Kheperkheperourê-Ay est le 14ème pharaon de la XVIIIème dynastie, et succède pour un bref règne de 3 ou 4 ans (1346-1343 environ avant J.-C.) au jeune Toutankhamon prématurément décédé. Avec lui va se clore ce qu'on a coutume d'appeler "la période amarnienne". La réforme religieuse initiée par Akhénaton, "l'hérétique", n'a pas résisté à la disparition de celui-ci et les traditions millénaires, qui n'avaient jamais disparu, ont été remises à l'honneur.
La succession d'Akhénaton reste un domaine confus ; on sait qu'elle fait intervenir un certain Smenkarê et une femme au moins, qui sont d'ailleurs peut-être la même personne. Il faut attendre l'accession au trône de l'héritier légitime, Toutankhamon, pour que les choses s'éclaircissent.
Malgré son absence de connexion biologique avec la famille régnante et le fait qu'il organisa le retour à l'orthodoxie, Ay était trop lié à l'épisode amarnien. Il fut englobé dans la damnatio memoriae qui effaça de l'histoire officielle tous les règnes entre Amenhotep III et Horemheb, qui lui succèdera.

Le personnage AY

Mais qui était Ay ?
Une chose est certaine, il n'était pas l'héritier légitime du trône et on pourrait considérer qu'il constitue une dynastie à lui tout seul, tout comme son successeur Horemheb d'ailleurs.
Son origine reste obscure ainsi que ses éventuels liens familiaux, directs et/ou par l'intermédiaire de son épouse Tiy) avec la dynastie des Thoutmosides au pouvoir jusqu'ici.

Si son règne fut bref, la carrière militaire et politique de Ay qui l'a précédée fut par contre très longue puisqu'elle débute sous Amenhotep III, couvre les règnes de Akhenaton, Smenkarê et Toutankhamon, personnages auprès desquels son influence est allée grandissante.

Ay a occupé, sous les souverains amarniens, une place tout à fait exceptionnelle, puisqu'il cumulait les fonctions de général de la charrerie, probable tuteur du jeune roi Toutankhamon puis régent du royaume.
Déjà sous Akhenaton, son importance est attestée par (N°25), une des premières creusées, et la seule qui comporte complet.
On y retrouve ses titres principaux : "Flabellifère à la droite du roi, directeur de tous les chevaux de Sa Majesté, son scribe véritable, son aimé, Ay" et celui qu'il affectionne le plus : "Père Divin" (jt nTr). Ce titre, il le porte depuis l'époque d'Akhénaton puis sous Toutankhamon ; sa signification exacte reste controversée, mais la plupart des auteurs ont suivi Otto Schaden qui propose de le traduire par "tuteur". Mais la traduction "beau-père" a également été proposée. Quoi qu'il en soit, lorsque Ay est devenu pharaon, il n'aurait plus eu besoin de mentionner ce titre, mais il semble qu'à ce moment il était devenu indissociable de son nom, au point que, contre toute tradition, il fut inclus dans un cartouche du protocole royal.

L'important pouvoir acquis par Ay était cependant partagé avec le Généralissime Horemheb, sans qu'on sache exactement la part respective de chacun, mais il semble assuré qu'ils ont tous deux joué un rôle majeur dans l'abandon de l'hérésie amarnienne et dans le retour à l'orthodoxie amonienne qui assurera des décades de paix et de prospérité à l'Égypte. On ignore quelles furent les tractations ou épreuves de force, s'il y en eut, entre les deux hommes pour la succession du jeune roi, mais Ay l'a emporté et c'est sans doute assez naturellement qu'il a succédé à Toutankhamon.

Dans cette affaire, le rôle du général Nakhtmin reste peu clair. Nakhtmin était général, et successeur de Houy comme vice-roi de Koush. Il semblerait qu'il ait levé une armée dans le sud pour tenter d'éliminer Horemheb et son armée du nord, et qu'il ait échoué. Horemheb fera ultérieurement mutiler ses monuments. Ceci pourrait expliquer pourquoi, au moment de la succession de Toutankhamon, Horemheb préférera soutenir le vieux courtisan Ay plutôt que de risquer de voir s'approcher de trop près du trône ce jeune rival. La chape de plomb qui est tombée sur la mémoire de Nakhtmin ne permet pas de savoir quel fut son rôle politique réel.

C'est Ay qui peut être crédité du fastueux mobilier funéraire mis à la disposition du jeune Toutankhamon mort dans sa tombe KV 62. Et c'est lui qui - fait unique dans toutes les tombes royales - sera représenté officiant comme prêtre-sem sur la momie du jeune roi dans sa tombe faisant la cérémonie d'ouverture de la bouche (rôle normalement dévolu au fils aîné du défunt qui, ici, est donc beaucoup plus âgé que son "père").

