizomes du souchet comestible (Cyperus esculentus) ; ils sont connus sous les noms d'amandes de terre, Tiger nuts, choufa. Ces rhizomes jaunes forment de petits tubercules qui virent au brun jaunâtre à maturité. Ils se consomment séchés et prennent alors la forme et la taille d'une noisette fripée ; ils sont riches en sucres (amidon, saccharose) et lipides. Ces rhizomes apparaissent plusieurs fois chez Rekhmirê toujours à proximité du miel qui servait à sucrer les gâteaux et certains pains.

Second registre

Il est divisé en deux parties inégales : boulangerie et apiculture.

Boulangerie

Deux hommes pilent les rhizomes dans un tronc d'arbre évidé avec la légende : "Broyer les rhizomes dans le Trésor d'Amon, seigneur des trônes du Double Pays, afin de faire les offrandes aâbet lors de chaque fête que Sa Majesté a établie" (). La "farine" obtenue par ce broyage rudimentaire présente une texture grossière, malgré le tamisage (, ) ; de plus, elle ne contient pas de gluten et doit donc obligatoirement être mélangée à de la farine de blé ou d'orge pour la confection de pains ou gâteaux. Deux hommes préparent la pâte dans un récipient posé sur un trépied, l'un tourne la préparation à l'aide d'une spatule, l'autre verse un liquide indéterminé (graisse, miel ?) (). Puis on voit plusieurs personnages modeler la pâte sous forme de cônes sur une plaque de pierre ou de bois (). On notera qu'il n'y a pas de moule à pain et que le seul four représenté est à l'arrêt. Les gâteaux sont cuits dans une sorte de poêle posée sur un brasero construit en briques (). Comme le dit la légende, une matière grasse est ajoutée dans la poêle : "Ajouter de la graisse et cuire les gâteaux Sat". On voit le résultat sous forme de gâteaux ovales ou triangulaires, rouges à bordure jaune qu'un homme transporte au lieu de magasinage à l'aide d'une palanche ().

Apiculture

Le miel et les dattes sont les principaux produits sucrants en Égypte ancienne. Toutefois, les scènes d'apiculture sont rarement représentées, bien qu'on en trouve depuis l'Ancien Empire. Un homme à genou s'affaire à sortir les rayons de miel qu'il empile dans deux plats, tandis que son aide enfume les abeilles (peinture Nina Davies sur ). Un bol contient de la cire d'abeille blanche. À gauche, deux hommes scellent de grandes jarres sans nul doute pleines de miel liquide, tandis que deux autres s'affairent autour de plats rouges beaucoup plus larges, l'un recouvrant l'autre, scellés à la cire (une bande blanche est visible sur l'image ).

Troisième registre

Il concerne pour moitié le transport vers le lieu de stockage et pour moitié les bâtiments du Trésor.

Transport de produits vers un magasin du Trésor

Ce sont surtout des amphores et des jarres contenant du vin et de l'huile - deux produits du nord - qui sont transportés.

Les porteurs sont les débardeurs qui ont déchargé les bateaux d'approvisionnement (cf plus bas) ; beaucoup sont vêtus d'un pagne en cuir, marque des couches sociales inférieures. Ils sont dirigés par un "Capitaine de la barge des offrandes du temple d'Amon" ; la légende dit : "Porter le vin dans les magasins du temple. C'est le vizir Rekhmirê qui en prend livraison". La scène des hommes au travail est particulièrement réussie. Au milieu des porteurs on voit un homme qui, épuisé, pose son amphore à terre () ; aussitôt, il se fait houspiller par un contremaître : "Soulève-la, ne t'attarde pas !" (). Devant lui, deux hommes, ployant sous la charge, transportent à l'aide d'une perche une grosse jarre entourée d'un filet (). Ils sont précédés par deux personnages qui portent de grands fagots de ? (, ). Deux surveillants, tournés en sens inverse, invectivent les hommes : "Dépêchez-vous, on vous attend alors que vous venez de sortir avec la jarre !".

Ces différents produits s'empilent devant l'entrée d'un magasin dont le nom a été effacé ; il est construit en briques crues avec une porte dont les montants sont en pierre (). Devant l'entrée se tient un "Scribe du Trésor (per hedj) " tandis qu'un autre scribe est en train de "Recevoir la contribution de l'oasis du sud (Kharga) ainsi que celle du Delta en présence du maire, le vizir Rekhmirê". Une fois la réception terminée et les marchandises scellées, les responsables retournent en rendre compte au vizir ; nous les retrouvons du côté droit de la scène, debout, bras respectueusement croisés, puis flairant la terre () avec ce texte ; "Réjouis-toi Ô prince, toutes tes affaires sont florissantes ! Les Trésors (au pluriel) débordent avec les redevances de tous les pays étrangers : huile de moringa, encens, vin de Basse Égypte [sans] fin, toutes les merveilles de Pount, des sacs et des bourses remplis de bonnes choses au nombre de millions et de centaines de mille. Pour le roi de Haute et Basse Égypte, Menkheperrê, qu'il vive ! C'est lui qui te favorise chaque jour."

