La tombe de Maya et Meryt

En cette fin de XIVe siècle av. J.-C, Maya est un des principaux personnages de l'État égyptien, depuis le règne de Toutankhamon jusqu'à celui d'Horemheb. Sa prestigieuse carrière est attestée par ses nombreux titres et épithètes, dont le plus important est "Directeur du Trésor" (donc ministre des finances). Nous en reparlerons.
Maya a fait construire à Saqqara, entre 1330 et 1310 av. J.-C., une splendide tombe-temple, destinée à lui-même et à son épouse Meryt. Il s'agit à ce jour (2021) de la seule tombe du Nouvel Empire à Saqqara à avoir des décors dans ses chambres souterraines, décors qui sont de plus d'une grande qualité.

Les éléments de surface ont été largement pillés, notamment par les premiers égyptologues. C'est ainsi que des statues et des blocs de pierre sculptés provenant du tombeau de Maya sont dispersés dans plusieurs musées du monde et plus particulièrement au Musée égyptien du Caire et au Musée de Leyde (Pays-Bas).
Mais la carrière de Maya a débuté plus tôt. En effet, Maya a pu être identifié comme l'un des courtisans d'Akhénaton du nom de May, propriétaire de la tombe inachevée n°14 à Amarna (TA 14), qui est présentée avec les autres tombes de Tell el-Amarna.

Avant d'aborder le monument de Maya, nous allons examiner rapidement le nouveau type d'architecture funéraire qu'on voit se développer à Saqqara au Nouvel Empire. Ces éléments peuvent s'appliquer à d'autres tombes que nous étudierons ultérieurement.

la tombe-temple de Saqqara au Nouvel Empire

Le site de Saqqara est surtout connu pour ses pyramides et ses mastabas de l'Ancien Empire. Bien qu'au Nouvel Empire la nécropole royale ait été transférée à Thèbes, dans la Vallée des Rois, le plateau de Saqqara accueille encore de nombreuses inhumations de hauts personnages, témoignant de l'importance que conserva Memphis (dont Saqqara est le principal cimetière) comme métropole religieuse, administrative et militaire.
Aléas des découvertes archéologiques, les plus anciennes tombes du Nouvel Empire datent du milieu de la XVIIIe dynastie (~ 1400 av. J.-C.)

Ces vestiges se multiplient à partir du règne d'Amenhotep III et leur nombre culmine sous les ramessides. Actuellement (2021) la période la mieux représentée correspond au règne d'Akhénaton et de ses premiers successeurs, dont Toutankhamon.

Les plus vastes de ces tombes ressemblent effectivement à de petits temples, avec même une façade en forme de pylône. L'entrée donne accès à une cour, laquelle précède trois chapelles de culte. En dehors du culte funéraire du défunt, il n'est pas rare d'y trouver, comme dans les temples, un culte à une divinité, Osiris, Hathor, ou même au taureau Apis.
Les manifestations du culte solaire sont omniprésentes : orientation est-ouest ; hymnes solaires inscrits sur des stèles et sur les pilastres ; pyramide miniature placée sur le toit de la chapelle centrale.

Les premières chapelles de surface sont construites en briques crues et ont un sol en terre battue. Puis, dans les tombes les plus riches, les zones principales ont un sol pavé, les jambages de porte, les architraves, les stèles, sont en calcaire et souvent inscrits. Une petite pyramide surplombe la chapelle centrale. Au cours de la XIXe dynastie, des dalles de calcaire décorées de reliefs tapissent progressivement les murs en briques - ce qui oblige à bâtir la pyramide derrière la chapelle centrale. Dans la cour ou la chapelle, se dressent sur des piédestaux une ou plusieurs statues du propriétaire. Un puits vertical situé dans la cour donne accès aux chambres funéraires souterraines, creusées profondément dans le socle rocheux.
Des tombes de ce type ont été construites partout sur la surface du plateau de Saqqara, jusqu'à la fin de la XXe dynastie. Après le transfert par Ramsès II de la capitale à Pi-Ramsès, dans le Delta oriental, le cimetière de Saqqara perd progressivement de son attrait.

La nécropole du Nouvel Empire à Saqqara

Elle est divisée en quatre secteurs principaux :
- l'escarpement oriental au-dessus du village d'Abousir
- la zone au nord et à l'est de la pyramide du roi Téti (VIe dynastie)
- l'escarpement sud, correspondant au Bubasteion
- la zone située au sud de la chaussée d'Ounas : c'est elle qui va nous occuper.

Les principales tombes découvertes à proximité de la chaussée d'Ounas sont celles de :
1- Maya, trésorier de Toutankhamon
2- Tia, trésorier de Ramsès II
3- Horemheb, général de Toutankhamon
4- Pay, directeur du harem de Toutankhamon
5- Meryneith, intendant du temple d'Aton à Memphis
6- Ptahemouia, majordome royal d'Akhénaton.