Malgré ses preuves de dévotion au dieu dynastique traditionnel Amon, la postérité l'englobera dans le cercle des souverains amarniens auxquels il était manifestement trop lié. Ses monuments seront usurpés et sa mémoire effacée autant que faire se pourra ; ainsi, il ne figure pas sur les listes royales (comme celle d'Abydos) et sa tombe est profanée peu après son enterrement.
C'est Horemheb qui est à l'origine de cette persécution, et on peut assez raisonnablement imaginer que les rapports entre les deux courtisans ont dû être tendus, voire haineux. En fin politique, Horemheb devenu roi comprendra son intérêt et celui de l'Égypte à faire disparaître la mémoire de ce prédécesseur encombrant, avant de transmettre l'héritage pharaonique à une nouvelle lignée, d'origine militaire comme lui : les Ramessides.
Ceux-ci ne seront pas ingrats et, pour l'historiographie officielle égyptienne, le successeur légitime du dernier Thoutmoside reconnu, , sera Horemheb.

Titulature et règne du pharaon Ay :

Nom d'Horus : "Taureau puissant, Celui dont les apparitions sont étincelantes" ou "Taureau puissant, Celui dont les devenirs sont étincelants".

Nom des Deux Maîtresses : "Celui dont la force est puissante, Celui qui repousse l'Asie" ou "Celui dont la force est puissante, Celui qui repousse les asiatiques"

Nom d'Horus d'or : "Le souverain de Maât, Celui qui fait advenir les Deux Terres".

Nom de roi de Haute et Basse Égypte : "Les devenirs de Rê sont advenus" ou "Les devenirs de Rê sont advenus, Celui qui fait la Maât".

Nom de fils de Rê : "Le père Divin, Ay" ou "Le Père Divin Ay, le dieu et souverain de Thèbes".

Sur le règne de Ay proprement dit il n'y a presque rien à dire, car on ne dispose pratiquement d'aucun renseignement. Monté à un âge avancé sur le trône (au moins 60 ou 65 ans), sa mort fut sûrement naturelle.
Seuls subsistent les monuments qu'il a fait ériger, relativement nombreux malgré cette disparition rapide. Mais la plupart sont réduits à l'état de trace comme c'est le cas de son temple de millions d'années (improprement appelé temple funéraire) qui fut rasé jusqu'au sol par Horemheb qui édifia son propre temple par dessus.

La tombe WV 23, histoire

En l'absence de dépôts de fondation, on ne sait toujours pas formellement pour qui la tombe KV (ou WV pour West Valley) 23 était prévue : Amenhotep IV, Smenkhare, Toutankhamon ? L'hypothèse la plus communément admise est qu'elle était destinée à Toutankhamon mais que, étant loin d'être terminée au moment du décès inopiné du jeune roi, ce dernier fut placé dans une tombe non royale de la branche principale de la Vallée des Rois. Pour certains, Toutankhamon aurait initialement été enterré ici, et ce n'est que secondairement qu'il aurait été transféré dans sa sépulture où il fut retrouvé, KV62. Mais une des tombes inachevées qui se trouvent à proximité de WV23, comme WV24 ou WV25 (, , , ), aurait également pû être destinée à Ay.
Quoi qu'il en soit, la situation finale est celle de Toutankhamon enseveli dans la tombe KV 62 et Ay dans la WV 23. Celle-ci fut la dernière tombe creusée dans la Vallée de l'Ouest.

La tombe fut découverte en 1816 par Belzoni, par hasard dit-il. Lepsius en a fait un premier relevé épigraphique en 1824 qui sera suivi par un second fait par Piankoff en 1958. Une première excavation fut réalisée par Howard Carter en 1908, qui sera complétée par Otto Schaden en 1972.

Plan et caractères généraux

La tombe est située dans la Vallée de l'Ouest (, , ) donc près de celle d'Amenhotep III, et ce n'est certainement pas un hasard si Ay a ainsi voulu se rapprocher de son illustre prédécesseur "orthodoxe".
Pourtant, elle reste clairement d'inspiration amarnienne. Ses proportions sont celles habituellement recontrées dans la période Amenhotep III - Ramsès I et son plan se rapproche de celui de la tombe d'Akhénaton en Amarna plus que de tout autre. La décoration est également inspirée par l'art amarnien.

Plusieurs indices montrent que le décor est contemporain de celui de la tombe KV 62 de Toutankhamon, à tel point qu'on suppose que ce sont les mêmes artisans qui ont œuvré, et sous la même direction : les thèmes sont superposables, ainsi que le style des représentations et dans les deux cas il manque la classique frise de khakérous.

La tombe, largement inachevée, présente un plan axial droit, mais la portion creusée est trop petite pour savoir si une brisure d'axe était prévue, comme pendant la phase pré-amarnienne de la XVIIIème dynastie (). Sur les sept parties qu'elle comporte, seule la dernière chambre a été décorée, et encore cette décoration est-elle minimaliste.