Les bâtiments du Trésor

Trois magasins à toit voûté sont représentés avec leur contenu sur le côté gauche.

Le premier magasin n'a plus de nom (). Il contient des paniers de fruits (ou de rhizomes ?) ainsi que d'autres paniers ovoïdes fermés dont le contenu reste un mystère, mais aussi des pots et des vases à décor géométrique avec même des représentations humaines (). Par ailleurs, on identifie des sandales, des amphores, mais on reste plus perplexe devant des "sacs" violacés avec une anse en corde (ils proviennent des oasis ou de Pount) et les ballots grisâtres (vêtements ou rouleaux de lin non blanchis ?).

Le second magasin se nomme "Les trésors d'or et d'argent appartenant au temple". Il contient des produits d'origine nubienne (, , ) : plumes d'autruche, paniers coniques, fagots de ?, gourdes (?) blanches, boucliers de peau, billes d'ébène. En dessous on trouve des défenses d'éléphants, une peau de léopard, des amas de noix doum que plusieurs singes essaient de voler (). Plus bas s'accumulent de nombreux arcs, des lingots d'or et d'argent, de l'or en anneaux et en poudre dans des sacs fermés ().

Le troisième magasin porte simplement le nom de "Magasin du temple". Il contient pourtant des biens très précieux venant de pays étrangers : des sacs de turquoise, de cornaline, de lapis-lazuli, des blocs d'argent, du lin en ballots et en rouleaux, des jarres d'encens et d'onguents, des fragments de résine en tas, des fagots de roseaux, des anneaux d'argent et de l'"or du sud" en lingots, d'autres lingots de cuivre ainsi que des jarres d'huile d'olive.

À l'extrêmité gauche se trouve l'entrée de la "Double maison de l'argent et double maison de l'or". Elle ressemble au pylône d'entrée d'un temple (, flèche).

Zone 2 : récompense des serves et travail des serfs

()

Rekhmirê a été entièrement martelé, tandis qu'il persiste quelques-uns de ses aides derrière lui. Au-dessus du vizir se trouve cette légende : "Rekhmirê inspectant les serves que Sa Majesté a ramenées de ses victoires sur les pays du sud et. à un très grand nombre qu'on ne peut compter, et les enfants qu'elles ont eues". Il s'agit donc de femmes razziées.
Sur la partie haute des deux registres supérieurs courent deux textes : "Rekhmirê inspecte les serfs appartenant au temple d'Amon, ainsi que des ateliers appartenant au temple, (celles) que le roi a ramené comme prisonnières, ainsi que leurs enfants comme tribut. Leur donner des pelotes (?) de lin, des onguents et des vêtements en tant que leurs fournitures annuelles…" et "Rekhmirê fait une inspection de l'atelier dans Karnak et des serfs que Sa Majesté a ramené de ses victoires sur les pays du sud et du nord, le fleuron du butin. (Lui) le dieu parfait, le seigneur de l'Égypte, Menkheperrê - vie, santé, force - pour la confection du lin royal, du lin blanchi, du lin fin… du lin serré. Ils présentent leurs vêtements à Amon pour toutes ses fêtes, qui correspondent dans leur nombre aux millions d'années du souverain…"

Sur le côté gauche, on voit s'amonceler les produits qui vont être distribués aux femmes, sous forme de pièces de lin, de paquets ou de gros sacs (qui contiennent peut-être du fil de lin ?) ; des scribes comptabilisent tout cela (). Des hommes vêtus à l'égyptienne circulent parmi les femmes pour leur distribuer ces pièces de tissu (deux hommes sont en train d'en couper une en deux), ainsi que des onguents liquides (prélevés à partir de jarres) ou solides (dans des plats) ().
Leur habillement et leur coiffure permettent de distinguer des femmes hittites, nubiennes et syriennes (, ) ; certaines sont accompagnées d'enfants qu'elles tendent parfois devant elles.
Le registre sous-jacent montre l'énorme accumulation de pièces de lin et de vêtements qui leur sont apportés aux serves par des hommes.
Le troisième registre, très détérioré, comportait des scènes de labour et d'élevage, activités auxquelles on affectait préférentiellement les prisonniers de guerre.