Histoire de la (re)découverte de la tombe de Maya

Après avoir été pillée dans l'antiquité, la tombe s'ensable et disparaît jusqu'en 1843. À cette date, le grand égyptologue allemand Karl Richard Lepsius localise la première cour, mais pas les substructures et ses magnifiques reliefs peints. Il dresse un plan sommaire qui est publié dans le tome II de son gigantesque ouvrage, "Dankmäler aus Aegypten und Æthiopien". Les superstructures du monument sont de nouveau pillées et des dégradations volontaires se produisent. Le peu d'éléments architecturaux hors sol subsistant est ensuite recouvert par le sable et la tombe est encore une fois perdue.

En 1974, l'Egypt Exploration Society (EES) britannique décide de lancer une campagne de fouilles du côté sud de la chaussée d'Ounas, avec notamment pour objectif de retrouver Maya. L'EES s'associe au Rijksmuseum van Oudheden de Leyde pour ce chantier dont la direction est confiée à Geoffrey T. Martin.

La recherche

En janvier 1975, trois jours après le début des travaux, une tombe d'un immense intérêt sort des sables, puisqu'il s'agit de la tombe civile d'Horemheb, généralissime de Toutankhamon, avant qu'il ne devienne pharaon. Une découverte majeure ! Suivent d'autres sépultures plus petites ... mais toujours pas de Maya.

Enfin la découverte

Elle a lieu en 1986, soit onze ans après le début des fouilles, de façon inattendue.
Habituellement, les archéologues trouvent des éléments de la superstructure et la partie souterraine n'apparaît que dans un second temps. Mais, sur le chantier de Maya, les éléments architecturaux de surface ont été soit usurpés, soit réemployés ailleurs, soit détruits par le temps ou les hommes. Par contre, il persiste de nombreux puits funéraires percés à différentes époques. C'est en explorant un de ces puits qui part de la cour de la tombe de Ramose (un militaire contemporain d'Horemheb et de Maya), que Martin et van Dijk découvrent un tunnel percé par des pilleurs. Il débouche dans un autre puits qui descend à environ 20m sous le niveau du sol. De là, deux volées de marches conduisent à un complexe de salles.
Et là… mais écoutons le récit de Geoffrey Martin: "Nous étions dans l'obscurité totale depuis environ 15 minutes. Soudain, nous avons entrevu des reliefs merveilleux et avons été extrêmement surpris de nous trouver dans une antichambre menant à une chambre funéraire. Mon collègue a regardé une inscription sur un mur et s'est écrié : 'Mon Dieu, c'est Maya'!"

La fouille et la restauration

La fouille et la restauration de la tombe de Maya ont duré cinq ans (1987 à 1991). Elles ont été menées par une expédition conjointe de l'Egypt Exploration Society (EES) et du Musée national des antiquités de Leyde.

New entrance to the subterrean rooms Nouvel accès aux salles souterraines

Les pièces souterraines, taillées dans une strate rocheuse très tendre ont posé de gros problèmes. Contre les parois, les ouvriers de l'antiquité ont placé un chemisage en dalles de calcaire en ménageant un espace entre la roche-mère et le revêtement calcaire, comblant le vide entre les deux avec de la terre. Ce dispositif a eu l'heureux effet de prévenir dans une large mesure l'efflorescence de cristaux de sel sur les reliefs. Ce qui explique que les décors encore existants soient assez bien conservés.

Il fut rapidement évident qu'il serait impossible de restaurer sur place les parois des salles souterraines. Les protéger et permettre leur visite a nécessité un véritable exploit technique : les reliefs intacts ainsi que des centaines de fragments, ont été enlevés et réinstallés dans une fosse spécialement creusée sous la surface de la cour extérieure de la tombe et accessible par un petit escalier.

La carrière de Maya dans son contexte historique

Les débuts à Tell el-Amarna

The tomb 14 at Tell el-Amarna La tombe 14 à Tell el-Amarna

Maya a probablement grandi à la cour d'Amenhotep III. Les débuts de sa carrière se situent à l'époque d'Akhénaton, ce pharaon dit monothéiste, dont l'administration désastreuse a failli perdre l'Égypte (pour approfondir le sujet, voir ). Maya a pu être identifié comme étant l'un des courtisans d'Akhénaton, un personnage de haut rang, titulaire d'importants titres et fonctions, qui portait le nom de "May" (sans le "a" final). La faveur dont il jouissait est attestée par le droit de se faire aménager une tombe à Amarna, la TA 14, qui est restée inachevée (voir ).