Dans les couloirs et salles précédant la chambre funéraire, il n'y a aucun décor ou texte (), comme déjà chez Toutankhamon (et chez Akhénaton dans sa tombe amarnienne). Leur absence est donc peut-être volontaire. En effet, même en supposant un décès imprévu du souverain, les murs déjà taillés et lissés auraient pu recevoir un badigeon de plâtre et un décor entre le moment du décès et celui des funérailles, soit pendant 70 jours (en théorie) : il n'en a rien été.
C'est à partir d'Horemheb, que la décoration recommencera à devenir plus abondante et quittera la seule chambre sépulcrale.

Plus étonnante est la relative pauvreté de l'iconographie dans la chambre funéraire, bien que la facture artistique reste de qualité, rappelant ce que l'on trouve chez Amenhotep III et encore plus chez Toutankhamon : de grands personnages occupent des zones entières des murs, ce qui réduit d'autant le nombre de scènes ; les textes sont peu développés, provenant du Livre de l'Amdouat (ou Livre de ce qui est dans le monde souterrain) et du Livre de sortir au jour (plus connu sous le nom de Livre des Morts).

Manifestement, les décorateurs n'ont pas eu beaucoup de temps pour leur travail

.

On peut certes penser que dans cette pièce profondément située sous terre, non ventilée, les enduits et pigments devaient mettre un temps considérable à sécher, retardant d'autant l'avancement du travail, mais l'explication est insuffisante ; il faut admettre que la cause de ce court délai accordé aux peintres n'est pas évidente, ni ici pour Ay, et encore bien moins pour Amenhotep III. Tout se passe comme si les artisans n'avaient eu le droit de réaliser les décors qu'après le décès du souverain. Peut-être est-ce par superstition ? craignait-on que le pouvoir magique des représentations ne soit prématurément libéré ? ou que cela favorise le décès du roi ?

 Ay a probablement été inhumé dans cette tombe.
En effet on a retrouvé in situ les fragments du sarcophage, mais aussi divers objets traduisant la réalité de l'inhumation : des disques en cuivre doré, des fragments de statues de bois, des morceaux de faïence (y compris des uraei), de la céramique et des fragments de coffres et de chapelles. Par contre, pas trace de vases canopes ni même d'ouchebtis. Ceux ci ont peut-être été retirés volontairement au moment de la désacralisation de la tombe ; nous reviendrons plus loin sur cette damnatio memoriae. De même on a retrouvé, dispersés sur le sol de la vallée près de la tombe, des fragments de l'équipement funéraire du roi, autre signe de l'exécration à laquelle il fut voué. Plus difficile à expliquer par contre est la présence de fragments de feuilles d'or martelées portant les noms de Ay et de Toutankhamon dans le puits de la tombe KV 58.

Entrée, couloirs et corridors

Les premières sections de la tombe (parties A à E du plan) sont presque identiques à celles de la tombe KV 22 d'Amenhotep III, et anépigraphes. Bien qu'elle ne soit pas achevée, WV 23 n'avait donc pas été pensée comme "une petite chose", comme le croyait Gardiner.

L'entrée dans la tombe () se fait par un escalier de 6,12m de long (plan A), situé à 1m sous le niveau principal du ouadi. Une porte à redans de 2,65m de haut amène dans le premier corridor (B du plan) de même hauteur. Celui-ci mesure 11,37m de long. Deux petites niches dans les murs latéraux étaient destinées à des poutres servant à la descente du lourd sarcophage ().
À la fin de ce corridor est matérialisée une seconde porte qui amène au second escalier long de 7,95m (plan C, ). Deux cavités trapézoïdales sont taillées horizontalement à droite et à gauche. Le plafond est irrégulier, avec une hauteur de 5,44m. Une nouvelle porte amène au second corridor (D du plan) mesurant 13,94m pour une hauteur de 2,64m.
La porte suivante conduit à la salle E, qui mesure 4,14 × 4,01 × 2,98m. Son plancher est situé à 0,50m au-dessous du couloir précédent mais à 0,80m au-dessus du suivant.
Cette petite pièce, qui aurait dû être la Salle du Puits, n'a cependant jamais fait l'objet même d'une ébauche de creusement (). Il semble cependant peu vraisemblable qu'un élément qui était devenu aussi symboliquement important dans les tombes précédentes (hors tombes amarniennes), et qui sera repris par la suite, n'ait pas été envisagé. On peut supposer que le manque de temps explique son absence.
La porte qui va conduire vers la pièce suivante est plus étroite de 0,30m que la précédente et excentrée vers la droite. Le rétrécissement peut s'expliquer par la volonté de réduire le blocage qui devait ultérieurement la boucher, et l'excentration par un problème purement technique de couche rocheuse plus adaptée.