Sous Toutankhamon

Mais c'est sous le règne du jeune roi Toutankhamon (1333-1323 av. J.-C.) qu'il accède à des fonctions parmi les plus importantes du pays. Avec Horemheb et le Divin Père Ay, il dirige l'Égypte. C'est à cette époque qu'il fait aménager sa tombe à Saqqara, comme le fait Horemheb.
Une fois Akhénaton et ses successeurs immédiats, les éphémères Merytaton (fille d'Akhénaton) et Smenkharê disparus, Maya se trouve devant une tâche immense : les affaires intérieures de l'Égypte vont mal après presque vingt ans de désordre dû à l'épisode amarnien. Maya contribue à rétablir les cultes traditionnels, fait restaurer les temples qui, sans avoir été fermé complètement comme on l'a cru longtemps, tournaient cependant au ralenti.
Pendant ce temps, le généralissime Horemheb s'occupe des affaires extérieures du pays, mises à mal en Asie par la politique étrangère irresponsable d'Akhénaton – mélange de négligence et d'incapacité. Horemheb mène donc plusieurs campagnes militaires et fait rentrer dans le rang les vassaux de l'Égypte.

Sous Ay et Horemheb

À la mort de Toutankhamon, c'est Maya qui organise les funérailles du jeune roi ; il place dans le mobilier funéraire des objets portant son nom, comme la coudée votive qui se trouve actuellement au musée du Louvre. Bien qu'on manque de document, il est très vraisemblable que Maya ait continué à exercer ses fonctions sous le règne de son successeur Ay. Puis, ayant eu l'intelligence de soutenir le général Horemheb contre son rival, le général Nakhtmin, il reste en place sous Horemheb devenu pharaon.

Maya : le personnage officiel

G.T. Martin a recensé dans la tombe de Maya 39 titres de cour (dont certains purement honorifiques), 18 titres administratifs, 3 variantes du titre de scribe, 6 titres en rapport avec la conduite de travaux et 8 titres sacerdotaux. Énumérer tous ces titres et leurs variantes sort du propos de cette présentation, aussi nous ne citons que les plus importants.

Titres administratifs

► Le titre-fonction qui revient le plus souvent est "Directeur du Trésor", avec des variantes : "Directeur du Trésor du Seigneur des Deux Terre", "Directeur du Trésor d'argent et d'or", "Directeur du double Trésor d'or", "Directeur du double Trésor d'argent "
► Un autre titre-fonction important est "(Vrai) Scribe du roi (qui l'aime)."
► On trouve également souvent :
"Flabellifère à la droite du roi"
"Prince héréditaire"
"Gouverneur"
"Porteur du sceau du roi de Basse Égypte"
"Qui a chaque (sceau) du roi sur sa bague"
"Porte-parole du roi"
"(Celui) dont le bâton régit le peuple"
"Qui gouverne les deux rives"
"Directeur des travaux dans la Place d'Éternité"
(Vallée des Rois)
"Gardien des secrets du Palais"
"Favori du roi"
"Favori d'Horus dans son palais"
(le roi)

Epithètes

"[Celui] Qui fait ce qui plaît à sa majesté"
"Qui fait ce qui plaît au Seigneur des Deux Terres"
"(Celui) dont chaque acte satisfait l'Un"
(le roi)
"(Sa) conduite est bénéfique dans son cœur" (le roi)
"(Celui) Dont le Ka fût façonné par le Seigneur des Deux Terres"
"Grand dans le Palais"
"Grand dans sa dignité"
"Unique, plaisant (au) cœur du souverain"
"Aimé du Seigneur des Deux Terres"
"Un que le Seigneur des Deux Terres aime en raison de ses vertus"

Titres sacerdotaux

Tia (time of Ramesses II) wedged between Maya and Horemheb Tia (époque de Ramsés II) s'est intercalé entre Maya et Horemheb

"Pur de mains quand il fait brûler l'encens"
"Gardien des secrets de la Maison de l'or dans les temples de tous les Dieux"
"Celui qui mène la procession"
"Celui qui mène la fête d'Amon"
ou "Ordonnateur de la fête d'Amon dans Karnak"

La mémoire posthume de Maya

Maya disparaît dans le courant de l'an 9 du règne d'Horemheb, ou peu de temps après (~ 1310 av. J.-C.). Sa femme Meryt l'avait précédé dans la tombe. Si on se fie aux restes osseux trouvés dans la tombe, il avait une cinquantaine d'années.

Une petite chapelle en briques crues, de la fin de la XVIIIe dynastie et destinée à un prêtre lecteur du nom de Yamen, se trouve contre le mur sud de la cour intérieure. Par ailleurs, une stèle prouve que le culte funéraire de Maya s'est maintenu au moins jusqu'à l'époque ramesside.
C'est sans doute la raison pour laquelle la grande tombe de Tia et Tia, beau-frère et sœur de Ramsès II, s'est glissée entre les tombes d'Horemheb et de Maya. Pour se faire, le plan a été soigneusement étudié pour permettre à cette tombe de tenir dans cet espace relativement limité. L'architecte de Tia n'aurait certainement pas pris cette peine si le culte dans la tombe de Maya avait déjà été abandonné.